
Les membres du comité d'experts mandaté par le Premier ministre sortant Nagib Mikati lundi au Grand sérail. Photo fournie par le bureau de la présidence du Conseil des ministres.
Le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, ne risque pas de manquer de lecture cette semaine. Lundi, le comité d’experts qu’il avait mandaté l’été dernier lui a remis au Grand sérail une proposition de refonte partielle du Code de la Monnaie et du Crédit (CMC), socle principal de réglementation du système bancaire et financier libanais et acte de naissance de la Banque du Liban (BDL).
Le comité comprend deux banquiers – Hassan Saleh (Banque Audi) et Abdel Hafez Mansour (membre de la Commission spéciale d’investigation) -, trois anciens ministres – Chakib Cortbawi, Nicolas Nahas et Ibrahim Najjar -, l’ancien vice-gouverneur de la BDL Ghassan Ayyache, la juge Rana Akoum (également officier de liaison anti-corruption du ministère de la Justice auprès de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime), et le juriste et docteur en droit Nasri Diab.
Le comité, qui a commencé ses réunions en août 2023, a amendé une partie substantielle des 230 dispositions du CMC, listée dans un document de 113 pages dont L’Orient-Le Jour a pu se procurer une copie non datée ou signée. Il ne s’agit à ce stade que d’une simple proposition qui pourrait, à terme, être transmise au Parlement par le Conseil des ministres ou proposée par un député.
Rétablir la confiance
Selon Ibrahim Najjar, la nouvelle mouture de CMC élaboré par le comité vise en priorité à « rétablir la confiance dans le système financier et monétaire libanais », ce qui explique que ses rédacteurs n’ont pas inclus de disposition qui «met en danger les droits des déposants vis-à-vis des banques».
Une des principales modifications concerne l’encadrement de la mission du gouvernorat de la BDL. « Le comité a préservé les pouvoirs et la fonction du gouverneur, mais il a aussi créé et amélioré les organes compétents pour contrôler ses décisions de manière que le travail de la totalité de l’institution puisse inspirer confiance », explique l’ancien ministre. Le comité a ainsi introduit un article tout nouveau (40 bis) qui soumet les actions de la BDL à un contrôle du gouvernement mais aussi d’auditeurs internes et externes.
Le comité a aussi prévu un article qui impose à la BDL de dissocier formellement les réserves obligatoires des banques – les fonds en livres libanaises et en dollars qu’elles sont tenues de conserver à la Banque centrale – du reste des réserves de change (article 77). « Une mesure qui induit une impossibilité pour la BDL de les utiliser dans le cadre de ses politiques monétaires », précise Ibrahim Najjar.
Autre grand changement préconisé, la modification de l’article 2 du CMC qui oblige désormais la BDL à respecter le jeu de l’offre et de la demande pour déterminer le taux de change entre la livre libanaise et le dollar, ainsi que les autres monnaies, et ce, « via un mécanisme » qu’elle devra mettre en place. Le taux officiel devra s’aligner sur celui du marché qui sera déterminé au bout de ce processus. Les articles 2 et 229 disposent que, « dans l’attente » de la mise en place dudit mécanisme ainsi que de la mise en œuvre la réglementation devant restaurer le secteur bancaire et assainir le système financier, c’est au ministère des Finances que revient la compétence de fixer le taux de change sur proposition de la BDL.
Les articles 90 et suivants du code restreignent enfin considérablement la possibilité pour la BDL de financer l’État ou ses institutions, en fixant des conditions strictes, tel que la validation préalable via une loi spéciale limitée dans le temps et portant sur un montant précis.
L'antenne de la Banque du LIban à Jounié, dans le Kesrouan. Photo d'illustration P.H.B.
Une accumulation de désastres
M. Najjar a précisé que le Premier ministre a mandaté la commission juste après la publication des rapports d’audit de la BDL réalisés par les cabinets KPMG, Oliver Wyman et Alvarez & Marsal, commandés par le gouvernement de Hassan Diab en 2020. « Il a spécifié qu’il voulait un toilettage de la loi qui ne touche ni aux prérogatives du gouverneur – le gouvernorat étant le domaine réservé de la présidence de la République ni à la réglementation des rapports entre les banques et la banque centrale ou des banques entre elles » ajoute-t-il.
Le comité, qui a travaillé « pro bono », a également rédigé un exposé des motifs expliquant la nécessité de retravailler une loi qui souffle ses 61 bougies cette année et qui a été amendée pour la dernière fois en 1994.
Dans une tribune publiée mercredi dans le quotidien An-Nahar, l’ancien vice-gouverneur Ghassan Ayache a précisé que le CMC avait été adopté à une époque où « les excès du libéralisme menaçaient le secteur bancaire ». Il a également mis en avant le fait que si l’adoption de cette loi avait permis de « protéger le système bancaire, les droits des déposants et la réputation financière du Liban », le pays s’était finalement retrouvé dans la même situation « six décennies plus tard ».
Il s'agit là d'une référence à la crise que traverse le pays depuis 2019, pendant laquelle des milliards de dollars de dépôts ont été confisqués par des banques virtuellement en cessation de paiement, alors que la BDL dilapidait d’autres milliards de ses réserves pour amortir l’inéluctable effondrement de la monnaie nationale. Les autorités sont, elles, restées en retrait face à cette accumulation de désastres.
Ils ne se sont pas prononcés sur les hiérarchie des lois et sur la position des directives de la BDL par rapport aux lois et à la constitution? Les libanais ont vraiment la mémoire courte car ces directives ont été mises en avant pas les banques durant la crise pour justifier/légitimiser le refus de rendre leur épargne aux déposants. Surtout que par la suite, il s'est avéré que les banques ont effectué des virements à l'étranger pour des clients influents justement du fait du flou concernant ces directives Ils ne se sont pas penchés non plus sur le fonctionnement d'ABL ?
13 h 54, le 04 juillet 2024