Critiques littéraires Poésie

Miroir pour tous

Miroir pour tous

D.R.

Maram al-Masri dessine une sorte de carte géographique de la condition féminine. Avec ses montagnes de peur et ses fleuves d’humiliation. Avec ses pays aux frontières poreuses que des pères, époux et frères traversent allègrement pour faire mal / mâles. Avec ses volcans de colère et d’agressions. Avec ses vallées de violence. Avec ses villages où l’on « pleure du sang ».

Maram al-Masri prête sa voix de poète aux femmes qui n’en ont pas et ses « mots froissés comme un mouchoir » à celles qui ne les disent pas. À toutes celles qui vivent dans un monde « fauve » où Monica, Nawal, Maya, Aïcha, Laura, Sandra et Yoko ouvrent « la boutique de leurs corps ». Où des enfants n’aiment plus aller à l’école de crainte qu’au retour, maman ne soit plus à la maison.

Dans ce recueil, les Âmes aux pieds nus ont des noms, des métiers et un âge. Elles s’appellent Naïma, Nassima et Anne. Léonie, Awu Pam dont le mari a « forcé la vie à l’oublier ». Atifé, Aminata et Agnieska. Catherine, Flora et Fatima. Jusqu’à Zohra. De A à Z, tout l’alphabet du malheur d’être femme dans une vie de prédateurs.

Elles sont couturières, libraires et cuisinières. Elles ont dix ans, seize ans ou quatre-vingt-cinq ans. Elles sont agents de nettoyage, vendeuses et anciennes institutrices. Toutes victimes du « crime d’avoir une bouche rouge ». Toutes vivent où l’on « ramasse avec ses cils le sel des larmes ». Toutes ont su un jour que le « mariage n’est pas un poème » parce qu’elles ont juste contredit leur triste conjoint.

Maram al-Masri vit à Paris depuis qu’elle a quitté sa Syrie natale. Dans les rues de sa ville d’adoption, elle regarde passer les femmes dont la fêlure n’est visible qu’à celle que la vie a giflée, condition pour reconnaître ses semblables. Son écriture en français demeure oxymore malgré tout. Tout se passe comme si elle dénonçait le pire, mais sur la pointe des pieds. Les choses de la vie de chaque jour se fracassent mais avec douceur.

Maram al-Masri affirme que la poésie est le miroir de tous.

Les Âmes aux pieds nus de Maram al-Masri (édition bilingue), Bruno Doucey, 2023, 224 p.

Maram al-Masri dessine une sorte de carte géographique de la condition féminine. Avec ses montagnes de peur et ses fleuves d’humiliation. Avec ses pays aux frontières poreuses que des pères, époux et frères traversent allègrement pour faire mal / mâles. Avec ses volcans de colère et d’agressions. Avec ses vallées de violence. Avec ses villages où l’on « pleure du...

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