C’est avec un brin d’optimisme et de confiance que le président de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), le Dr Fadlo R. Khuri, a décrit la situation de cette université au cours d’une table ronde qui s’est tenue le 28 mai dernier. S’il reconnaît que l’AUB a traversé sa période la plus difficile entre 2020 et 2021 en raison de l’effondrement économique du pays et plus particulièrement de l’explosion au port, il admet que « l’université, qui a perdu 30 % de ses médecins, 36 % de ses meilleurs professeurs et 33 % de son personnel infirmier au cours des quatre dernières années, a également retrouvé l’intégralité du niveau de ses institutions ».
« Aujourd’hui, un grand nombre de médecins, enseignants, infirmières sont revenus, parce qu’ils ont repris confiance dans ce pays. Nous avons inauguré un nouvel hôpital à Ghazir Kesrouan pour desservir la région et aider encore plus de Libanais. Le nombre record de 6 000 étudiants se sont inscrits cette année en licence et master, 10 fois plus que les années précédentes, prouve que l’université a retrouvé le niveau d’excellence qu’elle avait auparavant », affirme-t-il confiant. Réagissant aux critiques dont fait l’objet l’AUB, qui a « exigé que les frais de scolarité soient payés, à partir de 2024, totalement en dollars frais », le Dr Khuri se défend en précisant « que cette décision n’est pas nouvelle et que les étudiants étaient déjà au courant ».
« Nous avons graduellement augmenté les scolarités depuis quatre ans, passant de 60 % des frais de scolarités en dollars en 2022, à 80 % en 2023, pour régler la totalité du montant en dollars à partir de cette année ». « Lorsque j’ai pris la direction de l’AUB il y a quelques années, 46 % de nos étudiants profitaient des aides financières à raison de 29 % du montant de leur scolarité. Aujourd’hui plus de 90 % d’étudiants en profitent, et 25 % ne paient pas les frais de leur scolarité. Un très grand nombre de jeunes qui n’espéraient jamais pouvoir intégrer cette université vu le coût élevé de la scolarité, ont pu le faire aujourd’hui. C’est dire que nous sommes conscients des difficultés de nos étudiants, et nous faisons de tout pour les aider ». Concernant le paiement des salaires du personnel éducatif, le Dr Khuri confirme qu’ils seront intégralement payés en dollars frais à partir de cet été.
Soulevant la question des manifestations propalestiniennes et les revendications des étudiants qui réclament « le boycott des compagnies et marques israéliennes », le Dr Khuri qui affirme que « l’AUB a toujours prôné la liberté d’expression et le droit aux étudiants d’exprimer leurs opinions, tout en établissant avec eux un dialogue pour écouter leurs revendications », se demande si « manifester contre la direction et l’université changerait les choses ». « La position de l’AUB envers la cause palestinienne a toujours été claire depuis le début et n’a pas changé », martèle-t-il. « Nous dénonçons très fortement les abus que subissent les Palestiniens à Gaza. D’ailleurs, l’AUB a été l’une des rares universités à accueillir les étudiants palestiniens notamment ceux qui devaient terminer leurs études de médecine, recevant également des cas critiques de Palestiniens blessés à Gaza. »
Les 20 et 21 juin prochain, l’AUB accueillera plusieurs universités et ONG de la région au sein même du campus, pour lancer la conférence « Justice pour Gaza », et étudier les possibilités de rétablir les différents secteurs éducatifs, sociaux complètement détruits à Gaza, notamment la santé. Contestant les revendications des étudiants de boycott des produits israéliens, le Dr Khuri affirme « que l’université n’a jamais investi dans une entreprise qui soutient Israël », rappelant au passage, « que ce sont les États-Unis qui appuient et arment Israël » et l’université « dépend largement des aides financières des États-Unis ».
Et le Dr Khuri de soulever les défis que l’AUB voudrait encore relever cette année, notamment « une relation avec le gouvernement pour proposer des solutions économiques durables, et l’amélioration du niveau de l’enseignement scolaire qui a beaucoup baissé ces cinq dernières années ». « Des solutions qui permettront de sortir le pays de la crise économique et pousser les jeunes à y retourner lorsque leur confiance dans le pays sera rétablie. Le plus grand défi de l’université », conclut-il.