Initialement prévue pour la commémoration du 42e anniversaire de l’enlèvement au Liban des quatre diplomates iraniens en juillet 1982, la rencontre entre plusieurs journalistes et l’ambassadeur d’Iran à Beyrouth Mojtaba Amani a rapidement dévié de son thème initial pour évoquer l’actualité brûlante, à savoir l’attaque israélienne mardi soir contre la banlieue sud de Beyrouth, qui a visé un dirigeant du Hezbollah, mais aussi l’assassinat à l’aube de mercredi du chef du bureau politique du Hamas Ismaïl Haniyé, à Téhéran.Tout en précisant que l’assassinat est encore trop récent pour qu’il puisse avoir des détails sur la position iranienne, l’ambassadeur a affirmé que « la riposte est inévitable ». En réponse à une question sur la nature de celle-ci, il a évoqué la riposte de la République islamique à l’attaque israélienne contre le consulat iranien à Damas dans le cadre de l’opération appelée « Promesse sincère » (l’Iran avait envoyé le 14 avril près de 300 missiles et drones en direction d’Israël, provoquant l’arrêt du trafic aérien dans plusieurs pays de la région). Même si cela devait entraîner un élargissement de la confrontation entre Israël et « l’axe de la résistance » ? L’ambassadeur a rappelé que depuis le début du Déluge d’al-Aqsa, l’Iran a répété qu’« il ne veut pas d’une extension de la guerre. Nous avons dit à plusieurs reprises que toutes les attaques de l’axe de la résistance visent à la dissuasion, mais, en même temps, le monde doit savoir que l’Iran ne permettra pas que la région soit une proie pour les Israéliens et les Américains ». M. Amani a affirmé que « le crime israélien ne restera pas impuni et l’Iran a la capacité et la volonté ainsi que les moyens d’exécuter sa décision ». Selon lui, les dirigeants iraniens vont étudier les possibilités et agir en conséquence.Au sujet de l’impact des derniers assassinats sur le cours de événements, Mojtaba Amani a rappelé que les Israéliens ont toujours eu recours aux assassinats de chefs et autres personnalités, surtout parce qu’ils n’ont pas les moyens de remporter des victoires sur le terrain. « Ils ont déjà tué Ahmad Yassine, Abdel Aziz al-Rantissi et d’autres chefs du Hamas, a-t-il dit. Cette organisation s’en est-elle trouvée affaiblie pour autant ? De même (le chef des opérations extérieures des gardiens de la révolution), le général Kassem Soleimani a été tué. Le rôle de l’Iran dans la région s’en est-il trouvé réduit ? Après tous les assassinats de responsables du Hezbollah, celui-ci a-t-il été éliminé de la scène libanaise ? » M. Amani a ensuite expliqué que, selon lui, les Israéliens traversent actuellement une période très difficile et c’est pourquoi ils ont recours aux assassinats, étant incapables de remporter des victoires ou de réaliser les objectifs qu’ils ont eux-mêmes annoncés.Au sujet du rôle des États-Unis dans les dernières attaques israéliennes, Mojtaba Amani a estimé que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a dû coordonner certaines de ses actions lors de son dernier voyage à Washington. Il a ajouté que s’il apparaît que les États-Unis ont participé à ces attaques, ce sera un développement dangereux pour la région. « Pour l’instant, il y a quelques indices, mais la position américaine n’est pas claire. L’Iran, de son côté, n’a jamais voulu élargir le champ de la bataille », a-t-il dit.
« Nul ne peut négocier avec l’entité israélienne »
Selon lui, plus les États-Unis s’enlisent dans ce conflit, plus ils récolteront de mauvais résultats. De son côté, dit-il, l’Iran est prête à traiter sérieusement tout ce qui touche à sa sécurité : « Les Américains doivent comprendre que l’Iran ne fera pas de concessions sur ce sujet. Par contre, les États-Unis ont reconnu que leurs interventions en Afghanistan et en Irak ont été une erreur. Ils ne doivent pas refaire ces mêmes erreurs aujourd’hui. Nous pensons d’ailleurs qu’ils sont trop intelligents pour le faire. Ce qui est en cause aujourd’hui, c’est donc l’appui américain à l’entité sioniste. »À la question de savoir où en sont les négociations américano-iraniennes, le diplomate a répondu qu’« il n’y a actuellement rien qui s’appelle des négociations américano-iraniennes. Il y a juste des pourparlers pour éviter l’élargissement de la guerre, mais les agissements des Américains sur le terrain sont en contradiction avec ces contacts ». Pour Amani, les Israéliens mentent. Ils ont envoyé une délégation pour négocier à Rome et, en même temps, ils planifiaient l’assassinat de Haniyé. Selon lui, c’est la preuve que « nul ne peut négocier avec l’entité israélienne ».L’ambassadeur d’Iran estime que tout ce qui se passe est dû au Premier ministre israélien « qui est encore sous le choc du 7 octobre 2023. Tout ce qu’il fait depuis vise à faire oublier ce qui s’est passé ce jour-là. Il avait cru qu’une invasion terrestre à Gaza lui permettrait d’en finir avec ce traumatisme. Mais cela n’a pas été le cas. Il a ensuite envahi Rafah, au sud de Gaza, dans le même but, en vain. Il s’est ensuite rendu à Washington pour se poser en vainqueur. Mais à part les assassinats commis ces deux derniers jours, il n’a rien pu faire ». Aucun des objectifs qu’il avait lui-même déclarés n’a été atteint et il n’y a, selon Mojtaba Amani, aucune perspective en ce sens. « La troisième étape de la guerre sera la continuation des deux précédentes, a-t-il déclaré. La guerre se poursuit et l’ennemi doit savoir qu’il sera attaqué par plusieurs parties et qu’il lui est impossible d’atteindre ses objectifs. »Enfin, en réponse aux questions, le diplomate iranien a affirmé qu’il ne devrait y avoir aucun changement dans la politique étrangère iranienne avec l’entrée en fonction du nouveau président Massoud Pezeshkian et que l’Iran ne veut pas intervenir dans les affaires internes américaines. Tout ce qui compte pour lui, c’est qu’il y ait à la Maison-Blanche un président pragmatique et rationnel.