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La guerre dans la guerre

Vouée à être celle des grands dilemmes, c’est effectivement sur les chapeaux de roue qu’aura démarré l’année nouvelle. Car l’attentat au missile qui a tué, mardi à Beyrouth, le numéro deux du Hamas et plusieurs autres cadres de cette organisation ouvre un volet supplémentaire dans le chapelet de guerres parallèles dont Gaza est l’objet : celui de l’arme terroriste ouvertement brandie par Israël contre ceux-là mêmes qu’il taxe de terrorisme.


Ce mode opératoire n’a pourtant rien d’inédit ; il y a déjà longtemps en effet que l’État hébreu est passé maître dans les assassinats ciblés. Il ne revendique que fort rarement la paternité de ces innombrables liquidations, l’essentiel étant pour lui que passe le message, que tout un chacun se rende compte du bras extralong dont il se flatte. Ce qui a changé cependant, c’est que l’attentat de mardi survient au plus fort d’une conflagration revêtant déjà des proportions dantesques dans son épicentre de Gaza. Bien que largement annoncé à l’avance, ce développement augure donc d’une phase où tous les coups semblent désormais permis de part et d’autre. Par un de ces paradoxes que recèle la cynique loi de la guerre, voilà donc que la mort d’un stratège hors pair (mais qui sera inexorablement remplacé) pèse au moins aussi lourd, au sein des états-majors comme dans les médias, que les milliers de cadavres anonymes déjà retirés de sous les ruines fumantes de Gaza…


Dans cette guerre sale à l’intérieur d’une guerre non moins répugnante, l’ennemi israélien a certes pour lui la supériorité technologique. Les réseaux d’écoute du Mossad et du Shabak, les missiles intelligents et même l’intelligence artificielle ne peuvent toutefois expliquer à eux seuls le minutieux timing, l’extrême précision, la diabolique efficacité de la frappe qui a emporté Saleh el-Arouri et ses compagnons sans le moindre dommage collatéral. Car c’est une autre forme non moins ravageuse d’intelligence, dite intelligence avec l’ennemi, qu’incarnent les taupes notoirement plantées par Israël au sein des groupes de résistance, et qui ont pour fonction essentielle de confirmer que le gibier est bien là, sur les lieux et au moment prévus. Les milices seraient bien inspirées de s’en soucier, plutôt que de lancer à la volée des accusations de trahison contre quiconque ne souscrirait pas sans réserve à leurs aventures militaires.


Comme il l’avait déjà fait savoir en début de semaine, le chef du Hezbollah s’est engagé hier à relever le gant, à laver sur le champ de bataille cet affront qu’était pour lui un raid exécuté au cœur de son inviolable fief, la banlieue sud de Beyrouth. Hassan Nasrallah a aussi égrené une nouvelle fois les profits que tire, selon lui, le Liban du front de soutien à Gaza qu’il a ouvert à la frontière méridionale. De son apparition télévisée cependant, on relèvera surtout ces deux autres points. Évoquant le fiévreux carrousel diplomatique dont le Moyen-Orient est actuellement le théâtre, il a exclu toute négociation sur la délimitation des frontières terrestres aussi longtemps que n’aurait pas pris fin l’agression contre Gaza. Ah ! qu’en termes galants il nous est signifié qu’une telle éventualité pourra, au contraire, être envisagée après la fin du conflit ; voilà en tout cas de quoi rassurer passablement les citoyens qui s’effarent non sans raison des risques d’une confrontation tous azimuts avec un ennemi surpuissant. Non moins significatifs sont enfin les encouragements, mais aussi les appels à la patience, la résilience et l’entraide qu’a prodigués le leader chiite à sa propre base populaire, notamment les habitants de la région sud durement éprouvés par les pertes humaines et matérielles découlant du conflit.


Il est vrai que dans toute sage gestion de la guerre, le fracas de la canonnade ne doit pas couvrir les plaintes, murmures et grognements s’échappant parfois du front interne.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Vouée à être celle des grands dilemmes, c’est effectivement sur les chapeaux de roue qu’aura démarré l’année nouvelle. Car l’attentat au missile qui a tué, mardi à Beyrouth, le numéro deux du Hamas et plusieurs autres cadres de cette organisation ouvre un volet supplémentaire dans le chapelet de guerres parallèles dont Gaza est l’objet : celui de l’arme terroriste...