Le restaurant Palégrié chez l’Henri, qui se trouve à Autrans-Méaudre, un village de 1 500 habitants dans le Vercors, près des Alpes, a été élu « meilleure table » par le « Fooding », guide longtemps taxé de « bobo parisien » et dont les trophées vont ces trois dernières années principalement dans les régions. Le « Fooding d’amour » est attribué au Manat, basé à Perpignan, dans le Sud, à la frontière avec l’Espagne.
Les deux restaurants ont en commun d’être petits et dirigés par des couples dont le chef était passé par des tables étoilées et des bistrots branchés parisiens avant de retourner aux sources. Ils sont ouverts le lundi, chose rarissime dans la restauration, pour que d’autres chefs puissent venir se restaurer chez eux lors de leurs congés.
Dans la nature
« J’ai travaillé dans plein de grandes villes, mais mon attachement, c’est d’être au milieu de la nature », raconte Guillaume Monjuré, chef de Palégrié chez l’Henri. Il a installé le restaurant cet été dans une vieille grange familiale de son épouse Chrystel Barnier, originaire du village, au sein du parc naturel du Vercors, la plus grande réserve après la Guyane. Les menus vont de 61 à 145 euros. « On a juste une employée avec nous. Il n’y a pas de boulangers dans le quartier, nous faisons notre pain. On achète des animaux entiers, on les découpe. Je vais à la pêche, à la chasse », souligne le chef, dont la cuisine privilégie largement les légumes et seulement 10 % de viande. « Quand on sort du restaurant, c’est tout de suite la nature. On peut marcher des heures sans croiser personne. On ramasse nos champignons, et c’est nous qui faisons toutes les cueillettes sauvages », poursuit-il.
Pour Marc Meya, aux manettes du Manat, ouvert en octobre 2022 avec son épouse japonaise Yuka Okugawa, s’installer à Perpignan, c’est revenir chez lui, retrouver sa famille, ses amis et ses « petits producteurs » après ses restaurants au Japon et à Paris. Pour un ticket moyen de 50 euros avec les vins, il propose des assiettes à partager qui « allient » sa culture catalane et celle japonaise de son épouse, ainsi que des plats de la cuisine traditionnelle française. « On est très attachés au bon sens paysan, on aime bien travailler les produits tripiers, les abats, les pièces que les gens délaissent », raconte-t-il. « J’ai la chance d’être complet une semaine à l’avance ! » se félicite-t-il.
« One man chaud »
« Ce palmarès est vraiment superchouette parce que, en dehors de la presse locale, ce sont des adresses dont on n’a pas entendu parler », a déclaré Christine Doublet, directrice de la rédaction du Fooding. Selon elle, 90 % des établissements récompensés n’ont pas d’attaché de presse et « il y a certains qu’il faut appeler sur le (téléphone) fixe parce qu’il n’y a pas de réseau dans leur village ».
Un modèle de réussite rare dans le milieu où cartonnent les candidats de l’émission « Top Chef », les chefs accompagnés par les agences de communication et très actifs sur les réseaux sociaux. « Ce n’est pas Instagram qui va remplir notre restaurant », souligne Guillaume Monjuré, qui compte 1 500 abonnés. L’attaché de presse, « c’est vraiment une chose très parisienne. Ici, si vous parlez de l’agent, les gens vont vous rigoler au visage », abonde Marc Meya, lui aussi « mauvais élève » sur Instagram, selon ses termes, et fier de « (se) débrouiller tout seul ». Le concept de restaurateurs qui font tout tout seuls plaît au Fooding, qui introduit cette année « le prix de la taulière » attribué à Mélisande Malle, à la tête de son bar à vins naturels Selene à Granville (Nord-Ouest), et celui du « meilleur one man chaud » à Luke Dolphin, de Pluviôse, à Saint-Jean-de-Luz (Sud-Ouest).