Un soldat russe à Kelbadjar, dans le Haut-Karabakh, en novembre 2020. Photo ANDREY BORODULIN / AFP
Quand la Russie a déployé ses militaires il y a quatre ans au Haut-Karabakh, alors une enclave séparatiste, leur mission était claire: maintenir un cessez-le-feu précaire entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan pour éviter un nouvel embrasement dans le Caucase. Mais en septembre dernier, l'armée azerbaïdjanaise a repris ce territoire montagneux en quelques heures, mettant fin à la république autoproclamée et peuplée d'Arméniens.
Les soldats russes ne l'en ont pas empêchée, une trahison profonde aux yeux de leur allié arménien estimant qu'ils ont perdu leur raison de rester dans la zone. Cette semaine, le Kremlin a confirmé sans fanfare que son contingent de maintien de la paix se retirait, laissant derrière lui une part importante de l'influence russe dans une zone que Moscou voit comme son pré-carré.
« Nous sommes les témoins d'un processus historique — les Russes partent pour la première fois en deux siècles », note l'analyste indépendant azerbaïdjanais Elhan Chahinoglou. Moscou, acteur de taille dans la région, s'efforce d'y garder la mainmise depuis la dislocation de l'Union soviétique, dont l'Arménie et l'Azerbaïdjan faisaient partie. En 2020, la Russie avait déployé 2.000 militaires au Haut-Karabakh afin de faire respecter le cessez-le-feu ayant mis fin à une guerre de six semaines avait opposé Bakou et les séparatistes soutenus par Erevan. Cette guerre, précédée par une autre dans les années 1990, s'était soldée par une lourde défaite des forces arméniennes, qui avaient dû céder d'importants pans de territoires.
Érosion géopolitique
La présence des militaires russes au Haut-Karabakh était « principalement politique, étant donné la taille limitée du contingent », estime Gela Vasadzé, expert du Georgian Strategic Analysis Centre. Mais, selon lui, Moscou « voulait garder ses militaires au Karabakh comme une preuve de sa capacité à projeter son influence sur ce qu'il appelle son étranger proche ». Entre temps, la guerre en Ukraine a rebattu les cartes, monopolisant depuis février 2022 les ressources et l'attention du Kremlin. En conséquence, la Russie subit l'érosion de son « poids géopolitique dans l'espace post-soviétique », estime Gela Vasadzé.
Pour Elhan Chahinoglou, la Russie paie le prix de « l'énergie gâchée dans sa guerre infructueuse contre l'Ukraine ». Et avec le retrait au Haut-Karabakh, « le mythe selon lequel les bottes russes ne quittent jamais les territoires sur lesquels elles ont mis le pied est brisé », reprend Gela Vasadzé.
Moscou dispose néanmoins toujours d'une base militaire de 3.000 soldats en Arménie, où sont aussi présents ses gardes-frontières.
La Russie, doublée par l'Union européenne et les États-Unis, n'est en tout cas plus au premier rang des puissances cherchant à faciliter un accord de paix durable entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
Bakou s'est rapproché encore davantage de la Turquie, allié militaire essentiel, et la reprise du Haut-Karabakh a jeté un froid entre Erevan et Moscou.
Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian se concentre depuis sur ses liens avec l'Occident, et enchaîne les piques à l'égard de l'allié traditionnel qu'il accuse de défaillance. Il a souligné que l'Arménie n'était « pas l'alliée de la Russie dans la guerre en Ukraine », et a suspendu la participation de son pays à une alliance militaire chapeautée par Moscou.
« Trahi » par les Russes
Dans les rues d'Erevan, le ressentiment envers la Russie s'exprime.
« Les Russes nous ont trahi », estime ainsi Iveta Margarian, comptable de 53 ans. Pour elle, le départ des soldats russes enterre l'espoir que les Arméniens ayant fui le Haut-Karabakh après l'offensive de septembre puissent « rentrer chez eux », juge-t-elle.
Valéri Haroutiounian, qui habitait dans ce territoire avant de fuir en Arménie, considère que « la Russie a trahi le peuple arménien une fois de plus et nous a vendus ». « On ne peut pas se reposer sur les Russes de nouveau. C'est impossible. Il faudrait chasser les Russes non seulement du Karabakh, mais de l'Arménie », a-t-il dit.
La France, où vit une importante communauté arménienne, a elle intensifié ses échanges avec Erevan, dont elle est un soutien traditionnel.
« Une place sainte n'est jamais vide : la Russie part, l'Occident arrive », analyse l'expert azerbaïdjanais Eldar Namazov.
Moscou ne peut désormais plus compter sur l'Arménie et le séparatisme arménien, « qu'elle exploitait depuis des décennies pour diviser et régner », dit Elhan Chahinoglou. « La Russie a perdu pour de bon ses points d'appui historiques dans le Caucase. »
Ligne rouge de la charte de modération : Donc, c’est essayé d’être un poisson rouge de compagnie. Par rapport au chat avoir l’avantage de ne pas s’acharner sur les rideaux. En gros être castré…MERCI !!!
13 h 36, le 21 avril 2024