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Culture - Conférence de presse

Mounira al-Solh investit le pavillon libanais à la 60e édition de la Biennale de Venise

Le Liban participe à la Biennale de Venise deux fois consécutives et c’est inédit. Nada Ghandour commissaire et curatrice de l’exposition « Danser avec son mythe » et Karim Bekdache encadrent l’œuvre de Mounira al-Solh qui revisite le mythe d’Europe.

Mounira al-Solh investit le pavillon libanais à la 60e édition de la Biennale de Venise

Au musée national de Beyrouth, Karim Bekdache, Mounira al-Solh, Nada Ghandour et Roni Alpha (de gauche à droite) lors de l'annonce de la participation libanaise à la 60e Biennale de Venise. Photo DR

C’est à Nada Ghandour, conservatrice du patrimoine, que le ministère libanais de la Culture a confié le projet de la participation du Liban à la 60e édition de la Biennale de Venise, où le pays sera représenté du 20 avril au 24 novembre prochains par Mounira al-Solh, artiste pluridisciplinaire qui partage sa vie entre Beyrouth et Amsterdam.

Les détails du projet ont été annoncés jeudi lors d'une conférence de presse au musée national de Beyrouth, en présence du ministre sortant du Tourisme, Walid Nassar, de l’écrivain, journaliste et membre de la Commission nationale pour l'Unesco, Roni Alpha, représentant le ministre sortant de la Culture Mohammad Mortada, de personnalités de la scène artistique et culturelle, ainsi que des médias. 

Son œuvre Danser avec son mythe est mise en relief dans un écrin conçu par l’architecte Karim Bekdache qui, pour l’occasion, a choisi d’occuper la totalité de la surface du pavillon, organisé par la Lebanese Visual Art Association, 180 mètres carrés au sein de l'arsenal, sans aucun aménagement ni cloisonnement. Sa structure, préservée dans son état d’origine, constituée d’arcades en brique à la texture unique façonnée par le temps et d’une importante charpente en bois, rappelle les ruines anciennes de Tyr, théâtre de l’enlèvement d’Europe. Ce mythe, qui a nourri l’inspiration de tant de grands artistes tels que le Titien, Véronèse ou Rembrandt pour ne citer qu’eux, est l’épine dorsale de l’œuvre de Mounira al-Solh qui en fait un espace de dialogue et de réflexion.

La mise en espace de cette installation s’articule autour du bateau, pièce maîtresse de l’œuvre, qui transporte la famille d’Europe partie à sa recherche après son enlèvement par Zeus. Le visage, aussi inquiétant que comique, du gardien de la Porte, et la proue du bateau, tous deux sculptés par l’artiste et visibles à travers des meurtrières, accueillent le public qui peut l’observer à travers des meurtrières et découvrir par la suite des toiles imposantes, suspendues à la charpente selon un rythme articulé avec la structure du pavillon et qui racontent le périple de la princesse phénicienne tel que revisité par l’artiste qui est représentée par la galerie Sfeir-Semler, à Hambourg et à Beyrouth. « Le mythe a en soi la qualité fondamentale d’être un discours public et universel, ce qui le rend éternellement contemporain », précise Nada Ghandour.

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Pour illustrer ce mythe justement, 41 éléments occupent la totalité de l’espace du pavillon libanais entre peintures, dessins, sculptures, broderies et vidéo. Pour expliquer son choix, l'artiste invoque les nombreuses catastrophes du pays qui suscitent le besoin de rechercher des liens solides, des ancrages de force et d'enrichissement culturel, par exemple. « Vous devez vous accrocher à des choses qui sont peut-être profondément intrinsèques et qui servent de piliers inébranlables dans les périodes turbulentes de destruction et de décadence », confie-t-elle.

Elle poursuit en expliquant que « l'installation est très liée à la Méditerranée, que ce soit par des références à l'histoire, à travers des images ou des couleurs, notamment à des éléments de l'époque phénicienne qui sont à la fois reconnaissables et essentiels à l’histoire du Liban ». D’ailleurs, les Phéniciens ont laissé peu de traces écrites, toutefois des villes comme Byblos, Beyrouth, Saïda et Tyr témoignent par leurs vestiges d’une civilisation glorieuse. Les références à ce peuple sont intégrées dans l'installation à la fois visuellement et dans les matériaux qu’elle utilise pour créer l'œuvre, qu'il s'agisse de charbon de bois ou de papyrus.

Danser avec son mythe s’inscrit dans la même veine que les travaux précédents de Mounira al-Solh qui puisent dans les mythes originaires des côtes libanaises, ainsi que la langue et l'écriture des Phéniciens. Ses œuvres reflètent le comportement social et la relation des différentes communautés libanaises avec leurs propres villes et avec le monde qui les entoure, l’éternel regard d’un peuple au-delà de son horizon et sa sempiternelle histoire d’exil et de retour, ainsi que d’identité ballottée entre l’Orient et l’Occident.

Dans ses recherches, l'artiste a tellement été frappée par le mythe de l’enlèvement d’Europe qu’elle s’est rendue en Crète pour appréhender les dessous du mythe, sur lequel elle pose le regard d’une femme d’aujourd’hui qui explore la relation dynamique entre la mythologie antique et le monde moderne. Danser avec son mythe lui permet de redonner un sens à ce monde secoué par tant de conflits et de désastres écologiques. Et c’est sur les concepts de domination, de soumission et d’excès qui circulent dans le mythe d’Europe que planche l’installation de Mounira al-Solh dans des formes inattendues, mais ludiques dans l’objectif de renverser le rapport de force initial entre dominant et dominé.

C’est une Europe libérée et déterminée à tendre vers un équilibre avec le sexe opposé qu’elle met en scène, dans ce mythe avec lequel elle prend quelques libertés, notamment avec le rôle de la mère d’Europe : la Téléphassa de Mounira al-Solh, elle, est bien vivante. L’artiste recourt allègrement à la déconstruction des stéréotypes de genre en changeant le sexe du chien d’Hercule qui a découvert le murex, qu’elle transforme en chienne enceinte d’un chiot pourpre. Et par ailleurs, elle fait un clin d’œil à sa patrie en mettant entre les pieds d’Europe un drapeau au milieu duquel trône un cœur qui flotte au-dessus du cèdre du Liban.

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Mounira al-Solh espère que le public pourra découvrir une partie de cette histoire phénicienne oubliée, mais aussi comprendre qu'il ne s'agit pas de « grandeur », mais de notre capacité à jouer avec les mythes et de se réapproprier nos histoires.

« En général, nous, libanais, aspirons à réinterpréter certains aspects de notre histoire en fonction de nos perspectives individuelles. Les mythes des Phéniciens ont été écrits pour la plupart par des écrivains occidentaux de sexe masculin, alors pourquoi ne pas jouer avec eux, les transformer en quelque chose que nous aimerions lire aujourd'hui ? Cela nous permettrait de relier le passé et le présent et d'aspirer à une époque plus enrichissante », dit-elle. Une façon pour elle de militer avec humour pour le statut de « la femme qui tient la famille » en des temps plus que troubles plombés par une succession de tragédies.


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