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Politique - Liban-Sud

100 jours de conflit au Liban-Sud : les principaux chiffres

Au 100e jour des combats entre Israël et le Hezbollah, L'Orient-Le Jour montre comment cette guerre qui ne dit pas son nom a eu un impact sur le Liban, son économie, ses villages et sa population.

100 jours de conflit au Liban-Sud : les principaux chiffres

Un mur frappé par un obus israélien à Aita al-Shaab, le 27 novembre 2023 (Photo Olivia Le Poidevin / L'Orient-Le Jour)

Depuis 100 jours, le Liban-Sud est le théâtre d'échanges quasi quotidiens de frappes entre le Hezbollah et l'armée israélienne. Des dizaines de milliers de familles ont fui leur domicile et plusieurs civils ont été tués par des frappes menées par l'Etat hébreu. L'Orient-Le Jour évalue l'impact de cette guerre qui ne dit pas son nom sur le pays, son économie, ses villages et ses habitants.

Wafika et Hassan Jawad, deux Libanais du Sud, au milieu des ruines de leur maison détruite dans un bombardement israélien à Aïta al-Chaab, le 27 novembre 2023. (Photo Olivia Le Poidevin / L'Orient-Le Jour)

Qui sont les déplacés au Liban ?

82.012 personnes ont été déplacées depuis le début des combats entre le Hezbollah et l'armée israélienne le 8 octobre 2023, selon les dernières données publiées par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) des Nations unies. Près d'une personne sur cinq contrainte de quitter son domicile est un enfant.

Les données montrent qu'en l'espace d'une semaine, du 7 au 14 novembre 2023, le nombre de déplacés a doublé, passant de 26.323 à 46.325 personnes. On constate également une hausse substantielle entre début décembre 2023 et début janvier 2024, avec 18.083 personnes supplémentaires quittant leur domicile.



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D'où fuient-ils ?

La majorité des personnes déplacées proviennent de trois cazas le long de la frontière-sud du Liban avec Israël : Bint Jbeil (47 %), Marjeyoun (34 %) et Tyr (12 %). Au cours de la dernière semaine, 3 118 nouveaux déplacements ont été enregistrés dans les secteurs de Bint Jbeil, Nabatiyé, Marjeyoun, Hasbaya, Baabda et Tyr. Selon l'OIM, il se peut qu'ils soient en déplacement pour la première ou la deuxième fois.

Où vont-ils ?

Ils se sont réinstallés dans huit districts à travers le pays. Le mohafazat de Tyr a accueilli un tiers des déplacés, soit 24.317, suivi de Nabatiyé et Saïda.

Environ 81 % des personnes déplacées vivent actuellement dans des familles d'accueil, tandis que 16 % se trouvent dans des logements loués. Cependant, comme l'a rapporté précédemment L'Orient-Le Jour, une hausse des prix des loyers a rendu cette option inabordable pour de nombreuses familles.

Parmi les déplacés se trouvent des Syriens, qui avaient déjà fui la guerre en Syrie vers le Liban et se voient contraints de devoir fuir à nouveau.

L'impact de la guerre sur l'agriculture

Depuis le 8 octobre 2023, le secteur agricole au Liban-Sud a été en partie dévasté. Région aux terres fertiles avec des conditions idéales de croissance, le Liban-Sud produit 22 % des fruits et agrumes du pays et 38 % de ses olives, selon le ministère libanais de l'Économie. L'agriculture est un secteur économique important, représentant jusqu'à 80 % du PIB de la région du Liban-Sud, selon un rapport du PNUD publié en décembre 2023.

Les confrontations militaires entre le Hezbollah et l'armée israélienne ont débuté au coeur de la saison de la récolte des fruits et des olives. De nombreux travailleurs agricoles, comme Joud à Aïtaroun, ont dû fuir leur domicile pour se mettre en sécurité, alors que les bombardements israéliens s'intensifiaient.

Le Tahrir Institute for Middle East Policy note "qu'il s'agit de la première fois que des zones agricoles au Liban ont été ouvertement et largement ciblées" par des frappes israéliennes, parfois avec des munitions au phosphore blanc. Il ajoute qu'Israël semble "viser délibérément des zones de végétation totalement dépourvues de cibles militaires" dans le but de "causer des dommages environnementaux et économiques graves". L'Etat hébreu a démenti de son côté l'utilisation de munitions au phosphore blanc au Liban, malgré plusieurs rapports émanant notamment de Human Right Watch affirmant le contraire.

Les dernières données de la plateforme nationale de système d'alerte précoce du Liban montrent que jusqu'au 1er janvier 2024 environ 8 millions de m2 (800 hectares) de terres ont connu des incendies "résultant d'attaques israéliennes".


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Plus tôt, le 16 novembre 2023, des enquêtes sur le terrain menées par le Conseil national de la recherche scientifique (CNRS) indiquent que 5 140 000 m2 de terre ont été brûlés par le phosphore blanc et les bombes éclairantes au Liban-Sud. Selon le ministre sortant de l'Agriculture Abbas Hajj Hassan, au moins 50.000 oliviers ont été perdus. Le Tahrir Institute suggère qu'un cinquième des bénéfices nationaux de la production d'olives ont été affectés par les pertes potentielles de la récolte d'olives, qui s'élèvent généralement à 23 millions de dollars d'exportations, selon les données de 2020.

Rosa Srour regardant par une fenêtre de sa maison endommagée par une frappe aérienne israélienne à Aita al-Shaab, dans le sud du Liban, le 27 novembre 2023 (Photo Olivia Le Poidevin / L'Orient-Le Jour)

Les dégâts occasionnés aux villages

91 villages à proximité de la frontière ont été la cible d'attaques menées par l'armée israélienne depuis le début de la guerre, et des dizaines de bâtiments ont été complètement détruits, selon un rapport du PNUD publié le 19 décembre 2023. Les infrastructures ainsi que les services économiques et sociaux ont été sérieusement touchés.

Les données de L'Orient-Le Jour indiquent que Aïta al-Chaab, Yaroun et Meiss al-Jabal ont été les trois villages les plus ciblés au Liban-Sud.

"Un tiers des maisons de Aïta al-Chaab ont été endommagées", provoquant "l'exode de centaines de familles vers des régions plus sûres", a déclaré un membre du conseil municipal du village, sous couvert d'anonymat.

"Les zones en question sont situées à moins de trois kilomètres de la frontière, et donc dans le périmètre des cinq kilomètres défini par les règles d'engagement", a expliqué le général Amine Hoteit, ancien officier de l'armée et stratège militaire proche du Hezbollah. "Elles sont situées en face des postes militaires israéliens" a-t-il ajouté, soulignant qu'elles font partie d'une zone délimitée comprenant 14 villages entre Naqoura et Mtolleh.

L'impact économique de la guerre sur le Liban

En décembre 2023, le Programme des Nations unies pour le développement, la Banque mondiale et le Lebanon Economic Monitor ont exprimé leurs préoccupations quant à l'impact de la guerre sur l'économie déjà fragile du Liban, alors que le pays est en proie à une crise économique historique depuis l'automne 2019, qui a entraîné la chute de la monnaie nationale face au dollar et une inflation galopante.

Le Liban, aux côtés de la Jordanie et de l'Égypte, pourrait connaître une perte de 2 à 4% de son PIB en raison de la guerre, a souligné le PNUD dans son rapport de décembre. Une telle chute du PIB au cours des trois mois écoulés depuis le 7 octobre 2023, au début de la guerre, constituerait "une perte massive", a précisé son directeur régional Abdallah al-Dardari.

Cette photo prise depuis une position le long de la frontière nord d'Israël le 25 décembre 2023 montre de la fumée dans le village libanais d'Odaisseh à la suite des bombardements israéliens. (Photo Jalaa Marey / AFP)

Dans son rapport, la Banque mondiale rappelle que le conflit de 2006 au Liban qui a vu le Hezbollah et l'armée israélienne s'affronter durant 34 jours, a entraîné une "perte de production économique de 10,5 % du PIB et des dégâts directs et indirects estimés à 3,1 milliards de dollars".

Une escalade du conflit pourrait avoir un "impact grave et durable sur les infrastructures déjà fragiles du Liban dans les secteurs de l'électricité, de l'eau et des transports", estime quant à lui le Lebanon Economic Monitor (LEM).

Les moments clés du conflit :

7 octobre 2023 : Le Hamas lance son assaut sur Israël avec l'opération « Déluge d'al-Aqsa ».

8 octobre : Le Hezbollah et l'armée israélienne commencent à échanger des tirs aux abords de la frontière.

13 octobre : Le journaliste de l'agence Reuters Issam Abdallah, 37 ans, est tué. La photographe de l'Agence France-Presse Christina Assi, 28 ans, est grièvement blessée, ainsi que cinq autres journalistes, à un peu plus d'un kilomètre de la frontière israélienne près du village de Alma al-Chaab. Une enquête de Reuters révèle que Issam Abdallah a été tué par des tirs de chars israéliens.

19 octobre : Un civil accompagné d'une équipe de journalistes est tué par des "tirs de mitrailleuse israélienne" à Houla, selon l'armée libanaise.

3 novembre : 1er discours de Hassan Nasrallah depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas. Le chef du Hezbollah n'évoque pas une escalade imminente, mais indique que le parti pourrait recourir à des « options à tout moment. »

4 novembre : Le Premier ministre sortant Nagib Mikati demande au secrétaire d'État américain Antony Blinken et à la communauté internationale de « faire pression sur l'Etat hébreu pour qu'il cesse ses violations quotidiennes du territoire libanais. »

5 novembre : Une frappe de drone israélien touche une voiture civile sur la route reliant Aïtaroun à Aïn Ebel, tuant trois fillettes, Rima Mahmoud Chour, 14 ans, ses sœurs Taline, 12 ans, et Layane, 10 ans, ainsi que leur grand-mère Samira Abdel Hussein Ayoub. Leur mère, Hoda Hijazi, a été blessée et transportée à l'hôpital. Nagib Mikati a aussitôt condamné un "crime odieux". Le 6 novembre, le Liban a déposé une plainte auprès du Conseil de sécurité des Nations unies pour le "meurtre d'enfants et de civils" par Israël au Liban-Sud.

21 novembre : Les journalistes Farah Omar, 25 ans, et Rabih Maamari, 39 ans, de la chaîne pro-Hezbollah al-Mayadeen, ainsi qu'un civil qui les accompagnait, Hussein Akil, sont tués lors d'un bombardement israélien de la zone frontalière de Tayr Harfa. Le même jour, Laïqa Sarhan, âgée de 80 ans, est tuée et sa petite-fille de sept ans blessée dans une frappe israélienne à Kfar Kila.

22 novembre : Cinq personnes sont tuées à Beit Yahoun (secteur de Bint Jbeil), dont le combattant du Hezbollah Abbas Mohammad Raad, fils du député Mohammad Raad, à la tête du groupe parlementaire du parti chiite.

1er décembre : Une mère et son fils, membre du Hezbollah, sont tués lorsqu'une frappe israélienne frappe leur maison à Houla. Une autre personne est tuée et trois autres sont blessées lors d'une autre frappe aérienne israélienne sur une maison à Jibbain.

10 décembre : Les frappes israéliennes causent d'importants dégâts dans le village d'Aitaroun (Bint Jbeil). La route principale reliant les villages de Qantara et Taybeh (Marjayoun) est également endommagée.

20 décembre : Des bombardements israéliens à Markaba tuent un homme de 70 ans et blessent d'autres personnes. De plus, des tirs de sniper israéliens tuent un civil dont la voiture était en panne sur une route près de Wazzani, Khiam et Kfar Kila dans le district de Marjayoun. Le même jour, des frappes israéliennes touchent une maison à Blida, à proximité des funérailles d'un membre du Hezbollah.

21 décembre : Une femme est tuée et deux autres sont blessées lors d'un bombardement israélien visant leur maison à Maroun al-Ras.

2 janvier 2024 : Le numéro 2 de la branche politique du Hamas, Saleh el-Arouri, est assassiné dans la banlieue sud de Beyrouth, aux côtés d'autres responsables et cadres du Hamas et de la Jamaa Islamiya. Le Hezbollah et le Premier ministre sortant Nagib Mikati accusent Israël d'être derrière l'attaque.

5 janvier : Dans un discours, Hassan Nasrallah met en garde contre le fait que le Liban pourrait être "exposé" à davantage d'attaques israéliennes.

6 janvier : Le Hezbollah affirme avoir frappé la base de surveillance aérienne de Meron en Israël avec 62 missiles en réponse à l'assassinat du leader principal du Hamas, Saleh al-Arouri, et d'autres membres du Hamas et de la Jamaa Islamiya.

8 janvier : Un commandant du Hezbollah, Wissam Tawil, est tué lors d'une frappe israélienne visant son véhicule à Kherbet Selm, dans le sud du Liban.

11 janvier : Le Hezbollah accuse Israël d'avoir frappé un de ses centres médicaux à Hanine, tuant deux personnes et en blessant d'autres.

Depuis 100 jours, le Liban-Sud est le théâtre d'échanges quasi quotidiens de frappes entre le Hezbollah et l'armée israélienne. Des dizaines de milliers de familles ont fui leur domicile et plusieurs civils ont été tués par des frappes menées par l'Etat hébreu. L'Orient-Le Jour évalue l'impact de cette guerre qui ne dit pas son nom sur le pays, son économie, ses villages et ses...

commentaires (1)

Aux morts et blessés, il faut donc ajouter: - 82 000 personnes déplacées - 24 hectares d'oliviers incendiés - 5 140 000 m2 de terre brûlés Et Nasrallah ose nous dire que tout cela est dans "l’intérêt national" du Liban!

Yves Prevost

07 h 29, le 16 janvier 2024

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Commentaires (1)

  • Aux morts et blessés, il faut donc ajouter: - 82 000 personnes déplacées - 24 hectares d'oliviers incendiés - 5 140 000 m2 de terre brûlés Et Nasrallah ose nous dire que tout cela est dans "l’intérêt national" du Liban!

    Yves Prevost

    07 h 29, le 16 janvier 2024

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