Alors que le conflit dans l'enclave palestinienne est entré dans son septième mois, des centaines de fonctionnaires allemands ont signé anonymement une lettre adressée à l’administration demandant l’arrêt des livraisons d’armes à Israël avec effet immédiat, a rapporté al-Jazeera. Le 5 avril, une procédure judiciaire urgente a en outre été ouverte par des groupes de défense des droits humains en ce sens, en vertu d’une loi sur le contrôle des armes de guerre et du risque que ces équipements soient utilisés pour commettre des violations du droit humanitaire international. Ces développements interviennent alors que le Nicaragua a ouvert une procédure à la Cour internationale de justice (CIJ) contre l’Allemagne, l’accusant de complicité dans des actes plausibles de génocide à Gaza. Les premières audiences ont lieu lundi 8 et mardi 9 avril à La Haye, pour écouter les arguments du Nicaragua puis de l’Allemagne respectivement. L’Orient-Le Jour fait le point sur cette affaire.
Quelle procédure a été lancée par le Nicaragua ?
Le 1er mars, le pays a déposé un dossier de 43 pages contre l’Allemagne auprès de la CIJ, plus haute juridiction internationale chargée de statuer sur des différends entre États. La « requête introductive d’instance » cible les « manquements allégués » de Berlin à ses obligations en tant qu’État signataire de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, des conventions de Genève sur le droit international humanitaire et de leurs protocoles additionnels, « relativement aux territoires palestiniens occupés, en particulier la bande de Gaza ». Managua soutient qu’à travers son « appui politique, financier et militaire » et la suspension du financement de l’Unrwa (l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens), « l’Allemagne facilite la commission de ce génocide et, en tout état de cause, a manqué à son obligation de faire tout son possible pour en prévenir la commission ».
Cette procédure fait suite à celle déposée par l’Afrique du Sud contre Israël le 29 décembre 2023 pour manquement à ses obligations relatives à la convention sur le génocide, pour laquelle des mesures conservatoires ont été ordonnées le 26 janvier puis le 28 mars. Des décisions prises à une quasi-unanimité par les juges de la CIJ au vu du risque plausible qu’un génocide soit en cours puis de la crainte que la famine « s’installe » à Gaza. Théoriquement contraignantes, ces mesures exigeant entre autres l’entrée de plus d’aide humanitaire et la protection des civils ne semblent pour l’instant pas avoir eu d’effets concrets sur la conduite de la guerre par Israël, qui a dû présenter son propre rapport confidentiel sur ce qui était fait pour éviter un génocide dans l’enclave palestinienne. Le Nicaragua reproche sa « complicité » à l’Allemagne, qui ne tiendrait pas compte des avertissements lancés par la CIJ dans l’affaire qui oppose l’Afrique du Sud à Israël afin de prévenir un génocide à Gaza, alors que tout pays signataire de la convention sur le génocide est tenu d’empêcher un tel crime et de le punir.
Que demande Managua ?
Le Nicaragua demande à la cour d’émettre des mesures conservatoires d’urgence visant à bloquer l’aide allemande à Israël, notamment militaire, alors que le risque de génocide a été jugé plausible au regard des ordonnances émises par la CIJ dans l’affaire de l’Afrique du Sud contre Israël et que des allégations de violations du droit international humanitaire se multiplient. Deuxième fournisseur d’armes à l’État hébreu après les États-Unis, comptant pour environ 30 % de ses importations de défense, Berlin a poursuivi ses livraisons d’armes à Israël depuis le 7 octobre 2023, bien que son discours se soit quelque peu durci, prévenant notamment contre une offensive à Rafah sans plan d’évacuation des près de 1,5 million de déplacés qui y ont trouvé refuge.
Managua requiert également que la cour ordonne à Berlin la reprise du financement de l’Unrwa, suspendu en raison d’allégations israéliennes sur certains de ses employés, accusés d’avoir participé à l’attaque sanglante du 7 octobre. Jusqu’à peu, le pays était le principal donateur individuel de l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens après Washington, avec près de 200 millions de dollars alloués en 2023. Le 26 mars, l’Unrwa a annoncé une promesse allemande – excluant Gaza – de 45 millions d’euros supplémentaires pour le travail de l’organisation, alors que l’agence opère aussi en Jordanie, au Liban, en Syrie et en Cisjordanie. Les financements allemands destinés à l’enclave palestinienne restent conditionnés aux résultats des enquêtes menées par l’ONU et par une mission indépendante sur les liens présumés entre l’organisation et le Hamas, soulignés par Israël. « Avec ces nouvelles contributions, l’Allemagne est désormais notre principal donateur », a déclaré le chef de l’agence, Philippe Lazzarini, tandis que les États-Unis n’ont pas repris leur contribution.
Pourquoi le Nicaragua et pourquoi l’Allemagne ?
Managua se targue de soutenir la cause palestinienne depuis longtemps. Durant les premières audiences de la CIJ lundi, l’ambassadeur du Nicaragua aux Pays-Bas a affirmé que son pays avait une « sympathie particulière pour le peuple palestinien » du fait de sa propre lutte contre les interventions militaires.
Si les États-Unis avaient pu être en premier lieu accusés du fait de leur soutien politique et militaire indéfectible à Israël dans sa guerre à Gaza, Berlin reconnaîtrait la juridiction de la cour, ce qui n’est pas le cas de Washington – qui n’accepte qu’au cas par cas son autorité pourtant intrinsèquement liée à son statut d’État membre de l’ONU. Avec son passé nazi, l’Allemagne a en outre une relation très particulière avec Israël, ayant fait du droit de l’État hébreu à se défendre une raison d’État, nourrie par un sentiment indélébile de culpabilité. Des liens singuliers sur lesquels le Nicaragua veut jouer pour influencer la politique israélienne à Gaza. Berlin a déjà rejeté les allégations du pays avant même d’être entendu par les juges mardi. « L’Allemagne n’a violé ni la convention sur le génocide ni le droit international humanitaire », a récemment déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Sebastian Fischer, tandis qu’une membre de l’équipe légale allemande présente à La Haye a dénoncé lundi une présentation nicaraguayenne « grossièrement biaisée ».
Quelles conséquences sont attendues ?
« Au cœur de cette affaire, il y a deux questions juridiques : que signifie l'obligation de prévenir et de punir le crime de génocide et quelles sont exactement les obligations qui découlent des conventions de Genève et de leur article premier commun qui exige que tous les États respectent et fassent respecter le droit international humanitaire », a analysé pour al-Jazeera Raymond Murphy, professeur de droit à l'université de Galway.
Les mesures conservatoires et les décisions de la plus haute juridiction de l’ONU sont certes contraignantes, mais à l’instar du Conseil de sécurité de l’ONU, la CIJ n’a pas le pouvoir de les faire respecter. La cour n’est en outre pas tenue d’ordonner les mesures requises par la partie plaignante, pouvant définir d’elle-même ses propres exigences au regard du droit. Des ordonnances pourraient être émises dans les semaines à venir, tandis que le verdict n’est pas attendu avant quelques années.
Où sont tous ces humanistes qu’on n’entend pas alors que le peuple syrien tué et chassé de chez lui par son propre président, et que ce même president empêche des dizaines de millions de citoyens le retour chez eux et tout le monde trouve ça normal et ils vont même jusqu’à convaincre les pays qui les ont accueilli, de faire le nécessaire pour les garder car ils risquent d’être tués si l’envie de retourner chez eux leur vienne à l’esprit. Ça ne veut pas dire que le peuple palestinien peut être éliminé, loin de moi cette idée mais qu’on n’oublie pas tous les autres.
19 h 59, le 09 avril 2024