J’ai le blues et des bleus
Car au coin de la Terre
Sainte, où gronde la guerre,
On pleure autant qu’il pleut !
Sur cette terre, il pleut
De la haine et des bombes
Qui ont creusé des tombes
Loin du monde frileux.
On voit s’enfouir les femmes,
Emportant leurs enfants
Dans ce four étouffant
Aux ravageuses flammes !
Du fin fond des décombres,
Montent vers un toit sourd
Les appels au secours
Pendant que l’arche sombre.
J’ai le blues et des bleus
Quand je vois le carnage
Des civils de tout âge
Par ces temps scandaleux ;
Quand les pieds bots, les vieux
Courent de leurs béquilles
Sous les avions en vrille
En quête d’autres cieux.
À travers la buée
De mon blues, j’entrevois
De funèbres convois
Sous de noires nuées.
Dans un spectacle horrible,
On prend les hôpitaux
Dans un sanglant étau
Pour en faire une cible.
J’ai le blues et des bleus
Dans le corps et dans l’âme,
Brûlant de l’oriflamme
Enflammée par des dieux.
Le monde libre voit
Depuis les hautes sphères
Un peuple qu’on enterre,
D’un regard resté froid.
Cet état qui m’inflige
Un coup de blues au corps,
Et qui sème la mort,
Le diable le dirige !
Pendant que Dieu contemple
Les abominations
Et les dominations
Du mal, d’un silence ample.
J’ai le blues et des bleus
Modulés en rengaine
Par l’inconscience humaine
Au portrait crapuleux.
Le globe, jadis bleu,
Bleui par tant d’effroi,
Par l’ombre qui s’accroît,
Se couche dans le feu.
Et de la ligne éteinte,
On verra s’élever,
Dût-on croire rêver,
Une autre Terre sainte !
Dans la nouvelle voie
Fendue par l’horizon,
Un peuple, hors de prison,
Entonne un blues de joie !
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