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Culture - Cinéma

Mettre en musique le film « Napoléon » d'Abel Gance, un défi de « haute couture » un siècle après

Le chef-d’œuvre du cinéma muet sera projeté lors d'un ciné-concert les 4 et 5 juillet à la Seine musicale, près de Paris, dans une version « inédite, intégrale et définitive ».

Les spécialistes ont dû faire le tri entre une vingtaine de versions recensées au cours des années et 100 000 mètres de bobines dont certaines étaient très abîmées. Photo AFP

Créer la bande originale d'un film de sept heures, près d'un siècle après sa sortie et à partir de rien... ou presque : c'est le défi « haute couture » auquel une équipe s'est attelée pendant plus de trois ans pour le Napoléon d'Abel Gance, chef-d’œuvre du cinéma muet.

La projection de cette fresque relatant la jeunesse de l'empereur français jusqu'aux débuts de la campagne d'Italie – pièce majeure du patrimoine cinématographique vénérée par nombre de cinéphiles et cinéastes – aura lieu en deux parties les 4 et 5 juillet à la Seine musicale, près de Paris, dans une version « inédite, intégrale et définitive ».

Les places pour ce ciné-concert porté par plus de 250 musiciens dirigés par le chef d'orchestre Frank Strobel sont proposées depuis vendredi.

Il aura fallu près d'une quinzaine d'années et entre 2 et 2,5 millions d'euros pour restaurer les images, dont certains espèrent qu'elles seront présentées au Festival de Cannes en mai.

Une commande de la Cinémathèque française confiée à un spécialiste qui a dû faire le tri entre une vingtaine de versions recensées au cours des années et 100 000 mètres de bobines dont certaines étaient très abîmées, conservées sous haute sécurité dans un fort près de Paris.

La partie musicale a, elle aussi, une histoire singulière.

L'AFP a pu assister, en décembre, à un enregistrement de la bande originale par l'Orchestre national de Radio France, au Studio 104 de la Maison de la radio et de la musique, à Paris.

 « Pas de tubes »

Ce jour-là, c'est la Sixième symphonie de Gustave Malher qui est interprétée, sous la baguette du chef d'orchestre Fabien Gabel. Devant lui, son pupitre et, à droite... un écran sur lequel défilent les images de la campagne d'Italie.

« Il faut que ce soit plus martial », lance une voix en régie. Les musiciens reprennent. Ce sont les derniers moments d'un enregistrement qui aura duré au total quelque 120 heures.

En amont, il y a eu le travail de Simon Cloquet-Lafollye, compositeur que la Cinémathèque, après appel à projet, a nommé directeur musical du projet, il y a un peu plus de trois ans.

« Le film est projeté en 1927 à Paris », dans la salle de spectacle de l'Apollo et à l'Opéra, mais « on n'a aucune trace de la musique », raconte-t-il. Tout juste une archive de 30 minutes composée par le Suisse Arthur Honegger. « On sait simplement que les orchestres accompagnaient la projection de musiques de répertoire », ajoute-t-il.

La Cinémathèque lui demande de travailler à partir d’œuvres préexistantes. Il visionne les séquences, passe des heures de recherche et d'écoute, constitue des playlists... Pour, au final, proposer un spectre musical très large : « 200 ans de musique symphonique », dit-il.

Ce pianiste diplômé de la Juilliard School de New York et du conservatoire de Paris « ne voulai(t) pas que ça fasse “medley d’œuvres favorites” ». Donc il ne fallait « pas utiliser de tubes », détaille-t-il.

Il a choisi « 85 % de musiques de compositeurs méconnus des XIXe-XXe siècles, tels Gabriel Dupont, Fernand de la Tombelle, Benjamin Godard, Hans Rott », auxquels il a ajouté de la musique postérieure à 1927.

 « Bonbon »

Et, « de temps en temps », il convoque des musiciens célèbres (Mozart, Schubert, Beethoven, Wagner) dont ne sont utilisées que des oeuvres « très peu jouées ».

« Je donne un bonbon aux spectateurs », concède-t-il. « J'envoie la Symphonie héroïque de Beethoven puis la marche de Siegfried de Wagner », au moment où le film narre l'épique bataille de Toulon.

La singularité de ce travail ? « Très souvent, dans le clip vidéo d'un artiste ou dans des films, on monte l'image sur la musique, pour que ça colle avec le tempo. Moi, j'avais pour contrainte des images immuables. Donc c'était la musique qu'il fallait triturer. »

Par exemple, quand Marat se fait assassiner dans sa baignoire, l'accord d'une pièce pour orchestre de Webern tombe parfaitement sur le geste de Charlotte Corday.

Un travail de « haute couture », résume-t-il.

Fabien Gabel, qui a dirigé les trois formations de Radio France (Chœurs et maîtrise, Orchestre national de France, Orchestre philharmonique) ayant pris part au projet, abonde : l'originalité de cette bande originale tient dans le fait que ce n'est « pas de la musique écrite pour le cinéma ». Ce sont « des oeuvres destinées au concert », « qui fonctionnent parfaitement avec l'image, sans prendre le pas sur celle-ci ».


Karine PERRET/AFP

Créer la bande originale d'un film de sept heures, près d'un siècle après sa sortie et à partir de rien... ou presque : c'est le défi « haute couture » auquel une équipe s'est attelée pendant plus de trois ans pour le Napoléon d'Abel Gance, chef-d’œuvre du cinéma muet.La projection de cette fresque relatant la jeunesse de l'empereur français jusqu'aux débuts de la campagne...

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