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Culture - Livre / Exposition

Au Akkar, un bédéiste français dessine l’invisible

Un séjour dans la ferme-auberge de Chambouk, au Liban-Nord, inspire à Zarbo, alias Olivier Garro, son récit graphique « Le parfum des nuages », qui a droit à sa propre exposition depuis le 1er mars à la fondation Charles Corm.

Au Akkar, un bédéiste français dessine l’invisible

Zarbo dessine un voyage sensoriel dans la nature, loin des bruissements urbains. Photo DR

La nuit tombe, c’est la pleine lune. Un hibou se tient sur le pommier, tandis que l’aboiement d’un chien résonne dans la vallée. Le hululement de l’oiseau nocturne qui s’envole vers d’autres horizons ne tarde pas à lui faire écho. Cette scène de vie, aussi ordinaire que captivante, est racontée à travers cinq petites aquarelles issues du récit graphique Le Parfum des nuages.

Publiée en 2023 aux éditions Rue des Marinières par Zarbo (alias Olivier Garro), la bande dessinée dépeint les détails de la nature à travers des situations observées et vécues par le bédéiste au Akkar, dans le nord du Liban. Que ce soit une simple onomatopée, un serpent qui siffle ou un éleveur qui traite une de ses chèvres, l’artiste trouve mille et une façons de capturer l’essence de la nature grâce à ses aquarelles.

Installé depuis 2018 à Tripoli, Zarbo n’en est pas à sa première bande dessinée. Parmi ses nombreuses œuvres se trouve notamment Confinerie orientale (2021), qui raconte sa vie pendant six mois à Mina dans le nord du Liban, entre confinement et déconfinement, sur fond d’effondrement économique et social du pays.

Une planche tirée de l’ouvrage « Le Parfum des nuages » de Zarbo. Photo DR

L’auteur puise son inspiration dans les histoires réelles qui se déroulent autour de lui. Le Parfum des nuages ne fait pas exception à la règle. « C’est une première pour moi de raconter un lieu plutôt que de raconter un personnage », confie l’artiste à L’Orient-Le Jour. « Je me trouvais dans cette ferme-auberge de Chambouk tenue par Haykal, un chevrier assez connu dans le pays, ainsi que son fils Thomas, l’aubergiste. Les personnages apparaissent certes dans la bande dessinée, mais ce sont plutôt l’endroit, les animaux, la pollution, le manque d’électricité, les questions de l’eau, les incendies du Akkar, que j’ai voulu mettre en avant. »


Entre détails et couleurs

« Ce que je veux faire à travers mon métier, c’est raconter l’invisible. La nature puissante et rigoureuse du Liban, souvent oubliée, suscite en moi le désir de la mettre en lumière », exprime Zarbo avec passion. L’auteur pousse son lecteur à regarder en détail des éléments qui passent souvent inaperçus. Après tout, c’est l’accumulation qui crée un tout harmonieux. Le dessinateur réussit un tour de force en faisant appel aux cinq sens du lecteur qui ne se contente pas seulement de regarder. Que ce soit à travers les onomatopées, le gros plan mis sur un fromage frais coupé, ou encore le choix des couleurs, Zarbo plonge son public dans un voyage sensoriel dans la nature, loin des bruissements urbains.

Une planche tirée de l’ouvrage « Le Parfum des nuages » de Zarbo. Photo DR

« Je n’utilise pas des couleurs réalistes. Pour une raison toute simple : si mes dessins étaient en noir et blanc, on réussirait tout de même à comprendre le dessin. La couleur me sert plutôt à traduire des ambiances », souligne l’artiste. Peu importe si le ciel est jaune ou si un personnage est rouge. « Ces couleurs donnent une lumière que l’on retrouve dans le Nord. C’est un endroit où il y a beaucoup de nuages, et les nuages jouent dans le ciel et influent beaucoup sur la couleur changeante de la nature », poursuit-il.


D’une publication à une exposition

La bande dessinée raconte le domaine de Chambouk à travers 180 aquarelles organisées en strip. Le récit graphique se double d’un texte en français et en arabe (traduit par Antoine Daher). Le lecteur suit un parcours au sein du domaine, à la fois dans l’espace et dans le temps, qui l’amène à en découvrir de nombreux aspects.

En plus du petit format de ces œuvres, douze grandes aquarelles montrent différents points de vue sur la promenade à travers le domaine. « J’ai utilisé un style très réaliste même si c’est en partie imaginaire. J’ai fait sur place les croquis, que j’ai repris à l’aquarelle. J’en ai fait douze car cela correspond au nombre de mois dans l’année », explique Zarbo. Bien qu’il ait séjourné une semaine dans le domaine au mois de mars, il a visualisé le lieu à travers différentes saisons. « Par exemple, j’ai imaginé le mois de février avec la neige. J’ai fait des études pour voir comment je pouvais l’ajouter. » Le nombre douze ramène également aux heures de la journée. « J’ai voulu scander ce passage du temps et ses cycles bien qu’on ait l’impression que le temps soit suspendu là-bas », poursuit-il.

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L’exposition, qui se déroule à la fondation Charles Corm jusqu’au 12 mars, couvre une bonne partie du livre. Se décrivant comme artisan d’histoires graphiques, Zarbo publie ses travaux en petite quantité (500 exemplaires). Pour que les gens puissent avoir accès à son travail, il les publie sous différents formats. « J’ai d’abord fait cette exposition à Kobeyate en novembre dernier. Les habitants du village, qui sont devenus nombreux, n’ont pas vraiment accès aux BD, ils ont donc pu voir les histoires que je raconte grâce à cet événement », raconte celui pour qui il est nécessaire d’amener les histoires dans des lieux où les gens ne lisent pas habituellement.

Une soirée spéciale « distillation » avait eu lieu le 6 mars 2024 au Grand Lycée franco-libanais : aquarelle en direct par Zarbo, lecture à deux voix par Antoine Daher et Anne Garro et musique. Quatre musiciens et chanteurs libanais : Tarek Ghandour (oud), Rita Abou Khalil (piano), Rita Slaïby Chehwane (chant), Louis Zeenny (percussions)… et un musicien français au saxophone, Bruno Filleton, ont animé musicalement l’événement.

La soirée s’est déroulée en présence de Haykal et Thomas Mikael, hauts personnages de ce lieu fabuleux du Akkar, qui ont ensuite, tout comme les artistes, discuté avec leur public.

La nuit tombe, c’est la pleine lune. Un hibou se tient sur le pommier, tandis que l’aboiement d’un chien résonne dans la vallée. Le hululement de l’oiseau nocturne qui s’envole vers d’autres horizons ne tarde pas à lui faire écho. Cette scène de vie, aussi ordinaire que captivante, est racontée à travers cinq petites aquarelles issues du récit graphique Le Parfum...

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