Sous une pluie de décembre, dans un appartement en plein cœur de Beyrouth, Adrienne Hurtut se confie sur sa vie au Liban. À ses côtés, son chat se délecte du bruit des gouttes d’eau qui cognent la toiture. Tout en sirotant une tisane d’anis, notre « yansoun » local, elle raconte : « Les moments les plus difficiles et les plus joyeux de ma vie se sont tous déroulés au Liban. Je suis de nature sociable et curieuse. J’aime découvrir, créer, et j’ai trouvé ici le lieu idéal pour cela. Les projets que j’ai faits, je n’aurais pu les concrétiser nulle part ailleurs tellement je me sens inspirée et motivée dans ce pays d’adoption. »
C’est à l’occasion d’un stage de fin d’études qu’elle débarque au Liban, loin d’imaginer qu’elle allait en tomber et y rester. Elle enchaîne les petits boulots, certains plus importants que d’autres, avec le même entrain et le plaisir d’approfondir ses compétences. Aujourd’hui âgée de 31 ans, elle est à la tête de deux initiatives qui lui tiennent à cœur et qu’elle continue d’agrandir et de développer au quotidien.
100 % Ferdinand
Le nom de la marque, 100 % Ferdinand, vient du premier chat qu’elle a sauvé. Une marque eco-friendly qui propose des vêtements pour enfant et adulte, ainsi que des « tote-bags » et des cartes postales. « J’ai voulu créer une initiative pour récolter des fonds et soutenir des refuges qui n’ont pas nécessairement les moyens de communiquer et de fonctionner », explique-t-elle. Ainsi, cent pour cent des profits iront à la cause animale. De plus, constatant qu’il était plus que nécessaire d’offrir des produits de consommation écologiques, toutes les pièces sont fabriquées en coton bio certifié. Quant aux packagings et tote-bags, Adrienne récupère des chutes de tissu et des fins de rouleau dans des entrepôts. « Je tiens à rajouter des messages de sensibilisation à propos des animaux ou de l’environnement sur les étiquettes et sur mon site. J’explique, par exemple, les bénéfices du ronronnement des chats ou les avantages psychologiques sur l’homme de promener son chien lui-même. »
Beirut Beitna
D’autre part, et après la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, Adrienne et ses amies ont eu l’idée de développer un site sur lequel elles partagent leurs photos du Liban afin de récolter des fonds et subvenir aux besoins des familles des victimes. Exposées pour un temps à Bruxelles et vendues en Europe, ces clichés leur ont permis de récolter à ce jour environ 15 000 euros. « Ce projet existe encore aujourd’hui, mais les aides s’étendent désormais à travers tout le Liban. Au vu de la crise sans précédent que traverse le pays, il est nécessaire pour nous d’aider les personnes affectées par cette situation particulièrement difficile. » Que ce soit pour payer la scolarité d’un enfant ou participer à l’achat de médicaments, elles déploient tous leurs efforts pour aider le plus grand nombre de personnes. « On ne peut malheureusement pas changer le monde, mais on peut avoir un impact sur la vie des personnes à travers nos actions », déclare-t-elle. À présent, l’association Beirut Beitna ne regroupe plus seulement le travail de ses fondatrices, mais également les photographies de plusieurs artistes libanais, comme Karim Sakr ou Tanya Traboulsi.
« The Little Guide Book Lebanon, a Personal Story »
Depuis qu’elle est installée au Liban, nombre de ses amis sont venus lui rendre visite pour découvrir sous ses conseils ce pays qui l’a accueillie à bras ouvert. Le sourire aux lèvres, elle confie : « L’idée du guide m’est venue d’une manière très naturelle. J’étais en train de leur envoyer toutes mes suggestions et je n’arrivais plus à m’arrêter… Je rajoutais des photos, des anecdotes, je faisais des designs. Alors, j’ai pensé : pourquoi ne pas créer un guide que je pourrais partager avec mes amis qui viennent de l’étranger ? ». Son ami imprimeur Waleed Saab l’aide dans son projet, ce qui lui a permis de le lancer fin septembre. Le guide regroupe plein de propositions de sorties et des conseils importants à savoir pendant le séjour, le tout agrémenté de ses propres photos. Elle insiste sur la nature personnelle de ce livre. « C’est vraiment un projet que j’ai fait par pur plaisir dans le but d’aider mes amis et les personnes intéressées à profiter de leur voyage au maximum. »
À la question de savoir ce que signifie le Liban pour elle, elle répond modestement, le verre de « yansoun » presque vide : « Le Liban est devenu ma maison et je m’y plais beaucoup. J’ai conscience de mes avantages et de la place que j’occupe ici. Ainsi, je fais de tout pour rendre à une population qui m’a tant donné depuis que je suis arrivée. »
Les produits « 100 % Ferdinand » d’Adrienne Hurtut seront à l’Espace Matisse dans le cadre de « Pop of Hope » du 14 au 23 décembre.