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Nos Lecteurs ont la Parole

L’évolution de la langue arabe à travers les poètes préislamiques

Depuis la nuit des temps, les tribus arabes, dotées d’un esprit vif et d’une imagination fertile, ont toujours manifesté un attachement particulier à l’art de la parole et de la versification. Un proverbe arabe soutient que la beauté d’un homme réside dans la pureté de sa verve linguistique. Il était fréquent, dans l’Arabie préislamique, où de nombreuses guerres et razzias opposaient brutalement les diverses tribus, d’observer périodiquement une trêve générale de paix et de sérénité. Durant ces périodes d’accalmie, les tribus se livraient avec enthousiasme aux joutes oratoires des poètes.

La Mecque, en tant que pivot de toute l’Arabie, attirait d’innombrables poètes de chaque coin de la vaste étendue désertique. Spécifiquement, lors du pèlerinage au sanctuaire de la Kaaba, les tribus se rassemblaient pour participer aux compétitions d’esthétisme linguistique. La verve poétique était déclamée avec puissance et éloquence devant un public en transe. Cette célébration de la parole se déroulait vraisemblablement sous une tente somptueuse avec un jury composé des plus illustres poètes arabes. La plus haute distinction poétique était attribuée au poète capable de manier avec virtuosité et ingéniosité des vers rythmiques, créant ainsi une harmonie lyrique capable d’éveiller de manière la plus dense et intense l’émotion et la passion de l’auditoire.

Les œuvres couronnées étaient soigneusement calligraphiées en lettres dorées sur un magnifique tissu de chanvre ou de papyrus, en vue de leur suspension au sanctuaire de la Kaaba. Elles étaient désignées par le nom de mouallaqats, signifiant « suspendues ». Cet honneur revêtait une dimension sacrée, car les poèmes, accueillis dans la sainte demeure de la Kaaba, devenaient quasiment des objets de vénération divine. Parmi cette pléiade de poètes éminents antérieurs à l’islam, on peut citer, entre autres, Imrou’ al-Kais, Tarafa ibn al-Abd, Zuhayr ibn Abi Sulma, Labid ibn Rabia, Amr ibn Koulthoum et Antara ibn Chaddad. En fait, le poète était l’homme le plus influent au sein des tribus arabes, étendant son pouvoir lyrique et charismatique dans presque tous les domaines de la société. Sa verve était recherchée pour se parer de flatteries étincelantes, tandis que son silence était sollicité pour se protéger des railleries virulentes.

Il est fort probable que la poésie arabe puise son inspiration langoureuse et voluptueuse dans la splendeur et la torpeur des paysages arides de la péninsule Arabique. Chaque tonalité des consonnes semble être bercée par les murmures mystiques du sable, emporté solennellement par le vent chaud du khamsin. Chaque sonorité des voyelles semble être étoffée par les balancements rythmiques des chameaux marchant majestueusement à travers l’immensité mythique du désert arabique. D’ailleurs, le Coran a habilement mis en valeur les richesses du lyrisme arabe pour diffuser son message divin et étendre son influence magnétique et systématique à travers les continents. La résonance mélodieuse et harmonieuse des versets du Coran berce langoureusement et délicieusement le cœur des croyants. Selon les Arabes, aucune autre langue que la leur n’aurait pu susciter une sensation aussi sublime de vénération.

Grâce à leur maîtrise exceptionnelle de la langue, les poètes préislamiques ont aussi exercé une influence considérable sur la grammaire, la syntaxe et les structures linguistiques, jouant ainsi un rôle crucial dans l’unification, l’évolution et la pérennisation de la langue arabe. Plus précisément, sous l’influence significative de ces poètes novateurs, les racines trilitères occupent une position centrale dans la morphologie arabe. Elles sont utilisées pour former une grande variété de mots dérivés. Par exemple, la racine arabe « k-t-b » est associée à l’idée de l’écriture. À partir de cette racine, on peut former plusieurs mots en ajoutant différentes voyelles et consonnes préfixées ou suffixées. Ainsi, kataba signifie « il a écrit », kitab signifie « livre », et katib signifie « écrivain ». C’est ainsi que la langue arabe se prête admirablement à la concision du discours, car les consonnes et les voyelles courtes et longues, ainsi que les voyelles emphatiques, donnent vie au texte. De plus, l’arabe utilise judicieusement les différentes formes de l’alphabet selon leurs positions respectives dans un mot. En outre, la calligraphie arabe, avec ses courbes ardentes et ses lignes élégantes, incarne la beauté et la vitalité de la langue. Cependant, les adeptes de l’islam considèrent le Coran comme les paroles directes de Dieu transmises au prophète Mohammad par l’intermédiaire de l’ange Gabriel. C’est pourquoi le terme mounzel, signifiant « révélation », est utilisé pour souligner solennellement la nature divine du livre sacré. Cette croyance inébranlable et immuable proscrit formellement et catégoriquement toute altération de la langue arabe, que ce soit au niveau du vocabulaire ou de la grammaire.

Malgré sa complexité et sa rigidité, l’arabe perdure, évitant le destin funeste de certaines langues classiques telles que le sanskrit ou le latin, qui se sont éteintes inéluctablement au fil du temps. La prescription pour chaque musulman de mémoriser et de réciter le Coran uniquement en arabe a grandement contribué à sa longévité. Par ailleurs, la richesse du vocabulaire de la langue arabe est singulière. Ainsi, il est possible de dénombrer plus de 1 000 synonymes pour désigner un aigle et plus de 500 synonymes pour décrire un lion. Même chaque pas du chameau et chaque période de sa croissance ont un nom spécifique en arabe.

Indéniablement, la somptuosité linguistique de l’arabe est inextricablement liée à la créativité et à la virtuosité des poètes préislamiques. D’ailleurs, certains démagogues arabes exploitent habilement la virilité et la musicalité de la langue arabe pour galvaniser les foules. Par comparaison, l’anglais se différencie par sa fonctionnalité et sa flexibilité, tandis que le français se démarque par sa pureté et sa majesté. Par ailleurs, il serait bon de conclure en précisant que la période préislamique arabe est injustement appelée « l’ignorance » (la jahiliya). Il serait plus équitable de la dénommer « la découverte » (el-iktichaf).


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Depuis la nuit des temps, les tribus arabes, dotées d’un esprit vif et d’une imagination fertile, ont toujours manifesté un attachement particulier à l’art de la parole et de la versification. Un proverbe arabe soutient que la beauté d’un homme réside dans la pureté de sa verve linguistique. Il était fréquent, dans l’Arabie préislamique, où de nombreuses guerres et...

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