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Lifestyle - Gastronomie

De « Soma » à « Sama », les aventures japonaises et libanaises de Marwan Rizk, à une voyelle près

Le restaurateur revient sur son parcours d’entrepreneur qui renouvelle avec élan et créativité la restauration française, nippone ou libanaise, dans des établissements parisiens de renom.

De « Soma » à « Sama », les aventures japonaises et libanaises de Marwan Rizk, à une voyelle près

Marwan Rizk, entrepreneur et restaurateur libanais. Photo DR

Chez Marwan Rizk, la restauration est une question de transmission, lui le petit-fils des fondateurs de l’hôtel Gebeili d’Aley. « Ma grand-mère était l'une des dernières descendantes de cette famille, l’une des sept anciennes familles de Beyrouth », précise l’entrepreneur. « Mon père l’a tenu jusqu’en 1975, puis il y a eu la guerre… J’ai baigné dans cette atmosphère de maison libanaise ouverte à tous, et lorsque j’étais adolescent à Paris, où je suis arrivé à l’âge de 8 ans, j’ai rapidement commencé à travailler dans des restaurants ou des boîtes de nuit. Ce qui m’intéresse depuis toujours, c’est le contact avec une clientèle variée, qui est là pour le plaisir et qui se livre facilement », poursuit-il. C’est au cours de ses études d’hôtellerie à Lausanne qu’il a pu redécouvrir ses racines libanaises. « Dans mon enfance, je fuyais un peu mes origines, et j’avais surtout des amis français. En retrouvant des compatriotes durant mes études, je me suis rendu compte que j’avais oublié la langue, et aussi qui j’étais. » « J’ai débuté ma carrière en remettant à flot des affaires en pleines turbulences. »

Première intervention, de concert avec la famille Innocenti,  auprès du restaurant Livio à Neuilly, dont le fils du propriétaire était un ami à lui. « J’ai œuvré à la modernisation de l’établissement pour assurer la transition entre deux générations, tout en amortissant le passage à l’euro et les 35 heures… »  explique-t-il, avant de mentionner le premier restaurant, italien, Gadjo lilo, qu’il a racheté avec un ami, à quelques mètres du consulat du Liban, avenue Malakoff. « Nous avons remis en route la maison et ça a marché. Au bout d’un an, je me suis lancé dans un bistrot français, Les Bouffes de l’hôtel de ville, où l’on servait une cuisine classique, des ravioles, des bavettes aux échalotes. Tout était fait maison mais le but était d’y amener de la vie. On avait surtout une clientèle d’hommes politiques et de quartier. » L’aventure a duré 9 ans pour celui qui tient à rappeler qu’il n’est pas chef, mais qu’il aime créer des recettes. « Je sais gérer et accueillir. En même temps, je suis un jouisseur qui a la connaissance du goût, et un palais acéré. Il m’arrive de cuisiner pour partager des idées mais je n’ai pas les compétences techniques. » Dans l’étape suivante de son parcours, il interviendra lors de la succession du Bistrot du Parc de Boulogne, entre un père et son fils. Même la Brasserie Lorraine a fait appel à ses services de réorganisation, mais l’offre alléchante n’a pas suffi à le convaincre.

Au début des années 2010, Marwan Rizk a en tête de transformer en hôtel la maison familiale de la rue Sursock, en face du palais d’Yvonne Cochrane. « Cette dernière ayant fait rédiger une loi de protection de l’immobilier, nous avons été bloqués dans nos projets. J’ai alors essayé de me lancer dans l’importation d’une viande française de qualité au Liban, où il n’y avait que de l’australienne surgelée. Je voulais livrer les grands restos français qui ouvraient à Sodeco, mais je n’ai pas obtenu une garantie des douanes que mes produits ne seraient pas bloqués », se souvient l’entrepreneur. Nonobstant la multitude de ses idées – un restaurant puis une sandwicherie à Achrafieh notamment -, les projets ne se concrétisent pas.

De Soma…

Trois ans après sa malheureuse expérience libanaise, Marwan Rizk revient à Paris et poursuit ce qu’il sait faire : réparer des affaires familiales qui périclitent. « Une amie voulait sauver deux des treize sociétés que gérait son père, avant leur liquidation. L’une des deux était un grand parking à Passy, un peu comme un hôtel de voitures  ; nous avons réussi à tout remettre aux normes.

Soma, comme un goût de Japon au Marais. Photo DR

Puis l’aventure Soma a commencé », annonce le restaurateur. À Paris, Soma est un des premiers Izakayas, ces bars japonais traditionnels où il fait bon déguster d’authentiques tapas nipponnes, accompagnées de saké ou de bière. « J’ai rejoint Soma dans le Marais, en 2016. À l’époque, seuls les sushis étaient à la mode. Un deuxième Soma a suivi, dans le 9e arrondissement, rue Milton, puis nous avons dû revoir notre modus operandi au moment du Covid-19 » , souligne-t-il. Le service d’un Izakaya se préparant à la minute, il était impossible d’envisager des ventes à emporter, qui avaient le vent en poupe. Rizk a donc fondé une troisième maison japonaise, rue de Vaugirard : Soma Sando, le deuxième établissement du genre à Paris. « Il s’agit de sandwichs japonais à base de pain de mie shokupan, garnis d’œufs durs et de mayonnaise, caractéristiques de ce que l’on mange dans un train japonais. Ils peuvent être servis avec du porc Ton Katsu, pané, une sauce aigre-douce et un peu de chou blanc par exemple », décrit le fondateur d’un restaurant dont les sandos ont été reconnus comme les meilleurs de Paris à plusieurs reprises.

À Soma, des saveurs tout en finesse.Photo DR

… À Sama

Après le Japon, retour aux sources. Début octobre 2023, Marwan Rizk, Louloua al-Rachid et Karim Haidar ouvrent Sama, un restaurant libanais type brasserie de haute volée, qui a bénéficié d'un accueil enthousiaste. Tout a commencé dans le Chouf, lorsque Louloua al-Rachid, politologue spécialisée dans le Moyen-Orient et passionnée de cuisine levantine, propose un projet de restaurant à l’entrepreneur. Lorsque ce dernier rencontre le chef Karim Haidar, l’ensemble commence à prendre forme et le trio se lance dans la conception de Sama, qui signifie ciel en arabe. L’une apporte une vision globale de la cuisine levantine, l’autre une expérience intéressante de la restauration gastronomique ; quant à Haidar, c’est son savoir-faire dans l’art de la table, à la fois technique, inventif et avant-gardiste qui est bienvenu.

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« Nous avons souhaité moderniser le mezzé, qui à la base, et comme on le sait, est une formule proche des tapas accompagnée d’un verre d’arak en apéritif, avant de devenir pléthorique. L’idée est de reprendre des goûts, des marqueurs, des ingrédients, et de bien les sourcer, grâce à Karim. Puis nous trouvons une façon moderne de les accommoder et de les présenter, sans dénaturer le produit ou sortir de la région», explique Marwan Rizk, rappelant que c’est lui qui a défendu la réinvention de la « batata harra » .

L'équipe de Sama, Louloua al-Rachid, Marwan Rizk et Karim Haidar. Photo DR

« Au Liban, c’est une pomme de terre grossièrement coupée en dés, sautée, accommodée avec du piment et de l’ail. Nous avons imaginé un mille-feuilles de pommes de terres confit à la coriandre et à l’ail, servi avec notre préparation d'ail et du piment d’Alep ». Autre création à succès, créée par les deux amis, la labné servie avec de la poutargue, de l’origan frais et des artichauts frits à la romaine. La clientèle visée est avant tout celle du 11e arrondissement, en peine évolution, et où l’uniformisation parisienne n’est pas encore effective, d’où un vivier de clients variés qui reviennent et manifestent leur satisfaction sur les réseaux sociaux. La clientèle libanaise est également au rendez-vous, avec ses grandes tables conviviales et bien garnies.

En dépit du succès rapide de Sama, Marwan Rizk n’a pas renoncé à son idée d’hôtel dans le quartier Sursock. « Je suis en négociation avec un exploitant potentiel. Notre maison familiale a été construite par des hôteliers, et elle est facile à transformer en hôtel, avec ses dépendances. Il y a de quoi imaginer 30 chambres. Ma culture profonde est libanaise, et ce serait mon projet de vie de concrétiser ce rêve, mais je dois essayer de ne pas lui donner trop d’importance », conclut Marwan Rizk, qui comme beaucoup de Libanais, connaît bien le risque des espoirs déçus.

Chez Marwan Rizk, la restauration est une question de transmission, lui le petit-fils des fondateurs de l’hôtel Gebeili d’Aley. « Ma grand-mère était l'une des dernières descendantes de cette famille, l’une des sept anciennes familles de Beyrouth », précise l’entrepreneur. « Mon père l’a tenu jusqu’en 1975, puis il y a eu la guerre… J’ai baigné...

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