Après les assassinats mardi et mercredi derniers de Fouad Chokor, haut gradé du Hezbollah, dans la banlieue sud de Beyrouth et du chef politique du Hamas, Ismaël Haniyé, à Téhéran, dans des opérations imputées à Israël, le risque d’un embrasement régional n’a jamais été aussi grand depuis le début de la guerre de Gaza et des affrontements entre le Hezbollah et l’armée israélienne au Liban-Sud en octobre dernier.
Alors que des chancelleries appellent leurs ressortissants à quitter le Liban et que certaines compagnies aériennes suspendent des vols vers Beyrouth, les Libanais se demandent s’il ne serait pas temps de faire des stocks de nourriture et de médicaments. Une habitude de faire des achats en gros en cas de crise qui remonte à la grande famine de la Première Guerre mondiale, qui a décimé un tiers de la population du Mont-Liban.
Si certains Libanais ont de fait confirmé à L’Orient Today avoir commencé à stocker de la nourriture et des médicaments, d’autres ont affirmé prévoir le faire au plus tôt ou ne l’ont tout simplement pas envisagé. Contactés, le syndicat des propriétaires de supermarchés et celui des importateurs de denrées alimentaires, ainsi que l’ordre des pharmaciens au Liban ont, eux, démenti avoir constaté un tel phénomène sur le terrain.
Des Libanais stockent, d'autres y pensent
Des conserves, du riz, des lentilles, des haricots et des médicaments, voilà la liste des marchandises que Wissam* a confié avoir commencé à stocker. Cet habitant de la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah, est toutefois confus quant à la quantité qu'il doit stocker, car il ne sait pas « combien de temps » la guerre pourrait durer, dit-il.
Un autre habitant de cette banlieue, souhaitant rester anonyme, a indiqué avoir sérieusement envisagé de stocker pour la première fois depuis octobre dernier. Vendredi dernier, « quand je me suis réveillé, j'ai dit à ma mère que nous devrions acheter de la nourriture et des fournitures pour les stocker au cas où la guerre commencerait, car les prix s'envoleraient et nous ne serions même pas en mesure de trouver ces produits facilement », explique-t-il.
Habitant la région du Metn, Mario Finan, la vingtaine, a lui déclaré qu'il n'avait pas encore commencé à stocker de la nourriture, mais qu'il allait bientôt commencer, sa peur ayant augmenté en raison des tensions croissantes. Ce n’est en revanche pas le cas de Karim, 25 ans, vivant avec sa famille dans cette même région, qui raconte que, malgré les derniers événements et son anxiété grandissante, sa famille n'a pas encore commencé à stocker sans pouvoir réellement en justifier la raison.
Malgré sa peur, Marianne*, une résidente de Furn el-Chebback, a déclaré qu'elle ne stockait pas, car elle n'avait pas de place pour stocker beaucoup de nourriture chez elle, alors elle n'achète que ce dont elle a besoin. Interrogée sur le fait de recommander ou non aux gens de stocker, elle a répondu : « Je ne sais pas, je suppose que chacun fait ce qu'il veut, mais c'est un peu agaçant pour moi quand je vais au supermarché et que je ne trouve littéralement pas de riz car tout a été vendu parce que les gens stockent. » Et d'ajouter : « Mais je ne leur en veux pas. »
Pendant ce temps, Mohammad Ghazzawi, un habitant du Akkar, explique que la situation dans cette région du Liban-Nord est différente en raison de sa localisation. « Nous n'avons pas commencé à stocker de la nourriture et des médicaments parce que nous n'avons pas ressenti une atmosphère de guerre, peut-être parce que nous sommes au Akkar et que les guerres n'ont historiquement pas été proches de nous, comme par exemple la guerre de juillet 2006. »
Enfin, Mohammad*, un habitant de Mousseitbé à Beyrouth, ne stocke lui que son médicament pour l'asthme, mais pas de nourriture. « Nous n'avons pas commencé à stocker de la nourriture parce que nous sommes encore dans le déni, nous ne sommes pas sûrs qu'une guerre aura lieu », a-t-il dit.
Le Liban possède des réserves alimentaires sur « trois à quatre mois »
Pour mieux comprendre si le phénomène de stockage a démarré au Liban, L’Orient Today a contacté certains acteurs sectoriels, à l’instar du président de l'ordre des pharmaciens du Liban, Joe Salloum, qui a affirmé que les habitants, en général, n'ont pas stocké de médicaments. Il a ajouté que les prix des médicaments n'ont pas augmenté en raison de la situation et que le stock de médicaments présents au Liban peut durer environ cinq à six mois en cas de guerre.
Le président de l'Union des importateurs de denrées alimentaires, Hani Bohsali, a lui déclaré que les supermarchés n'ont pas encore remarqué de panique ni de stockage parmi leurs clients. Il a ajouté qu'il n'y a « pas besoin de stocker de manière excessive, car il y a suffisamment de cargaisons et de nourriture pour subvenir aux besoins pendant environ deux à trois mois » si une guerre devait éclater. Malgré cela, il a dit qu'il est « compréhensible, étant donné la situation et les mauvaises nouvelles, que les gens prennent quelques précautions ».
Concernant l'impact d'une guerre potentielle sur les prix des denrées, il a déclaré que cela dépendra de l'ampleur de la guerre. « Le plus important, c'est que nous espérons que cette guerre n'aura pas lieu, car les conséquences seraient désastreuses, non seulement sur les prix, mais sur tout. »
Enfin, le président de l'Union des propriétaires de supermarchés, Nabil Fahd, a assuré que « les prix sont toujours les mêmes » et qu'il ne s'attend pas à ce qu'ils changent même en cas de guerre, ajoutant que si certains Libanais achètent plus de conserves, de graines et d’eau, « ce n’est pas en grande quantité ». Dans un pays en grave crise économique depuis 2019, « les gens n’ont en général pas un salaire leur permettant d'acheter et de stocker de grandes quantités de marchandises », a-t-il souligné.
Mercredi dernier, le ministre sortant de l'Économie et du Commerce, Amine Salam, avait insisté sur le fait qu'il n'y avait pas besoin de commencer à stocker de la nourriture étant donné qu'il n'y a « aucune pénurie de nourriture ni de crise alimentaire sur le marché aujourd'hui », précisant également qu'il y avait « suffisamment de réserves alimentaires pour durer les trois à quatre prochains mois ».
*Les noms de famille ont été préservés à la demande des interlocuteurs.
- S,IL ETAIT CIMETIERE, - PEUPLE, TON BEAU PAYS, - LES MORTS DE SOUS LA TERRE, - SERAIENT EN FLOTS SORTIS, - DEFENDRE LEUR PATRIE, - CONTRE L,ILLICITE, - CAR HELAS L,APATHIE, - LES VIVANTS A FRAPPE ! - TIENS-TOI, PEUPLE, DEBOUT. - D,UN BOUT A L,AUTRE BOUT, - DE TA TERRE SACREE, - ERADIQUE L,ACNE !
12 h 16, le 06 août 2024