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Nos Lecteurs ont la Parole

La citoyenneté et l’impossibilité de son application au Liban

De nombreux politiciens, analystes et journalistes rivalisent pour simplifier la solution aux problèmes, crises et guerres auxquels le Liban est confronté, en répétant inlassablement le besoin de promouvoir la « citoyenneté » comme une baguette magique qui ramènerait la stabilité et la prospérité au Liban.

Tout d’abord, il convient de définir rapidement les principes sur lesquels se sont appuyées les sociétés développées pour atteindre une citoyenneté idéale qui se base essentiellement sur trois éléments : politique, civil et social.

L’élément politique repose sur la liberté de participer à la vie politique de tout citoyen en lui garantissant le droit de créer ou d’adhérer à des partis et à des groupes de la société civile ou à participer aux élections législatives.

Quant à l’élément civil, il garantit la liberté individuelle de croyance et d’expression, le droit à la propriété et le droit du citoyen à obtenir justice à travers un système judiciaire impartial qui défend les plus faibles de la société et préserve leurs droits.

Reste l’élément social qui repose sur la fourniture de services essentiels au citoyen, tels que les soins médicaux, le logement et l’éducation, afin de l’aider à s’intégrer dans la société et à améliorer sa situation économique pour atteindre le bien-être social.

En bref, la citoyenneté repose sur une Constitution et des lois qui donnent à tout citoyen le droit de gouverner le pays dans lequel il vit à travers des institutions qui relèvent des autorités politiques et constitutionnelles (l’aspect politique), et des procédures juridiques qui garantissent ses droits tout en défendant la liberté d’expression et de croyance (l’aspect civil), ainsi que la garantie de conditions de vie décente (l’aspect social).

Cependant, pour que tout cela soit réalisé, l’État doit être juste afin de garantir l’égalité entre tous les citoyens devant la loi. Car si l’État est autoritaire, il sera contrôlé par une minorité, ce qui prive la majorité de la possibilité d’exercer ses droits. Il existe donc un lien organique entre citoyenneté et démocratie. Par démocratie, nous entendons que le peuple est la source des décisions, couplé de l’égalité politique et civile (comme le statut personnel) entre tous les citoyens, sans distinction de sexe, de religion ou d’ethnicité.

Tout comme le citoyen a des droits en tant qu’individu, il a également des devoirs envers un environnement qui le stimule à s’engager de manière constructive au sein de la société civile. D’où la nécessité que tous les citoyens jouissent des mêmes droits. Car si l’État ne remplit pas ses obligations juridiques, politiques, économiques et sociales, cela conduira inévitablement au déclin de la conscience citoyenne, poussant les individus à recourir à d’autres appuis (religieux ou politiques) pour sécuriser leurs besoins, chacun à sa manière.

Sur la base de tout ce qui précède, l’État libanais a-t-il réussi au fil des décennies à remplir sa mission de développer le sentiment de citoyenneté parmi les Libanais ? Et la question la plus importante : la citoyenneté a-t-elle rempli son rôle naturel en développant un sentiment national unique parmi tous les Libanais ? La réponse à ces deux questions est malheureusement négative. Pour cela il est nécessaire de passer en revue quelques exemples qui illustrent les raisons de l’échec de la citoyenneté au Liban.

Sur le plan politique, des Libanais peuvent occuper certains postes administratifs ou politiques alors que d’autres ne le peuvent pas. Des candidats deviennent députés avec un certain nombre de voix, tandis que d’autres ont besoin de dix fois ce nombre pour réussir aux élections législatives. L’appartenance de Libanais à certains rites ne leur donne pas le droit de devenir directeurs, députés ou ministres, indépendamment de leurs qualifications académiques ou de leur expérience en tant qu’hommes ou femmes d’affaires.

Quant à l’aspect civil, il existe une disparité évidente parmi les composantes religieuses et la manière dont chaque groupe traite les individus qui lui sont affiliés. Les Libanais se marient et divorcent de dix-huit manières différentes, et il existe multiples lois sur l’héritage, une pour chaque communauté. Dans certains groupes, les femmes héritent de la même part que les hommes, tandis que dans d’autres groupes, les femmes héritent de la moitié de ce que les hommes reçoivent. De plus, un homme appartenant à un certain groupe ne peut épouser qu’une seule femme, tandis que dans d’autres groupes, un homme peut épouser plusieurs femmes.

Il convient de souligner que tout ce que nous évoquons n’est nullement une forme de critique, mais plutôt une description de la réalité que nous vivons depuis la création de l’État du Grand Liban, auquel nous adhérons. Cette description prouve que les droits des citoyens libanais ne sont pas les mêmes, mais plutôt que leurs droits politiques et civils diffèrent selon leur appartenance religieuse. Et puisqu’il faut respecter la vie privée de chacun des groupes religieux qui composent le Liban, nous devons reconnaître que l’État central ne pourra pas être juste envers les citoyens par le biais de lois civiles ou politiques uniformes qui les mettent au même pied d’égalité. L’individu libanais ne peut être traité équitablement qu’au sein du groupe auquel il appartient, où les femmes et les hommes sont soumis aux mêmes lois civiles ainsi qu’à des règles qui leur permettent de concurrencer pour les mêmes privilèges politiques, mais au sein du groupe auquel ils appartiennent, sans aucune influence de l’État central.

Tout ce qui a été mentionné démontre que le principe fondamental pour réaliser une citoyenneté saine est lié à la possibilité d’appliquer les mêmes normes à tous les citoyens sans aucune distinction de religion, de sexe ou d’origine ethnique. Au Liban, ces principes sont impossibles à appliquer car le pacte, non déclaré, entre toutes les communautés confessionnelles qui ont accepté de rejoindre le Grand Liban est basé sur une idée fondamentale et immuable : « Nous sommes libanais, mais nous avons des particularités que nous n’abandonnerons pas, et que nous maintiendrons et pratiquerons au sein des groupes auxquels nous appartenons. » C’est là une caractéristique de toutes les sociétés pluralistes dans le monde.

En conséquence, il nous sera impossible d’imposer à toutes les communautés de se marier, de divorcer ou d’hériter de la même manière. De même, nous ne pourrons pas, et ce n’est pas acceptable de contraindre certaines régions à autoriser la pratique de coutumes considérées comme interdites dans leur culture ou leur religion. De plus, certaines communautés refusent de renoncer à des acquis politiques qu’elles considèrent comme garantissant et protégeant leurs droits en tant que groupe religieux. Tout cela conduit à la réalité selon laquelle le sentiment de citoyenneté et de patriotisme, au Liban, diffère d’un individu à l’autre selon son appartenance religieuse.

La diversité culturelle dans tout pays devrait être une source de richesse et non de crises, comme c’est le cas malheureusement au Liban. Quelle est donc la solution pour préserver ces particularités culturelles tout en développant une citoyenneté saine chez tous les Libanais ?

Si l’on passe en revue l’histoire des États pluralistes qui ont réussi à développer une citoyenneté saine, nous concluons que l’accord sur le système politique a été l’élément central qui a contribué à rassurer les différents groupes culturels de ces pays. Tous ces pays ont connu des guerres et des conflits entre les groupes religieux, ethniques ou culturels qui les composent, mais ils ont réussi à établir la sécurité, la stabilité et la prospérité grâce à des systèmes fédéraux qui étaient la pierre angulaire du développement d’une citoyenneté saine.

Par conséquent, une citoyenneté dans un pays multiculturel ne peut pas être développée au sein d’un système politique centralisé. Il n’y a donc aucune possibilité d’établir une citoyenneté saine dans le Grand Liban, sauf à travers un système fédéral, débattu et accepté par toutes les composantes libanaises.

Secrétaire général de Ittihadiyoun

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De nombreux politiciens, analystes et journalistes rivalisent pour simplifier la solution aux problèmes, crises et guerres auxquels le Liban est confronté, en répétant inlassablement le besoin de promouvoir la « citoyenneté » comme une baguette magique qui ramènerait la stabilité et la prospérité au Liban.Tout d’abord, il convient de définir rapidement les principes sur...

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