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Culture - Initiative

Seenaryo, l’ONG socio-culturelle qui résiste à travers le théâtre

Implantée au Liban, en Jordanie et en Palestine, elle utilise le spectacle et le jeu pour aider les gens à guérir, à diriger et à apprendre. Après Zrariyé dans le Sud, elle présente une pièce le 28 août au Tournesol.

Seenaryo, l’ONG socio-culturelle qui résiste à travers le théâtre

Les préparatifs avant le spectacle le 7 août 2024. Photo Abbas Hamza

Quand tout s’arrête et qu’on est obligé à tort ou à raison de respirer un grand coup pour retrouver ses esprits. Et quand bien même la culture, dernier bastion de résistance dans un pays en totale déliquescence, serait réduite au silence, s’élève la voix des acteurs de la scène socio-culturelle qui refusent de rendre les armes, surtout quand leur travail touche les enfants et les jeunes et que ceux-là mêmes sont habitants de territoires qui sont durement et fréquemment frappés. Ces acteurs œuvrent sous le parapluie de Seenaryo, une organisation dans le nom de laquelle on retrouve le participe passé du verbe anglais « to see », qui pourrait renvoyer à cette malheureuse impression de déjà-vu, entendue et mille fois revécue. Une situation d’incertitude et de conflit qui plane en permanence au-dessus des cieux libanais.

Les jeunes acteurs apprentis lors de la performance au Liban-Sud le 7 août 2024. Photo Abbas Hamza

Seenaryo est implantée au Liban, en Jordanie et en Palestine, et utilise le théâtre et le jeu pour aider les gens à guérir, à diriger et à apprendre. L’ONG co-crée des spectacles avec des communautés mal desservies, vise à former de futurs leaders et transformer les salles de classe en espaces de jeu. Elle a vu le jour en 2015 grâce à l’initiative de la Britannique Victoria Lupton, titulaire d’un diplôme en philosophie, politique et économie et d’un diplôme de comédienne, qui travaille au Liban depuis 2011. D’abord dans le domaine de l’art contemporain, puis à la direction de l’organisation à but non lucratif américaine SEAL (Social & Economic Action for Lebanon), elle a créé des projets artistiques, notamment la promenade audio Another Place, qui a été présentée dans cinq pays sur trois continents, et a cotraduit deux pièces de théâtre pour le Royal Court Theatre. Elle a commencé sa vie professionnelle en tant qu’actrice, avant de se rendre compte que sa force résidait dans le fait d’agir dans les coulisses à des fins sociales et de fonder Seenaryo qui intègre par la suite quatre autres Britanniques et une Libanaise, membres fondateurs eux aussi.

Seenaryo, une pièce en cinq jours

Seenaryo préconise entre autres la création, en cinq jours, d’un spectacle avec quelque 25 enfants âgés de 10 à 15 ans qui choisissent le thème, la mise en scène, la musique et le titre de la pièce de théâtre, dont la dernière en date s’intitule I Dream of a Different World. Le tout reflète bien entendu leurs aspirations, leurs rêves et les moyens qu’ils ont pour les exprimer. Le point de départ de l’œuvre est ce bruit perturbant qu’ils perçoivent, la mort qui rôde autour, et comment leur imaginaire va les amener à transcender leurs frayeurs pour culminer avec l’adage « Nous devons continuer de lutter pour arriver à terme, et l’espoir est toujours là ».

« Ce qui rend ce projet intéressant, c’est qu’au 3e jour, nous invitons un artiste à se joindre aux enfants de manière à esquisser sur papier leur concept. Les enfants vont alors le colorier, ce qui peut donner naissance à de nouveaux personnages », explique Rayan Hibta, directrice artistique du programme. « Le 5e jour, donc à la date du spectacle, nous accrochons la toile qui fait en général 6 mètres et qui sert de décor aux enfants qui sont sur scène », explique-t-elle ensuite. 

À Zrariyé, les jeunes participants à l’atelier théâtre de l’ONG Seenaryo. Photo Abbas Hamza

Une plate-forme inclusive

Seenaryo se veut une plateforme inclusive, que ce soit en matière de disciplines artistiques ou de communautés, et a étendu ses activités au domaine éducationnel et à la cause des femmes. Aujourd’hui, Seenaryo propose une nouvelle approche éducative, plus ludique et interactive, qui repose sur le théâtre. Le théâtre qui n’est pas une méthode thérapeutique pour l’ONG finit par agir en tant que telle, vu la situation que connaissent les enfants. Sa dernière création était une pièce montée cette fois en 7 jours à Zrariyé, au sud du pays, avec la Said and Saada Foundation du Sud, qui a démarré le 22 juillet. Mais c’était sans compter avec l’escalade croissante que traverse la région et qui rend la tâche des coordinateurs in situ particulièrement compliquée. La représentation prévue pour le 29 juillet à Zrariyé a dû être ajournée à cause des bombardements à proximité, et a quand même eu lieu le 7 août pour ceux sur place et en visioconférence pour les absents, pendant que d’autres régions plus épargnées annulaient les événements programmés, ce qui rend la démarche d’autant plus méritoire. « Présenter la pièce était primordial pour les enfants et leur a permis d’exprimer leurs craintes, leurs attentes, leurs espoirs, leur vision de la guerre, une guerre qu’ils ont oubliée pendant tout le temps où ils étaient sur les planches, eux qui ignoraient tout du monde théâtral », souligne Rayan Hibta.

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Seenaryo est financée par de nombreux contributeurs, parmi lesquels le Linbury Trust, une fondation britannique qui octroie des subventions créées par Lord Sainsbury of Preston Candover KG et son épouse Anya, Lady Sainsbury CBE, l’ancienne ballerine Anya Linden, et les Nations unies, à titre d’exemple. Les partenaires de l’ONG sont multiples également et font la sélection des candidats qui rejoignent le projet, qui couvre un spectre très étendu de communautés défavorisées et de toutes nationalités.

Dans les pièces de Seenaryo, l’immersion dans les personnages est totale. Photo Abbas Hamza

Seenaryo ne chôme pas et espère pouvoir organiser un nouveau spectacle au Sud sous l’impulsion des divers partenaires, qui sont totalement étrangers au domaine dans cette région du pays. Le projet sur lequel travaille Seenaryo actuellement est en partenariat avec Undef, une aile des Nations unies au Liban qui ambitionne de renforcer l’autonomie des réfugiées syriennes, et SEEDS, une organisation à but non lucratif qui vise à soutenir l’économie en créant des entreprises sociales et en encourageant la communauté libanaise à participer en se portant volontaire dans différentes activités. Elle a pour objectif d’informer un groupe de jeunes de milieux, nationalités et confessions différents sur leurs droits et devoirs de citoyens, sur la bonne gouvernance et les amener à donner forme à cette connaissance sur les planches, afin de la communiquer à d’autres cellules de jeunes et de la rendre plus compréhensible. Le spectacle a lieu cette fois à plus grande échelle. Il a recours à un metteur en scène professionnel, Issam Bou Khaled, qui est lui-même assisté par Yara Zakhour. Le travail est entièrement collaboratif. La pièce intitulée Mish Aam Kazzib (Je ne mens pas) sera amenée à tourner sur l’ensemble du territoire libanais.

Rendez-vous donc au théâtre Tournesol le 28 août, si la censure le permet, puisque à chaque fois que le propos est citoyen voire politique, elle risque de faire des siennes.

L’entrée est libre et gratuite.

Quand tout s’arrête et qu’on est obligé à tort ou à raison de respirer un grand coup pour retrouver ses esprits. Et quand bien même la culture, dernier bastion de résistance dans un pays en totale déliquescence, serait réduite au silence, s’élève la voix des acteurs de la scène socio-culturelle qui refusent de rendre les armes, surtout quand leur travail touche les enfants et les...
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