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Société - Reportage

Au Liban, ces réfugiés palestiniens qui désapprouvent l'Autorité de Ramallah

« Je demande seulement à l'Autorité palestinienne d'ouvrir la frontière et de nous aider à retourner en Palestine... parce qu'ici, au Liban, nous ne vivons pas. »

Au Liban, ces réfugiés palestiniens qui désapprouvent l'Autorité de Ramallah

Un passant devant une affiche du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas dans le camp de réfugiés palestiniens de Chatila à Beyrouth, le 7 février 2024. Photo João Sousa/L'Orient Today

Alors que l'on parle d'un possible cessez-le-feu à Gaza dans les prochains jours, malgré l'opération nocturne lancée dimanche soir à Rafah par l'armée israélienne, les Palestiniens du Liban qui observent à distance le conflit s'interrogent sur le rôle que pourrait jouer l'Autorité palestinienne, qui gouverne la Cisjordanie occupée et pourrait - selon certaines parties - administrer Gaza une fois que les choses seront rentrées dans l'ordre.

Gaza est actuellement gouvernée par le Hamas, qui a lancé le 7 octobre l'opération surprise « Déluge d'al-Aqsa » contre Israël par voie terrestre, aérienne et maritime, tuant plus de 1 160 Israéliens et capturant plus de 240 otages.

Depuis, Israël a répondu en bombardant Gaza sans relâche, tuant plus de 28 000 Palestiniens et en blessant plus de 67 000, selon le ministère de la santé de Gaza.

Pour mémoire

Dans le camp de Chatila, les Palestiniens oscillent entre peur et espoir

Cinq mois après le début du carnage, le Hamas a proposé, avec la médiation du Qatar, un cessez-le-feu de quatre mois et demi, au cours duquel tous les otages israéliens seraient libérés, Israël retirerait ses troupes de Gaza et un accord serait conclu pour mettre fin à la guerre.

Parallèlement, les États-Unis feraient pression pour que l'Autorité palestinienne (AP) prenne en charge la gestion de Gaza après la guerre. Dans le camp de réfugiés palestiniens de Chatila, à Beyrouth, où vivent plus de 14 000 personnes, les réactions à cette propositions ne sont pas très enthousiastes.

Mahmoud Abou el-Chok, graphiste d'une vingtaine d'années, explique à L'Orient Today qu'il considère l'Autorité palestinienne comme « inexistante ». « Elle n'est même pas officiellement à la table des négociations pour tenter d'obtenir un cessez-le-feu, et nous, les Palestiniens de la diaspora, sommes livrés à nous-mêmes dans des camps à travers le Moyen-Orient. »

Un poster du porte-parole militaire du Hamas, Abou Obeida, dans le camp de réfugiés palestiniens de Chatila à Beyrouth, le 7 février 2024. Photo João Sousa/L'Orient Today

Le camp de Chatila est dirigé de manière informelle par le mouvement palestinien Fateh, dont le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas est le chef.

Dans les ruelles étroites, des photos d'enfants gazaouis tués, de combattants, de Mahmoud Abbas et même d'Abou Obeida, le porte-parole officiel de la branche armée du Hamas, ornent les portes des cafés, des maisons et des magasins.

Appuyant sur le bouton « muet » de son petit téléviseur dans le camp, Dalal Ali Ahmad, réfugiée palestinienne originaire de Safad en Palestine, affirme qu'elle est « chroniquement déprimée depuis l'assaut sur Gaza ».

« L'Autorité palestinienne n'a-t-elle pas de télévision ? Ne voient-ils pas ce qu'il se passe ? Comment se fait-il qu'ils travaillent main dans la main avec les Israéliens ? », demande-t-elle, exprimant sa déception face à des décennies de coordination sécuritaire entre l'Autorité à Ramallah et l’État hébreu

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En vertu des accords d'Oslo de 1993 et 1995, l'Autorité palestinienne est tenue de partager des renseignements avec Israël dans le cadre de sa politique très critiquée de « coordination sécuritaire » et d'aider à contrecarrer la résistance armée des Palestiniens, notamment en contribuant aux arrestations.

« L'Autorité palestinienne et les dirigeants arabes doivent s'unir pour mettre fin à ce génocide, au lieu de coordonner avec Israël », estime Ahmad. Un client entre dans sa supérette. « L'Autorité palestinienne et Israël ne font qu'un », lance-t-il, avant de quitter le magasin, emportant des bouteilles d'eau, des sacs de chips et un paquet de cigarettes.

Un nouvel organe de gouvernance pour Gaza ?

Le plan post cessez-le-feu, principalement poussé par les États-Unis, semble permettre à l'Autorité de Ramallah de gouverner Gaza « de la même manière qu'elle gouverne la Cisjordanie occupée, principalement par le biais de la coordination sécuritaire avec Israël », explique Mohanad Hage Ali, chercheur au Malcolm H. Kerr Carnegie Middle East Center de Beyrouth.

Une affiche du porte-parole militaire du Hamas, Abou Obeida, dans le camp de réfugiés palestiniens de Chatila à Beyrouth, le 7 février 2024. Photo João Sousa/L'Orient Today

Toutefois, ajoute-t-il, l'Autorité palestinienne n'a pas encore de rôle officiel à jouer à Gaza et n'est pas officiellement impliquée dans les négociations de cessez-le-feu puisqu'elle n'est pas engagée dans un conflit armé contre les forces israéliennes.

C'est le cas depuis les années 1990, lorsque l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), dirigée par le Fateh, avait officiellement renoncé à la résistance armée et qu'elle a signé les accords d'Oslo, qui ont conduit à la création de l'Autorité palestinienne.

« Israël tente de s'opposer au maintien du Hamas dans la bande de Gaza après la fin du conflit. Il veut donc gouverner Gaza comme la Cisjordanie occupée, avec une nouvelle approche, et redéfinir la répartition du pouvoir en formant un nouveau gouvernement palestinien », explique M. Hage Ali. « C'est ce qui ressort très clairement des négociations », ajoute-t-il.

Des résidents du camp de réfugiés palestiniens de Chatila, le 7 février 2024 à Beyrouth. Photo João Sousa/L'Orient Today

Mais certains Palestiniens estiment que le gouvernement de Mahmoud Abbas est controversé. Ils l'accusent d'avoir aidé Israël à maintenir son autorité sur la Cisjordanie occupée depuis son accession au pouvoir en 2005, abandonnant la résistance armée. Les forces de sécurité de l'Autorité palestinienne déjouent également les attaques des factions palestiniennes de Cisjordanie contre Israël.

Mahmoud Abou el-Chok, graphiste d'une vingtaine d'années, dans le camp de réfugiés palestiniens de Chatila, le 7 février 2024 à Beyrouth. Photo João Sousa/L'Orient Today

L'Autorité palestinienne recherche généralement une solution à deux États par le biais de négociations. En revanche, le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, ne reconnaît pas le droit à l'existence d'Israël avec qui il est en guerre.

Le chef de l'Autorité palestinienne au Liban n'a pas répondu à plusieurs demandes de commentaires.

Un dirigeant du Hamas au Liban, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, a affirmé pour sa part à L'Orient Today que « pour nous, la guerre vient de commencer et, si Dieu le veut, nous ne permettrons pas à Israël et à ses alliés (en référence à l'AP) de transformer Gaza en une nouvelle colonie israélienne ».

Des questions plus urgentes ?

Entre-temps, le financement de l'agence des Nations unies pour l'aide aux réfugiés palestiniens dans la région (Unrwa) a été menacé lorsque l’État hébreu a affirmé qu'une douzaine de ses employés étaient impliqués dans l'opération du 7 octobre. Selon la directrice de l'agence au Liban, Dorothee Klaus, le travail de l'organisation pourrait prendre fin d'ici le mois de mars.

Ali Houeidi, réfugié palestinien et représentant au Liban du Palestine Return Centre, basé à Londres, affirme que « le moment choisi pour aborder la question de l'Autorité palestinienne n'est pas le bon. Actuellement, l'attention se porte davantage sur la question de l'Unrwa ».

Les habitants de Chatila semblent du même avis. « En fin de compte, je ne crois qu'en la résistance armée contre Israël, l'Autorité de Ramallah et tous ses accords ne signifient rien pour moi », affirme Mahmoud Abou el-Chok, en tirant sur sa cigarette.

Une affiche du porte-parole militaire du Hamas, Abou Obeida, dans le camp de réfugiés palestiniens de Chatila, à Beyrouth, le 7 février 2024. Photo João Sousa/L'Orient Today

« J'attends que les frontières entre le Liban et la Palestine s'ouvrent pour pouvoir aller me battre pour la patrie, et peut-être qu'un jour je pourrai aller m'asseoir sur la plage de ma ville natale, Yaffa, au lieu d'être ici à Chatila.

Mohammad Sayed Issa, âgé d'une vingtaine d'années, possède un petit camion et vend des fruits et des légumes. « Je demande seulement à l'Autorité palestinienne d'ouvrir la frontière et de nous aider à retourner en Palestine... parce qu'ici, au Liban, nous ne vivons pas », dit-il.

Mohammad Abdel Rahman, un ami d'enfance de Mohammad Issa, ajoute : « S'il y avait une véritable Autorité palestinienne, elle aurait fait un coup d'État en Cisjordanie contre Israël (...) lorsqu'elle a vu les atrocités qui se produisaient à Gaza. Mais la Palestine n'a pas de président. Pour moi, Mahmoud Abbas n'existe pas. »

Alors que l'on parle d'un possible cessez-le-feu à Gaza dans les prochains jours, malgré l'opération nocturne lancée dimanche soir à Rafah par l'armée israélienne, les Palestiniens du Liban qui observent à distance le conflit s'interrogent sur le rôle que pourrait jouer l'Autorité palestinienne, qui gouverne la Cisjordanie occupée et pourrait - selon certaines parties - administrer...

commentaires (2)

Toujours le même constat : une contradiction entre ce que veut la population et les autorités gouvernementales. Qu'on vienne pas nous parler de "démocratie" alors qu'elle n'existe nul part !

peacepeiche@gmail.com

14 h 02, le 13 février 2024

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Commentaires (2)

  • Toujours le même constat : une contradiction entre ce que veut la population et les autorités gouvernementales. Qu'on vienne pas nous parler de "démocratie" alors qu'elle n'existe nul part !

    peacepeiche@gmail.com

    14 h 02, le 13 février 2024

  • Ils ont raison faut ouvrir la frontière ( one way ) pour que les réfugiés palestiniens puissent aller chez eux, sans retour , aider à combattre .

    Bardawil dany

    10 h 08, le 13 février 2024

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