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Idées - Journée mondiale de l’humanitaire

À Gaza, les humanitaires confrontés à la faillite morale des États

À Gaza, les humanitaires confrontés à la faillite morale des États

Une femme réagit après l'inspection des dégâts occasionnés par une frappe israélienne dans le quartier de Cheikh Radwan à Gaza-Ville, le 11 août 2024. Omar al-Qattaa/AFP

Le 19 août 2003, le siège de l’ONU basé au Canal Hôtel, à Bagdad, a été en grande partie détruit par un attentat à la bombe qui a coûté la vie à 22 personnes, parmi lesquelles le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Sergio Vieira de Mello. Cette attaque visait la Mission d’assistance des Nations unies pour l’Irak (MANUI) alors accusée d’une subordination coupable, et dramatique pour la population civile, à la politique étrangère des États-Unis. Vieira de Mello lui-même en était conscient et avait à peine eu le temps d’initier une rupture avec cette tendance, avant l’attentat qui lui a ôté la vie. En 2008, l'Assemblée générale des Nations unies a désigné cette date comme Journée mondiale de l'aide humanitaire.

Vingt années se sont écoulées, et toujours les mêmes errements, comme si aucune leçon n’avait été tirée depuis le conflit en Irak, sur les effets catastrophiques de la soumission des principes humanitaires au cynisme des logiques politiques. À Gaza, la population civile et les acteurs humanitaires en sont actuellement les victimes, les agences de l’ONU y opérant font preuve d’un véritable courage politique pour tirer les leçons des errements passés.

L’ampleur de la catastrophe pour la population civile, depuis les massacres d’autres civils en Israël le 7 octobre 2023, est dramatique : au 15 mars, plus de 40 005 auraient été tués, dont plus de 16 000 enfants et 11 000 femmes – et plus de 92 000 autres ont été blessés, selon les chiffres du ministère de la Santé contrôlé par le Hamas et jugés crédibles par l’ONU.

Insécurité sanitaire et alimentaire

Le plan d’évacuation de la bande de Gaza, voté en 2004 créait les conditions d’un verrouillage total du territoire par Israël et de la maîtrise de tous les intrants : denrées alimentaires, fourniture d'eau, moyens de communication, fourniture d'électricité. Idem pour le contrôle du réseau d'évacuation des eaux usées (article 8) . Une « perfusion » est ainsi mise en place, vitale pour la population. Toute violence politique, toute révolte populaire exposait dès lors, par mesure de rétorsion, à une réduction des flux et des frontières vers ce territoire qui apparaissait rapidement comme une prison à ciel ouvert à ceux qui le parcouraient.

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La situation alimentaire dramatique qui prévaut aujourd’hui est la traduction, folle par son ampleur, de la capacité du voisin israélien à contrôler la perfusion. La disponibilité des denrées alimentaires sur le territoire est touchée sur ses différentes sources d’approvisionnement. Les pathologies liées à la promiscuité, à la mauvaise qualité de l’eau, au manque d’hygiène corporelle ou aux dégradations environnementales sont en forte augmentation. La gestion des déchets constitue un problème majeur. Là où les regroupements de population sont les plus denses, on note la présence de matières fécales humaines autour des lieux de stationnement dans près de 80 % des cas. Le système de santé est détruit. Les hôpitaux continuent de subir de graves perturbations dans la fourniture de soins de santé dans la bande de Gaza.

Niveau inégalé de victimes au sein de l’Unrwa

Au 15 août, soit plus de 11 mois après le début de la violence débutée le 7 octobre, 207 membres du personnel de l’Unrwa avaient perdu la vie . Traduisant une surmortalité majeure par rapport aux autres terrains de crise. En 2022, on avait ainsi dénombré pour l’ensemble des agences onusiennes partout dans le monde, 76 décès .

En 2019 le taux d’incidence des décès dans le monde était de 31 pour 100 000 travailleurs humanitaires . Dans le cas de l’Unrwa à Gaza, cette incidence aura été, à ce jour, de 1 600 pour 100 000. Soit une mortalité des personnels de cette agence 54 fois supérieure à la moyenne des morts parmi les humanitaires sur les autres terrains de crise.

C’est en août 1949, en espérant poser un cadre protecteur sur les populations civiles en zones de conflit armé, et pour tirer les enseignements des violences dramatiques de la Seconde Guerre mondiale, que sera signée la 4e convention de Genève. Ce mois d’août 2024 constitue ainsi le 75e anniversaire de la publication de ces conventions. En décembre de la même année 1949, l’Assemblée générale des Nations unies vota la constitution de l’Unrwa, comme une déclinaison concrète de la dynamique voulue par les pères fondateurs du Droit international humanitaire (DIH) contemporain.

Mais malgré les constats dramatiques qui prévalent dans l’enclave palestinienne, ce droit international n’est pas appliqué. La paralysie trahit une incapacité à exécuter dans les faits les décisions de justice prononcées par la Cour internationale de justice (prévention et répression du crime de génocide dans la bande de Gaza) ou par la Cour pénale internationale (délivrance de mandats d’arrêt contre des dirigeants du Hamas et israéliens pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité).

Pour mémoire

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Cornelio Sommaruga, président respecté du Comité international de la Croix-Rouge (1987-1999) décédé à Genève en février dernier, doit se retourner dans sa tombe. « Ainsi tous les États sont-ils coresponsables pour que même au plus fort de toute guerre, y compris les guerres civiles, certains principes élémentaires d'humanité soient respectés, et qu'en particulier les blessés, les prisonniers et les populations civiles soient protégés », avait-il notamment déclaré le 30 mai 1995, dans un discours qui fait date dans la vie de l’institution qu’il représentait alors. Il évoquait en effet les 50 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale.Il avait en la circonstance eu des paroles qui marquèrent les esprits et dont on mesure immédiatement la portée dans le contexte international qui prévaut au Proche-Orient :« Mais, croyez-moi, à chaque instant où nous assumons aujourd'hui nos responsabilités humanitaires face aux victimes de la guerre et de la violence politique, je me rappelle l'échec moral de notre institution face à l'holocauste lorsqu'elle n'a pas su dépasser le cadre juridique limité que les États lui avaient fixé. »

Le CICR a bien retenu les enseignements de son ancien président, cette organisation dénonçant dès le début de l’escalade militaire à Gaza, aux côtés des agences onusiennes et des ONG, le sort de la population civile. La formulation que nous a légué Sommaruga concerne aujourd’hui le gouvernement israélien et ses alliés. Nul doute, qu’à terme, des dirigeants devront rendre compte de l’échec moral qu’aura constitué la paralysie politique face au drame de la population gazaouie.

Par Pierre MICHELETTI

Médecin, membre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Ancien président d’Action contre la faim et de Médecins du monde - France. Dernier ouvrage : Tu es Younis Ibrahim Jama (Langage Pluriel, 2023).

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Eleni Caridopoulou

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  • Il y aura une pandémie pire du Covid de 2020

    Eleni Caridopoulou

    18 h 28, le 19 août 2024

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