Depuis que Kamala Harris a été déclarée candidate officielle du parti démocrate à l'élection présidentielle du 5 novembre prochain, elle ne cesse de voir sa côte de popularité grimper, en dépit ou à cause des attaques personnelles qu’elle a subies, jugées « inacceptables » lors des campagnes électorales. Ce qui avait été le fait du colistier de Donald Trump, JD Vance, qui avait qualifié Kamala Harris de « Dame aux chats sans enfants » et qui a été généralement perçu comme amoral et cruel.
Ses détracteurs ont tout de suite dévoilé le véritable visage de l’attaquant, affirmant que tout le monde sait bien que le sénateur de l’Ohio considère les femmes démocrates comme « une flopée des dames aux chats sans enfants qui, du fait qu’elles ne veulent pas être mères, sont un danger pour l’avenir de l’Amérique », contrairement aux républicains qui, eux, « sont un parti profamille », comme le rapporte le Washington Post. Les adversaires de Vance, en particulier les couples ayant choisi de ne pas avoir d’enfants, se sont ainsi enflammés sur les réseaux sociaux : « L’Amérique et nous, nous nous portons très bien, merci ! » Précisant de surcroît que cela ne les empêche pas de couler des jours heureux.
Une expression devenue une insulte
Les célibataires sont aussi montés au créneau expliquant qu’ils n’avaient pas besoin de félins ou d'autres animaux de compagnie pour gérer leur existence, faussement décrite comme solitaire. Le site non partisan, Wisconsin Examiner, tranche dans le vif du sujet : « Se déclarer champion de la maternité, des valeurs familiales et des petits-enfants n’est pas exactement un acte de courage politique. Mais, c’est une position particulièrement trompeuse dans le débat politique national actuel. » Enfin, l’expression « Childless Cat Lady » est venue s’ajouter à la liste des insultes au pays de l’Oncle Sam.
Coïncidence ou pas, se tient actuellement au Whitney Museum à New York une exposition intitulée Millions of Cats. Il s’agit d’images tirées du plus ancien livre américain de dessins pour enfants, toujours réédité, et qui porte la signature de l’artiste Wanda Gág (1893- 1946). C’est là un titre historique publié en 1928 qui a toujours sa place au soleil, car près d’un siècle plus tard, il fait l’objet de séances de lecture au Whitney Museum. Ici, en apparence, pas de traces de dissensions ni de morsures, mais des beaux tracés du pinceau de l’artiste qui fait dans le merveilleux du monde des chats. Elle avait dit un jour : « Je n’écris pas des livres pour enfants. J’écris des livres pour l’enfant que je suis. En rassemblant du matériel provenant de toutes les franges impuissantes et effilochées de nos vies tâtonnantes. »
Millions of Cats se veut une histoire simple sur les plaisirs des animaux de compagnie et sur le choix de la beauté subjective du chat d'un couple de personnes âgées qui vit confortablement et qui soudain a envie d’avoir un chat. Le mari part à la recherche d'un beau spécimen. Après avoir voyagé loin de chez lui, il trouve une colline couverte entièrement de chats. « Des centaines de chats, des milliers, des millions et des milliards de chats », décrit l’auteure.
Il les ramène tous à la maison et c’est la corrida pour décider lequel est le plus beau. Dans la mêlée, tous finissent par prendre la fuite, sauf un petit chaton caché dans les hautes herbes. « C’est le plus beau chat que j'ai jamais vu ! Et je l’ai reconnu parmi les millions d’autres », s’exclame la femme. Un pur moment de bonheur et de poésie domine les dessins de la talentueuse Wanda Gág qui, à l’instar aujourd’hui de la candidate Kamala Harris, n’a pas échappé à un récent coup de griffe politique, près de cent ans après la publication de son bel ouvrage. Il provient de l’historienne américaine Julia L. Mickenberg, dans son livre intitulé Learning Froc the Left (2005). Elle trouve que Millions of Cats « raconte une histoire très troublante sur la stérilité de la vie bourgeoise, l'avidité, la concurrence, la dégradation de l'environnement et la violence insensée ». Pour elle, ce couple de retraités vit isolé d’une communauté significative dans sa maison bourgeoise, en se distanciant de ce qui se passe dans le monde extérieur. Cette fois, il y a de quoi fouetter un chat quand on oblitère que l’on a affaire à un conte.