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Nos Lecteurs ont la Parole

Les mythes fondateurs. Tu crois ? Je crois que oui !

Tous les pays, toutes les nations, toutes les communautés, sans exception aucune, ont ceci en commun : elles sont basées sur un mythe fondateur. Or, comment un mythe, par définition ni fiable ni vérifiable, peut-il porter sur ses épaules impalpables l’édifice immense de toute une nation ?

La réponse rationnelle serait un constat d’impossibilité. Or, en réalité, l’irréel et l’émotionnel prennent toujours le dessus sur le rationnel. C’est ce qui explique la longévité des mythes dans l’esprit des individus et des sociétés.

L’émotionnel est la base de toute civilisation et en grande partie de toute religion depuis la nuit des temps et l’émergence du sociétal et du spirituel.

La racine étymologique du mot mythe est « muthos » qui en grec ancien désigne un énoncé considéré comme vrai. Une fois que l’énoncé est « considéré » comme vrai, non seulement il n’a plus besoin d’être prouvé, mais il est également et surtout interdit de le mettre en question. L’énoncé devient alors une vérité subjective absolue.

Quand la prémisse n’a plus besoin d’emprunter le chemin de l’argument vers la vérité, c’est que l’esprit critique est anéanti. L’affirmation virtuelle encadrée par l’inerrance est le totem, toute tentative de compréhension est le tabou.

Le mythe porte en soi une phobie de la liberté de l’individu et un désir d’immortalité de la collectivité. L’un et l’autre ne sont qu’illusoires.

Ainsi va la mythologie, ainsi va la croyance, ainsi va le monde.

L’Iliade et L’Odyssée, attribuées à Homère, ont porté les dieux de l’Olympe pour des générations à venir. Elles ont été une importante composante des mythes fondateurs de la nation grecque ancienne.

Ce qui n’était pas prévu, c’est que L’Iliade, L’Odyssée et leur auteur survivent à la religion qu’ils avaient la vocation de consolider. Les écrits et la littérature sont restés, alors que leur message religieux a disparu. La longévité du soutien a dépassé celle du soutenu.

La mythologie, fût-elle ancienne ou contemporaine, forme un ciment qui consolide les liens entre les membres d’un groupe, leur permettant de s’ériger en communauté, en société… Cette croyance propre à la communauté permet désormais aux individus la formant d’être plus homogènes, plus solidaires et dans une certaine mesure de partager des valeurs communes.

La nouvelle structure sociale qui en découle rassure le groupe mais compromet la liberté de penser et de critiquer de l’individu.

La force du groupe est la faiblesse de l’individu. Et vice versa. Toute liberté de remise en question de l’ordre établi risque de devenir synonyme d’exclusion, d’apostasie ou d’anathème.

Les textes sacrés dessinent les contours de la foi, du vice, de la vertu, du salut, de la condamnation, du paradis et de l’enfer.

Il est difficile de déterminer si les livres sacrés sont source de la foi ou bien sa conséquence. D’aucuns prétendent qu’ils les lisent pour choisir leur voie, alors que la vérité est qu’on les lit parce qu’on y croit déjà.

Quel que soit le lien entre le livre et la foi, les deux éléments finiront par déterminer les traits majeurs de l’identité et des valeurs communes.

Les récits mythologiques procurent un sentiment d’invincibilité face aux défis factuels de la science et du temps. Ce n’est qu’une illusion.

Face au mythe fondateur, l’individu n’a d’autre choix que de s’automutiler de son esprit critique, de son unicité.

Au-delà des mythes religieux, les peuples ont leurs mythes historiques, souvent glorifiés et très souvent erronés.

Les pays affichent leur gloire à travers une certaine lecture de leur histoire… C’est faux, mais ça rassure.

La majorité des pays ont eu leur indépendance après la Seconde Guerre mondiale, après une longue occupation. Les mythes fondateurs viennent à leur secours.

L’Égypte est arabe et pharaonique. L’Irak est arabe et mésopotamien. La Syrie est arabe et assyrienne…

Qu’en est-il d’Israël ?

Israël est sans doute le pays le plus pétri dans la mythologie. À la fois historique et religieux, le mythe fondateur d’Israël est la justification de son existence, voire la raison d’être de cet État tout récent. La terre promise par Jéhovah au peuple juif lui revient de plein droit, nonobstant les faits historiques, la donne politique et la réalité démographique. La raison est complètement bannie en faveur du mythe.

Cependant, les fouilles archéologiques pour retrouver des traces d’Abraham et sa tribu n’ont jamais abouti. Il en est de même pour Moïse et l’Exode. Les fouilles ont été abandonnées, mais la foi les garde plus vivants que jamais.

Depuis Abraham, ladite terre d’Israël est tombée successivement aux mains des Assyriens, des Babyloniens, des Perses, des Grecs, des Romains, des Sassanides, des croisés, des Mamelouks, des Arabes, des Anglais…

Près de deux millénaires après la destruction du Temple par Titus, en 1897, le mouvement sioniste réclame la terre d’Israël en s’appuyant quasi exclusivement sur une mosaïque de mythes religieux et historiques, dont le fameux Pentateuque mosaïque.

Le cas libanais ne déroge pas à cette trame si complexe. La particularité du modèle libanais est le pluralisme de sa société, de ses composantes. Les uns sont des musulmans arabes, descendants directs de la conquête musulmane. Les autres sont paradoxalement à la fois phéniciens et syriaques… En réalité, chaque communauté veut se démarquer de l’autre à travers une identification par la négative. Ainsi, la définition du chrétien est qu’il n’est pas musulman, et vice versa.

Chacune des communautés a son mythe fondateur, mais il n’y a pas un mythe historique et encore moins religieux les réunissant.

Certaines nations souffrent d’un excès de mythes, d’autres, comme le Liban, souffrent de ne pas en avoir assez.

En réalité, la recherche des royaumes disparus n’aboutit guère à un royaume retrouvé. Ils ont disparu à jamais. L’élixir de jouvence n’est qu’une illusion.

Y aurait-il un moyen de conjurer l’attachement profond à une croyance fictive ?

Pour cela, on pourrait faire appel au philosophe Jacques Derrida et sa théorie de la déconstruction, au mythocritique Mircea Eliade ou bien à l’ethno-anthropologue Claude Lévi-Strauss.

Déconstruire pour mieux reconstruire ?

Démystifier pour démythifier ?

Avoir recours au rationnel pour dompter l’émotionnel ?

Force est de constater que rien de tout cela ne marche au-delà des laboratoires de pensée.

L’expression « Je crois » est une déclaration de foi, une adhésion suprême. « Credere » en latin signifie la confiance.

Cependant, cette déclaration peut être synonyme de doute. Je crois, donc je suis certain. Je crois, donc je ne suis pas sûr…

La certitude et le doute ne sont pas à l’étroit dans un seul et même mot. Pourquoi le seraient-ils dans nos esprits ?

Mythe fondateur ou croyance mythique, dans tous les cas, ils sont synonymes d’une identité commune.

Imperceptible, impalpable, indéfinissable, le mythe est parfois fondateur, et bien plus souvent destructeur. Il joue un rôle prépondérant dans la structuration de l’identité qui est également imperceptible, impalpable, indéfinissable.

L’imperceptible, l’impalpable, l’indéfinissable gèrent nos vies.

Depuis la nuit des temps, l’humanité vacille entre rêve et cauchemar, en marge de la raison.

Ainsi va la mythologie, ainsi va la croyance, ainsi va le monde.

Député

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Tous les pays, toutes les nations, toutes les communautés, sans exception aucune, ont ceci en commun : elles sont basées sur un mythe fondateur. Or, comment un mythe, par définition ni fiable ni vérifiable, peut-il porter sur ses épaules impalpables l’édifice immense de toute une nation ? La réponse rationnelle serait un constat d’impossibilité. Or, en réalité,...

commentaires (2)

Ne pas ignorer les mythes mesopotamiens, dont une partie a servi de base a la Torah et a la Bible, comme l'histoire de Moise, et le Deluge.

M.J. Kojack

01 h 36, le 15 février 2024

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Commentaires (2)

  • Ne pas ignorer les mythes mesopotamiens, dont une partie a servi de base a la Torah et a la Bible, comme l'histoire de Moise, et le Deluge.

    M.J. Kojack

    01 h 36, le 15 février 2024

  • Les cinq premiers livres de l’ancien testament c’est une mythologie , je me demande qui a copié les grecs ou les juifs pour faire une mythologie ?

    Eleni Caridopoulou

    16 h 55, le 14 février 2024

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