
Le responsable des Forces libanaises à Jbeil, Pascal Sleiman. Photo tirée du réseau social X
L'armée libanaise a déclaré lundi soir que Pascal Sleiman, responsable du caza de Jbeil au sein des Forces libanaises (FL), porté disparu depuis la veille, a été tué. Plus tôt dans la journée, l'institution militaire avait annoncé deux vagues d'arrestations de Syriens suspectés d'être impliqués dans l'enlèvement de Pascal Sleiman. Les réactions autour de cette affaire ont pris une telle ampleur que le secrétaire général du Hezbollah, parti auquel s'opposent vertement les FL, l'a évoquée dans un discours lundi, écartant toute implication et dénonçant des « accusations fautives ».
«A la suite de l'enlèvement de Pascal Sleiman, la Direction des renseignements de l'armée a pu arrêter la plupart des membres syriens du gang impliqué, a écrit l'armée sur son compte X. Au cours de leur enquête, il est apparu clairement que la personne kidnappée avait été tuée par eux alors qu'ils tentaient de voler sa voiture dans la région de Jbeil et qu'ils avaient transporté sa dépouille en Syrie». «Le commandement de l'armée coordonne avec les autorités syriennes pour remettre le corps, et l'enquête est menée sous la supervision du parquet général", a ajouté l'armée.
Rapidement, le bureau de presse du Premier ministre sortant Nagib Mikati a réagi à cette annonce en publiant un communiqué. «Le Premier ministre a été informé par les services de sécurité compétents de l'assassinat d'un responsable du parti des Forces libanaises, Pascal Sleiman, enlevé hier soir, peut-on lire. Il a déclaré que depuis que la nouvelle de son enlèvement s'est répandue, les services de sécurité avaient commencé leurs enquêtes pour découvrir l'identité des ravisseurs (...) mais il semble que (ceux-ci-) l'ont liquidé».
«Nous condamnons et dénonçons cet acte criminel, et nous présentons nos condoléances à sa famille et aux FL et nous insistons sur la poursuite des enquêtes pour découvrir toutes les circonstances de l'enlèvement et des personnes impliquées», a ajouté M. Mikati appelant «chacun à faire preuve de maîtrise de soi et de sagesse et à ne pas se laisser entraîner dans les rumeurs et les émotions».
Charbel Abi Akl, ancien responsable FL de Jbeil, avait déclaré dimanche soir à notre publication que M. Sleiman (originaire du village de Mayfouk) a été agressé dimanche vers 18h15 par des hommes qui lui avaient bloqué la route alors qu’il se trouvait dans la localité de Kharbé. Depuis, il n’a plus donné signe de vie. La page Linkedin du responsable FL indique par ailleurs qu'il a occupé de nombreux postes à la Byblos Bank, de 1999 à aujourd'hui.
«À la suite de l'enlèvement de Pascal Sleiman dimanche, les services de renseignement ont arrêté plusieurs Syriens impliqués dans cette opération », avait affirmé lundi matin l'armée libanaise sur le réseau social X. Elle avait précisé que des efforts étaient en cours pour tenter de localiser M. Sleiman et déterminer les motifs de ce rapt. Puis, dans l'après-midi, la troupe a annoncé l'arrestation de « trois Syriens supplémentaires, qui ont participé à l'enlèvement ». Ces arrestations ont été annoncées alors que, depuis dimanche soir, le Premier ministre sortant libanais, Nagib Mikati, et le ministre sortant de l'Intérieur, Bassam Maoulaoui, ont exhorté les forces de sécurité et l'armée à une enquête rapide.
« Haine et stupidité qui nuisent au Liban »
Alors que de nombreuses réactions se sont fait entendre sur la scène locale depuis dimanche soir, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a commenté dans un discours lundi cette affaire, qui intervient dans un contexte de polarisation accrue entre le Hezbollah et ses détracteurs.
« Ce qui pousse le Liban vers la guerre civile, ce sont les accusations fautives », a-t-il mis en garde, dénonçant une « attitude de haine et de stupidité qui nuit au Liban et crée la division ». « Cette affaire n'a rien à voir avec la politique ni avec le Hezbollah, il s'est avéré que c'est un gang, de Syriens et de Libanais, qui l'ont enlevé », a encore déclaré le dignitaire, qui a rappelé l'affaire de l'enlèvement en février 2023 du cheikh Ahmad Rifaï, opposé au Hezbollah, dans le Akkar. Après la disparition de ce cheikh, des accusations avaient été portées contre le parti chiite. L'enquête, après la découverte du corps d'Ahmad Rifaï, avait mis en avant un meurtre pour raisons familiales. « Nous étions restés silencieux alors, et il s'était avéré que c'était une histoire de famille, de municipalités, dans laquelle nous n'avions rien à voir, a lancé Hassan Nasrallah. Ce qui s'est passé hier doit servir de leçon à tous les Libanais, et particulièrement aux chrétiens : ceux qui au Liban empêchent la division sont justement ceux qui sont accusés de sédition ». Il a encore évoqué une phase « très dangereuse » pour le pays, appelant les différentes parties à « garder leur calme ».
Solidarité des responsables politiques
Des déclarations similaires ont été faites précédemment par d'autres figures proches du tandem chiite, notamment le mufti jaafarite Ahmad Kabalan, qui a mis en garde contre toute « exploitation politique et confessionnelle » de l'enlèvement.
Et avant eux, une flopée de responsables politiques ont réagi à la disparition de Pascal Sleiman. Le chef du parti Kataëb, Samy Gemayel, a écrit sur X dimanche que « l'enlèvement de Pascal Sleiman est un incident très dangereux » et exprimé sa solidarité envers « les habitants de la région et les amis au sein des FL ». Le député issu de la contestation Michel Doueihy et son collègue Marc Daou ont dénoncé le « délitement sécuritaire » au Liban. M. Daou a appelé à « ne pas céder à la sédition, aux menaces et à l'escalade ».
Simon Abiramia, député de Jbeil du Courant patriotique libre (aouniste, opposé aux FL) a de son côté fait part de sa solidarité avec les Forces libanaises. L’ancien député de Jbeil Farès Souhaid a quant à lui appelé les forces de l’ordre à mener une enquête sur cet incident. De son côté, le député Waddah Sadek a précisé qu' « il ne faut pas anticiper les événements et donner aux services de sécurité le temps nécessaire pour traiter l'affaire ». « Le pays se trouve dans une situation très sensible et ne peut supporter de discours d'escalade », a-t-il poursuivi.
L'ancien ministre Wi'am Wahab a lui estimé sur X que si les motifs de la disparition de M. Sleiman sont « politiques », cela constituerait un « acte très dangereux qui aura des répercussions ».
Routes bloquées, Geagea à Mastita
Sur le terrain, l'autoroute de Jbeil avait été bloquée à la circulation, dans les deux sens, lundi, par des partisans des FL, provoquant des embouteillages dans la région. Des photos fournies par notre correspondant au Liban-Nord Michel Hallak montraient l'autoroute de Jbeil coupée dans les deux sens par des sympathisants FL. Selon notre journaliste sur place Stéphanie Béchara, plus de 200 protestataires étaient rassemblés ce matin à Jbeil. Certains ont affirmé qu'ils continueront de bloquer les routes jusqu'à ce que Pascal Sleiman soit libéré. Des commerçants ont parallèlement fermé leurs magasins et pris part au sit-in pour afficher leur solidarité avec le cadre FL.
Dimanche soir, des centaines de partisans de Samir Geagea se sont également rassemblés au siège du parti dans la région de Jbeil, à Mastita, où le leader des Forces libanaises, s'est rendu en personne, alors qu'il ne sort que rarement de son QG de Meerab. A son arrivée, les sympathisants ont scandé « Hakim ! Hakim ! », son surnom qui signifie « docteur ». La dernière fois que Samir Geagea était sorti de Meerab remonte à avril 2022, lorsqu'il s'était rendu à un iftar organisé par l'ambassade saoudienne à Yarzé.
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15 h 38, le 09 avril 2024