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Moyen-Orient - Entretien Express

« Malgré des affiliés plus puissants, le centre de l’EI restera syro-irakien »

Aymenn Jawad al-Tamimi, du Middle East Forum, répond aux questions de « L’Orient-Le Jour » après l’attaque près de Moscou revendiquée par le groupe État islamique.

« Malgré des affiliés plus puissants, le centre de l’EI restera syro-irakien »

Des secours russes tentant de retrouver des survivants dans les décombres du Crocus City Hall, près de Moscou, après l’attentat du 22 mars 2024. Photo Reuters

Un concert, au moins 137 personnes tuées. Vendredi soir, la Russie a connu l’attentat le plus meurtrier sur son sol depuis 2002. Si le pouvoir de Vladimir Poutine a pointé du doigt l’Ukraine, alors que la guerre provoquée par l’invasion russe y est entrée dans sa troisième année, l’attaque a été revendiquée par le groupe jihadiste État islamique (EI). Ce dernier s’est targué d’avoir tué des chrétiens, tandis qu’un attentat contre une synagogue avait été déjoué au début du mois, selon les services de renseignements russes. Les experts s’accordent pour voir dans l’attaque du concert au Crocus City Hall, près de Moscou, la patte de la branche Khorassan du mouvement terroriste, ancrée surtout en Afghanistan. L’Orient-Le Jour fait le point avec Aymenn Jawad al-Tamimi, chercheur au Middle East Forum et spécialiste de l’EI et de la Syrie.


Pourquoi l’EI s’en est-il pris à la Russie ?

Il y a deux raisons principales qui expliquent l’attaque près de Moscou. Premièrement, l’EI estime que tous les chrétiens dans le monde doivent être combattus s’ils ne se convertissent pas à l’islam ou ne s’y soumettent pas en tant que dhimmis (en payant une taxe et en vivant sous diverses restrictions). Aussi, l’attaque a été présentée comme visant les chrétiens de Russie en particulier, à l’instar de ce que revendique l’EI ailleurs dans le monde, comme au Mozambique.

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Deuxièmement, l’EI estime que Moscou est l’un des pays qui est activement « en guerre » contre l’islam en raison des politiques russes, telles que le soutien au gouvernement syrien, qui lutte contre l’EI dans les régions désertiques du centre, et le soutien aux gouvernements locaux dans la région du Sahel. Pour l’EI, ces gouvernements soutenus par le Kremlin sont des entités « apostats » considérées comme ayant quitté et combattant l’islam. Par extension, la Russie est donc considérée comme faisant la guerre à l’islam. D’où la présentation de l’attentat comme une « vengeance » contre le « croisé » russe.


L’EI au Khorassan est-il en train de devenir le cœur du groupe en lieu et place de la Syrie et de l’Irak ?

Ce n’est pas tout à fait exact de parler de cette branche comme nouveau centre de gravité du mouvement. Les principaux dirigeants, y compris le calife lui-même, sont toujours dans la zone Syrie-Irak, et il est difficile d’imaginer comment ils pourraient se déplacer en masse vers une autre région ou un autre pays. La Syrie et l’Irak resteront donc indéfiniment au centre de l’EI. Cependant, il est vrai que les capacités du centre en tant que source d’activités et de financement d’insurrections sont très diminuées. Et le groupe a désormais des affiliés plus puissants dans d’autres régions (particulièrement en Afrique, où certains contrôlent des pans de territoires). La branche du Khorassan a, elle, profité du vide sécuritaire créé par le retrait des Occidentaux d’Afghanistan et des faiblesses du régime taliban pour soutenir et planifier des attaques en dehors de la région qui tombe dans ses délimitations, c’est-à-dire l’ouest de l’Afghanistan et le Pakistan.


À quoi doit-on s’attendre par la suite ?

Il ne devrait pas y avoir de changements majeurs suite aux attaques de l’EI en Russie et en Iran (le 3 janvier, un double attentat à Kerman avait fait une centaine de morts, venus assister à une cérémonie de commémoration en l’honneur de Kassem Soleimani, NDLR), mais plutôt une continuité. Les membres et soutiens du groupe continueront à s’engager dans des campagnes insurrectionnelles partout dans le monde, à planifier et à tenter des activités terroristes contre des « apostats » et des « infidèles ». En d’autres termes, c’est une question d’espace opérationnel et de ressources.

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Certaines cibles seront évidemment prioritaires par rapport à d’autres ; les « apostats » étant par exemple considérés comme un plus grand mal que les « infidèles » (les chrétiens notamment), ils doivent être combattus en premier lieu. C’était la logique derrière l’attaque en Iran. Mais l’EI continuera de chercher à cibler des pays tels que la Russie, qui a joué un rôle actif dans la lutte contre le groupe. En fin de compte, pour le mouvement dont la perspective idéale serait de soumettre le monde entier au calife, c’est une lutte qui se poursuivra partout, jusqu’à la nuit des temps.

Un concert, au moins 137 personnes tuées. Vendredi soir, la Russie a connu l’attentat le plus meurtrier sur son sol depuis 2002. Si le pouvoir de Vladimir Poutine a pointé du doigt l’Ukraine, alors que la guerre provoquée par l’invasion russe y est entrée dans sa troisième année, l’attaque a été revendiquée par le groupe jihadiste État islamique (EI). Ce dernier s’est targué...

commentaires (2)

Avec respect pour les experts, l'Etat Islamique n'est rien d'autres que 2 lettres, EI., qui n'est ni un État, ni une nation, ni même un mouvement d'action ou de résistance. C'est un nom d'éléments/ mercenaires que les services de renseignements engagent comme "hit man", au mieux, ou pire, que la section "opérations" du monde de l'intelligence secret utisent quand bon le semble, pour cacher leurs actions. C'est très à la mode d'utiliser le terme "Islamique " quand il s'agit d'attaques terroristes. Ça plaît au public..

Raed Habib

09 h 40, le 25 mars 2024

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Commentaires (2)

  • Avec respect pour les experts, l'Etat Islamique n'est rien d'autres que 2 lettres, EI., qui n'est ni un État, ni une nation, ni même un mouvement d'action ou de résistance. C'est un nom d'éléments/ mercenaires que les services de renseignements engagent comme "hit man", au mieux, ou pire, que la section "opérations" du monde de l'intelligence secret utisent quand bon le semble, pour cacher leurs actions. C'est très à la mode d'utiliser le terme "Islamique " quand il s'agit d'attaques terroristes. Ça plaît au public..

    Raed Habib

    09 h 40, le 25 mars 2024

  • À ce jour, la télé russe n'a toujours pas évoqué la revendication de L'EI ! Bienvenue dans le Sud global...

    F. Oscar

    08 h 48, le 25 mars 2024

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