Fitch, l’une des trois principales agences de notation financière américaines avec Moody's et Standard & Poor's, a annoncé dans un communiqué dernièrement qu’elle cesserait d’évaluer la notation souveraine du Liban, en défaut de paiement sur sa dette en dollars souscrites via les eurobonds depuis 2020. Elle a également confirmé, une dernière fois jusqu'à nouvel ordre, la note de défaut partiel ou restreint (Restricted Default, RD) qu’elle impose depuis 2020 sur la solvabilité du pays en tant qu’émetteur de dette à long terme en devises et en monnaie nationale.
L’agence a justifié sa décision de retirer le Liban de la liste des pays qu’elle surveille en mettant en avant le fait qu’elle « ne disposait plus d’informations suffisantes », en l’absence de « comptes nationaux » et des « données fiscales » disponibles au-delà de 2021. En effet, l’administration centrale des statistiques au Liban (ACS) n’a publié que récemment les comptes nationaux de 2021, soit deux ans après avoir finalisé ceux de 2020. Ils sont publics et accessibles via son site internet. Selon un porte-parole de l'ACS que nous avons contactés, les comptes nationaux de 2022 pourraient être publiés d'ici à l'automne.
Les derniers chiffres officiels publiés par le ministère des Finances – à l’exception des prévisions du budget – remontent à décembre 2021, confirme à L’Orient-Le Jour Sabine Hatem, économiste principale et directrice de la coopération et des partenariats à l’Institut Basil Fuleyhane, rattaché à ce même ministère.
Perte de personnel qualifié
« Les données avec lesquelles nous travaillons sont celles récupérées sur les budgets adoptés (c'est-à-dire ceux de 2022 et 2024, celui de 2023 étant resté au stade de projet), ainsi que celles recueillies auprès de la direction de la dépense publique qui ne couvrent pas l'ensemble des flux financiers, notamment ceux de trésorerie », explique l'économiste. Le ministère des Finances a perdu une importante partie de son personnel qualifié depuis le début de la crise, au cours de laquelle les salaires dans la fonction publiques ont fondu au même rythme que la valeur de la livre et n’ont toujours pas retrouvé leur niveau d’avant 2019.
La dernière mise à jour significative de la notation libanaise par Fitch remonte à l’été dernier. L’agence avait maintenu la note « RD » aux obligations en devises (eurobonds) à long et court terme, soit un petit cran avant le défaut total, alors que les créanciers attendent toujours une restructuration de la dette libanaise. Cette note n’a plus changé depuis que l’État a fait défaut sur le remboursement des eurobonds. Cette dette pesait plus de 30 milliards de dollars avant que sa valeur ne s’effondre suite au défaut. Selon Marwan Barakat, directeur du département de recherche de Bank Audi, le prix moyen des eurobonds sur le marché secondaires (entre détenteurs de titres déjà émis) est actuellement de 6,75 cent, en ligne avec le niveau qu'ils affichent depuis un certain temps déjà. Cette dette est en partie détenue par les banques libanaises et la Banque du Liban.
Dans sa dernière note, Fitch constate justement que le processus de restructuration des eurobonds est encore au point mort, pour justifier le « RD » imposé au Liban pour ses obligations en dollars. Pour les obligations en LL, l’agence souligne que « le gouvernement n'a pas recommencé à payer les intérêts dus sur les titres en monnaie nationale émis par la Banque du Liban ». Elle ajoute que « le service de la dette en livres libanaises envers les créanciers privés se poursuit » et relève que « les autorités n'ont pas demandé de restructuration de la dette en monnaie nationale ».
Le pays est noté « C » (défaut avec peu de chance de récupération) par Moody’s, qui a modifié la perspective à « stable » en décembre dernier, RD et SD (défaut sélectif) par Standard & Poor’s, qui a confirmé sa notation au début de l’année.