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Lifestyle - Consommation

Être végan au Liban : entre tendance et conviction, des inconditionnels témoignent

Nouveau style de vie ou philosophie, une première conférence sur le véganisme a eu lieu en juin dernier à l’hôpital Hayek, rassemblant plus de 400 personnes.

Être végan au Liban : entre tendance et conviction, des inconditionnels témoignent

Un menu végan et varié à Luna's, Beyrouth. Photo fournie par l'établissement

Sur une table du restaurant Luna’s à Hamra, une pizza, diverses variétés de kebbé, un chawarma poulet, un steak, une salade au poulet également… Tout ce que l’on pourrait commander partout ailleurs. À un détail près : aucun de ces aliments ne contient le moindre ingrédient d’origine animale : ni viande, ni produits laitiers, ni œufs. Le propriétaire de ce restaurant végan, l’un des plus anciens de ce type à Beyrouth, a opté pour ce mode de vie depuis six ans environ. « Ce n’est pas quelque chose que j’ai choisi, ça s’est imposé à moi », raconte Omar Ghandour. Le menu est entièrement végan mais le jeune homme a tenu à ce que ses clients, dont la majorité ne partagent pas ses convictions, y trouvent leur compte. Il voulait aussi montrer qu’un menu végan n’est pas nécessairement fait de salades, que les alternatives aux viandes et produits laitiers existent désormais sur le marché, à base de soja, de blé ou autre.

Pour Georges Hayek, propriétaire de l’hôpital éponyme dans la banlieue de Beyrouth, tout a commencé il y a quelque 12 ans quand il visionne une vidéo partagée par un internaute végan : celle d’une vache sauvagement égorgée dans un abattoir. « J’en ai été bouleversé, se souvient-il. Puis je suis rentré chez moi pour retrouver mes chiens que j’adore, et ça m’a soudain frappé : pourquoi traiter nos animaux de compagnie avec affection, tout en restant indifférent au sort des animaux abattus pour notre nourriture ? » C’est alors qu’il entame son cheminement vers « un mode de consommation correspondant à mes convictions ». Après être devenu végétarien, il lui aura fallu parcourir encore un autre bout de chemin pour se dissocier de tous les produits d’origine animale.

Pour mémoire

Moby monte le son pour la cause animale

« Beaucoup ne le savent pas, mais la vie d’une vache laitière est misérable. Pour donner du lait, elle est constamment gravide, et on lui enlève systématiquement son veau, alors que c’est un être sensible. Une fois qu’elle ne peut plus servir, elle finit à l’abattoir. Les bébés mâles, eux, sont abattus très jeunes. C’est ainsi que l’industrie traite ces animaux. » La compassion envers l’animal est la principale raison invoquée lorsque l’on passe d’un menu carné à un menu végan. C’est également le cas de Roland Azar, un professionnel en marketing digital, qui est tombé en 2014 sur une vidéo d’une scène cruelle dans un abattoir, partagée par la page de l’association Lebanese Vegans, fondée par Georges Hayek. Roland a opéré sa transformation près d’un an plus tard, après s’être lui-même documenté sur le traitement des animaux d’élevage. « Ce n’étaient que quelques habitudes à changer, quelques idées préconçues à dépasser », affirme-t-il.

Pour Zeina Rkein, jeune journaliste, ce changement s’est en revanche fait dans la douleur. « J’étais amatrice de viande, mais progressivement, je ne pouvais plus en manger sans imaginer derrière la souffrance de l’animal », dit-elle. Quand elle a pris sa décision, elle s’est heurtée à l’incompréhension de son entourage, et elle a renoncé plus d’une fois avant de se documenter et de consolider ses convictions. De tous les végans interrogés, seul Walid Nasreddine est arrivé au mode de vie végan par le biais de la santé. « Ma femme avait des migraines incessantes depuis l’enfance, et elle s’est soignée par la nourriture », raconte-t-il. Progressivement, le couple s’est dirigé vers un mode de vie plus sain, et végan. Ils possèdent depuis 2002 le restaurant végan le plus ancien du pays, Coara (armoire à provisions), dans le Chouf.

Véganisme et santé vont-ils de pair ?

En effet, la compassion animale n’est pas le seul mobile pour passer à un mode de vie végan, même s’il est souvent le principal et le premier. La santé et l’environnement sont également en cause, selon Georges Hayek. Son hôpital est même devenu végan, et il a les arguments pour convaincre ses patients récalcitrants et leurs familles. « Nous sommes la preuve vivante que le menu végan est excellent pour la santé », affirme-t-il, faisant référence à des études épidémiologiques reconnues par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui établiraient un lien entre la viande transformée en premier lieu, et la viande rouge en second, et l’apparition de cancers chez l’homme. « Les produits d’origine animale sont aussi les sources principales de cholestérol. Quant aux protéines dont on dit que nous pourrions manquer en abandonnant la viande, elles se trouvent dans d’autres sources comme les graines, dont se nourrissent les animaux d’élevage d’ailleurs. »

La culture du fourrage, qui occupe une immense partie des terres agricoles du monde, avec toutes ses conséquences environnementales et sur la faim dans le monde, est l’autre argument massue des végans. « Nous sommes 8 milliards d’humains dans le monde, dont un milliard qui ont faim. Nous faisons naître et élevons 80 milliards d’animaux environ pour la consommation des plus privilégiés, et leur consacrons toutes ces terres agricoles. Si nous cultivions ces terrains de plantes pour la consommation des humains, nous pourrions nourrir tout le monde facilement. » Sans compter, rappelle-t-il, que le bétail est considéré comme l’une des sources principales d’émanation de gaz à effet de serre dans le monde, une des causes du réchauffement climatique.

Une table à Coara, au Chouf. Photo tirée de la page Instagram de l’établissement

Mode ou philosophie de vie ?

Malgré la puissance de tous ces arguments, ce qui semble le plus important pour les végans, c’est de vivre en accord avec leurs principes. « Si, en tant qu’êtres humains, nous nous considérons comme les plus forts aujourd’hui, comment accepter une violence à l’encontre des plus faibles ? » se demande Omar Ghandour. « Ce n’est même pas une question d’amour des animaux, mais un devoir moral de considérer que leur droit à la vie doit être respecté, et de sortir de ce complexe de supériorité à leur égard », souligne Roland Azar. Plus que l’argument moral, c’est un bien-être spirituel que ressent Walid Nasreddine depuis qu’il a opéré ce virage il y a plus d’une vingtaine d’années. « Je remarque que les consommateurs de viande rouge ont davantage tendance à l’agressivité. »

Malgré tout, les végans peuvent être exposés à une certaine animosité concernant leur choix de vie. « Peut-être que certains se sentent menacés par nos propos, comme s’ils remettaient en question leur façon de vivre ou les transformaient en criminels », fait remarquer Omar Ghandour. Zeina Rkein, elle, a même expérimenté un harcèlement en ligne sur sa page, comme des photos de barbecue qu’on lui envoie aux fêtes par exemple. Certains opposent aussi l’argument des « traditions » de consommation de viande, ce à quoi les végans répondent que les traditions ne sont pas faites pour rester inchangées. De manière générale, cependant, tous s’accordent à dire qu’il y a aujourd’hui plus de sensibilisation à ce sujet qu’il y a quelques années.

Une vue de la conférence sur le véganisme à l’hôpital Hayek, le 4 juin 2024. Capture d’écran d'une vidéo sur la page Instagram de Lebanese Vegans

Mais certains végans ne se suffisent pas d’une certaine « tolérance » face au véganisme. Georges Hayek et Roland Azar notamment pensent que la diffusion de l’information dont ils disposent est importante. D’où l’action de Lebanese Vegans et la conférence sur le véganisme qui a rassemblé une foule de plus de 400 personnes à l’hôpital Hayek le 4 juin dernier, pour des interventions et un débat autour du sujet. « La plupart des participants étaient des non-végans qui exprimaient un certain intérêt, et c’est précisément à eux que nous voulions nous adresser », explique Georges Hayek, ajoutant que l’association a également créé un club et un café dans lesquels elle fait connaître la richesse du menu végan, initiant une action sociale envers les plus démunis. Enfin, un rapide tour des réseaux sociaux démontre que les végans au Liban composent une sorte de communauté. Alors, si ce mode de vie apparaît dernièrement comme une « tendance », pour ces purs et durs, il s’agit bien d’une philosophie de vie.

Sur une table du restaurant Luna’s à Hamra, une pizza, diverses variétés de kebbé, un chawarma poulet, un steak, une salade au poulet également… Tout ce que l’on pourrait commander partout ailleurs. À un détail près : aucun de ces aliments ne contient le moindre ingrédient d’origine animale : ni viande, ni produits laitiers, ni œufs. Le propriétaire de ce restaurant végan, l’un des plus anciens de ce type à Beyrouth, a opté pour ce mode de vie depuis six ans environ. « Ce n’est pas quelque chose que j’ai choisi, ça s’est imposé à moi », raconte Omar Ghandour. Le menu est entièrement végan mais le jeune homme a tenu à ce que ses clients, dont la majorité ne partagent pas ses convictions, y trouvent leur compte. Il voulait aussi montrer qu’un menu végan n’est pas nécessairement fait de salades,...
commentaires (1)

La nourriture libanaise est très adaptée au véganisme en ce qu'elle contient énormément d'options sans viande ni produits animaux, on pense aux salades, ftayer, bemie, loubie, fasoulia et autres plats qui le sont sans nécessité d'étiquette

yorgo ANTOUN

10 h 07, le 21 juillet 2024

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Commentaires (1)

  • La nourriture libanaise est très adaptée au véganisme en ce qu'elle contient énormément d'options sans viande ni produits animaux, on pense aux salades, ftayer, bemie, loubie, fasoulia et autres plats qui le sont sans nécessité d'étiquette

    yorgo ANTOUN

    10 h 07, le 21 juillet 2024

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