
Un magasin calciné dans le camp de réfugiés palestiniens de Aïn el-Héloué, au Liban-Sud, le 8 septembre 2023, après une nuit d’affrontements entre factions palestiniennes. Photo Mountasser Abdallah
Jeudi soir, le camp palestinien de Aïn el-Héloué, à la lisière de Saïda au Liban-Sud, s’est de nouveau embrasé. Des affrontements ont éclaté entre le mouvement Fateh, proche du président palestinien Mahmoud Abbas, et le groupe islamiste Jund el-Cham, forçant des centaines d’habitants à prendre la fuite. Après à peine douze heures d'un cessez-le-feu décrété dans la soirée de vendredi, les affrontements ont à nouveau repris samedi matin, faisant au moins deux morts.
Cette dernière escalade survient après des affrontements violents, qui ont duré plusieurs jours en juillet, entre le Fateh et des factions islamistes, et qui ont fait 13 morts.
Aïn el-Héloué, le plus grand camp de réfugiés palestiniens au Liban, accueille environ 80 000 des 250 000 réfugiés palestiniens dans le pays.
En vertu de l’accord du Caire signé en 1969 (mais abrogé depuis), l’armée libanaise ne se déploie pas à l’intérieur des camps palestiniens du Liban, où la sécurité est assurée par des factions palestiniennes, dans un contexte régional de plus en plus complexe.
Interrogé par L’Orient-Le Jour, Imad Salamé, professeur en relations internationales à la Lebanese American University (LAU), explique que la reprise des affrontements pourrait être liée aux efforts de normalisation entre l’Arabie saoudite et Israël. Ces combats interviennent également au moment où l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas a demandé à Riyad d’inclure ses exigences dans les négociations indirectes avec l’État hébreu.
Des habitant du camp palestinien de Aïn el-Héloué qui ont dû fuir leurs habitations, le 8 septembre 2023 à Saïda. Photo Mountasser Abdallah
Comment expliquer la reprise des combats interpalestiniens à Aïn el-Héloué après l’accalmie des dernières semaines ?
La question palestinienne est assez compliquée. Les États-Unis tentent de trouver une solution politique au conflit arabo-israélien de manière générale, notamment au conflit qui oppose les Palestiniens à l’État hébreu, le tout dans le cadre d’une intervention saoudienne, ce qui a donné lieu à une crise interpalestinienne et régionale, car il y a des pays qui ne veulent pas de cet accord.
La situation dans les camps palestiniens du Liban va s’aggraver, surtout à Aïn el-Héloué, où se trouvent différentes forces politiques rivales.
Voilà pourquoi Mahmoud Abbas a adopté dernièrement un ton diplomatique (lors de ses discussions avec Riyad, NDLR), loin de la confrontation, ce qui ne plaît pas au Hamas, aux islamistes extrémistes et aux Iraniens et leurs alliés, que ce soit le Jihad islamique ou encore le Hezbollah.
Il y a de plus en plus de tentatives pour limiter le rôle du Fateh dans les camps et imposer d’autres référents en matière de sécurité.
Quelles répercussions l’instabilité au sein du camp de Aïn el-Héloué peut-elle avoir sur le Liban ?
Ce qui se passe à Aïn el-Héloué est dangereux car plus les référents sécuritaires du camp sont nombreux, plus la situation sera difficile à contrôler. Si le camp ne retrouve pas une certaine stabilité, le conflit pourrait s’étendre à d’autres camps, comme Bourj el-Brajné ou Chatila (dans la banlieue de Beyrouth), par exemple. Il faudra alors s’attendre à ce que n’importe qui (parmi les acteurs politiques du pays) intervienne dans ce conflit.
Plus il y a d’instabilité, plus les répercussions négatives seront énormes, que ce soit pour les habitants du camp ou pour la cause palestinienne en général.
On ne peut pas séparer ces incidents de la politique. À chaque fois qu’il y aura un rapprochement politique avec Israël, on assistera à une escalade à Aïn el-Héloué ou dans les autres camps.
Peut-on espérer, un jour, le désarmement des factions palestiniennes dans les camps du Liban ?
Si l’insécurité s’étend à Aïn el-Héloué et que la situation devient hors de contrôle, on risque, à terme, de réitérer le scénario de 1975 (date du début de la guerre civile au Liban). Ce scénario est peu probable dans l’immédiat, mais les camps sont de véritables poudrières.
Il ne faut pas oublier que Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général (FPLP-CG, proche du régime syrien) a des bases militaires au Liban (dans la Békaa et à Haret el-Naamé, sur le littoral du Chouf), par exemple.
Sur le plan légal, l’accord du Caire a été rendu caduc par la résolution 1559 de l’ONU (qui appelle entre autres au désarmement des milices libanaises et non libanaises au Liban), mais ces résolutions n’ont jamais été appliquées.
Y aura-t-il à un moment une volonté politique capable de désarmer les camps et de faire régner la souveraineté libanaise ? Ce sujet est assez complexe et fait l’objet d’oppositions libanaises, syriennes et palestiniennes.
Il faut chercher le seul bénéficiaire de ces gué guerres. Il est là à les anéantir pour prétendre être le seul défenseur de leur cause depuis notre territoire et les garde sous la main pour (au cas où). Les palestiniens comme leurs soit disant défenseurs ont causé durant ces décennies plus de morts de palestiniens que leur ennemis attitrés. Faisons les comptes.
09 h 47, le 10 septembre 2023