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Remember, Joe ?


Comment un être supposé sensé peut-il froidement préparer le monde à l’imminence d’un gigantesque massacre de civils résultant fatalement d’un assaut contre la souricière de Rafah où a trouvé refuge le gros de la population de Gaza ? Qui donc Benjamin Netanyahu croit-il berner en promettant d’offrir à ce million et demi de misérables sans-abri des corridors d’évacuation sécurisés à travers un sol continuellement cuit et recuit par les bombes ? Où ce politicien véreux, poursuivi par la justice de son propre pays, honni par une bonne part de son opinion publique, trouve-t-il le pouvoir de défier la terre quasiment entière qui l’adjure de faire une croix sur ce bain de sang cyniquement annoncé ? Par quel renversant phénomène brave-t-il même le plus proche de ses alliés, l’Amérique, qui décrète publiquement désormais que trop c’est trop, que la démonstration israélienne est excessive ?

Comme plus d’un de ses prédécesseurs et en dépit des égards dus au très influent lobby juif de Washington, le président US n’a jamais caché devant ses intimes son aversion pour le chef du Likoud ; à en croire d’ailleurs la chaîne de télévision américaine NBC, il en serait venu à le qualifier récemment de trou du … ! Mais que fait-il de concret pour donner plus de poids à ses réserves en menaçant, par exemple, Israël de lui couper le robinet à dollars et munitions, comme le lui suggère le chef de la diplomatie européenne ? Pire encore, a-t-il seulement souvenir de ses propres marques de désapprobation ?

De fait, on a froid dans le dos à l’idée que la première superpuissance mondiale est gouvernée par un homme qui, ces derniers temps, multiplie les confusions et oublis aussi bien que les faux pas. Et on est loin d’être rasséréné par la perspective d’un duel électoral opposant ce même homme à Donald Trump qui, en sus de ses légendaires extravagances, a officiellement cautionné l’annexion israélienne de Jérusalem et du Golan syrien occupé. Or il n’y va pas là des seules fonctions cognitives, des béants trous de mémoire de Joe Biden. Ce qui se joue actuellement à Gaza comme en Cisjordanie, ce que les extrémistes au pouvoir en Israël s’échinent à noyer dans des flots de sang, c’est la mémoire d’un peuple palestinien que l’on n’a pas encore fini de déposséder, de refouler à coups de canon dans les profondeurs du néant.

Le plus tragique demeure cependant ces deux extrêmes, également stériles et même contre-productifs, dans lesquels se cantonnent les prétendus défenseurs de la Palestine dans le monde arabo-musulman : la solidarité purement verbale et la verbeuse surenchère. Que l’Égypte et la Jordanie, deux pays liés par des traités de paix avec Israël, se refusent à accueillir tout déplacé de Gaza est certes louable, encore que le bouclage de leurs frontières est surtout motivé par un même souci de propre stabilité interne ; mais ce n’est pas encore assez. De son côté, l’Arabie saoudite gèle son processus de normalisation avec l’État hébreu ; mais elle n’impose guère le même freinage en catastrophe aux autres monarchies pétrolières qui ont déjà fait ami-ami avec ce dernier. À l’autre bout de l’éventail, l’Iran en quête surtout d’expansion et de domination régionales se voue à une guerre de mille ans contre le Petit Satan ; mais parce que prudence est mère de sûreté, c’est seulement jusqu’au dernier de ses affidés libanais, irakiens ou yéménites qu’il est réellement disposé à la livrer.

Plus directement impliqué dans les hostilités que ses frères d’armes de l’océan Indien ou de la mer Rouge, le Hezbollah serait bien inspiré de garder ce détail… en mémoire.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Comment un être supposé sensé peut-il froidement préparer le monde à l’imminence d’un gigantesque massacre de civils résultant fatalement d’un assaut contre la souricière de Rafah où a trouvé refuge le gros de la population de Gaza ? Qui donc Benjamin Netanyahu croit-il berner en promettant d’offrir à ce million et demi de misérables sans-abri des corridors...