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Chaudes croisières

Jamais la diplomatie n’est plus active que quand elle se déploie sur fond de canonnade, comme en témoigne l’incessant chassé-croisé de ministres des AE autour du bouillonnant chaudron de Gaza. À cela rien d’étonnant puisque, selon l’illustre formule de Clausewitz, la guerre n’est au fond que la continuation de la politique par d’autres moyens.


Suivant de peu le Britannique David Cameron, Antony Blinken et Stéphane Séjourné sont les vedettes du moment. À quelques nuances près, à des degrés divers d’engagement et de clarté, l’Américain et le Français s’assignent apparemment les mêmes objectifs. En tête de ceux-ci figure un arrêt des hostilités qui permettrait l’acheminement de l’aide humanitaire aux assiégés de Gaza et un échange de prisonniers et d’otages, mais que la France souhaiterait durable, pour ne pas dire définitif. Les deux hommes se disent également soucieux d’éviter un élargissement du conflit à la région tout entière, encore que les Américains ne se privent guère de riposter durement aux attaques des milices pro-

iraniennes au Yémen, en Syrie et en Irak. Et pour finir, tous ces brûlots courant comme feu follet entre Méditerranée et mer Rouge n’empêchent guère Washington et Paris de songer déjà à l’après-Gaza.


Toujours est-il qu’Antony Blinken en est à sa cinquième tournée dans la région depuis le début du conflit. Doit-on dès lors se pâmer d’admiration devant l’énergie et la persévérance dont fait montre le lointain successeur du phénomène Kissinger ? Faut-il au contraire n’y voir que la lamentable impuissance du colosse US à faire ployer Benjamin Netanyahu ? Nommé tout récemment à son poste, à peine rentré d’un baptême du feu à Kiev puis à New York, c’est à la dure, tambour battant, que de son côté, le jeune locataire du Quai d’Orsay doit faire ses classes dans cet Orient compliqué qui a contraint bien des négociateurs à déclarer forfait.


Pour ce premier tour de piste sous nos latitudes, Stéphane Séjourné n’a certes pas démenti ses réelles qualifications. Au fil de ses escales, il a refusé tout déplacement forcé de la population de Gaza vers l’Égypte. Il a condamné en outre les intolérables violences des colons ainsi que les appels aux crimes de guerre émanant de source responsable. Le ministre a aussi réaffirmé avec force l’indissociable unité de destin entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, sous l’égide d’une Autorité palestinienne renouvelée ; mais au fait, tout progrès vers la paix ne commande-t-il pas aussi, en parallèle, une sérieuse évolution des esprits du côté d’Israël, actuellement gouverné par l’équipe la plus radicale de son histoire ? Et n’est-il pas grand temps que ces choses-là soient dites publiquement, haut et clair, comme pour les Palestiniens ?


Au Liban où il clôturait son périple hier, Stéphane Séjourné s’est surtout affairé à alerter les dirigeants sur les risques chaque jour accrus d’une guerre totale. Il convoyait en fait un sévère avertissement israélien, dont il ressort que le temps presse pour une éventuelle désescalade négociée à l’amiable. Mais que sert-il de secouer les puces à un pouvoir légal libanais n’ayant aucune prise sur les événements et qui jure ses grands dieux qu’il ne veut surtout pas de la guerre ?


N’allez pas croire pour autant qu’en ces temps d’intense trafic diplomatique on passe le reste de la journée, au palais Bustros, à bayer aux corneilles ou à chasser les mouches. Le ministère des AE n’a pas perdu de temps en effet pour adresser une vigoureuse protestation au Foreign Office, dont le chef avait jugé superflu d’inclure son homologue libanais à son carnet de bal, lors de sa récente visite à Beyrouth.


On l’a échappé belle, dormez tranquilles, l’honneur national est sauf !

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Jamais la diplomatie n’est plus active que quand elle se déploie sur fond de canonnade, comme en témoigne l’incessant chassé-croisé de ministres des AE autour du bouillonnant chaudron de Gaza. À cela rien d’étonnant puisque, selon l’illustre formule de Clausewitz, la guerre n’est au fond que la continuation de la politique par d’autres moyens.Suivant de peu le...