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Les peintures murales médiévales de Sainte-Marina de Qalamoun réunies dans un ouvrage éponyme

Les preuves archéologiques placent le site au XIe siècle, mais la question d'une présence antérieure est ouverte à une enquête future.

Les peintures murales médiévales de Sainte-Marina de Qalamoun réunies dans un ouvrage éponyme

Falaise et grotte de Sainte- Marina de Qalamoun. Photo M. F. Davie tirée de l'ouvrage « Les peintures murales médiévales de Sainte-Marina de Qalamoun »

Les peintures murales médiévales de Sainte-Marina de Qalamoun, une publication de l’Université de Balamand (français/anglais, sous la direction de Lina Fakhoury Soueid), donne la parole à sept spécialistes qui déroulent sur 200 pages l’histoire de la grotte Sainte-Marina de Qalamoun. Ce site archéologique, en attente de restauration, est suspendu à une falaise située à proximité du village côtier de Qalamoun au Nord-Liban. Appartenant à l’Église orthodoxe, il a occupé une place certaine sur la route de pèlerinage reliant les grandes villes côtières de la Méditerranée orientale. Les croisés l’ont honoré de belles fresques, en lui adjoignant une autre sainte à laquelle les catholiques romains semblaient plus attachés, à savoir Maria, déguisée en moine Marinos, que l’on appelle localement Marina en syriaque puis en arabe.

S’appuyant sur une importante bibliographie, May Davie, Sarah Mady, Michael Davie, Pierre Moukarzel, Nada Kallas, Lina Fakhoury Soueid et Annemarie Weyl Carr livrent leurs analyses sur le cadre historiographique et hagiographique, géographique et archéologique de ce lieu « sacré » et de ses peintures murales. Nous aborderons dans cet article les analyses axées sur les vestiges archéologiques découverts et l’état des fresques de la grotte de Sainte-Marina.

L’abri sous roche de Sainte-Marina de Qalamoun. Photo tirée de l'ouvrage

Des céramiques des périodes mamelouk et fatimide

Les recherches de Sarah Mady, doctorante en archéologie de la City University of New York (CUNY) et professeure à l’Université américaine de Beyrouth (AUB), ont porté sur les vestiges de la grotte. Les prospections archéologiques menées conjointement avec Nadine Panayot Haroun, dans la zone basse menant à l’intérieur de l'abri sous roche, ont dévoilé des traces d’activité humaine : des coquilles et des os d'animaux dans une épaisse couche de cendre ; les tessons de deux jarres glaçurées de l’intérieur ; des céramiques et des ustensiles de rangement ainsi qu’une cinquantaine de fragments de tasses, une douzaine de bols et des marmites, un fragment de spatule en bronze, cinq clous en fer et, en plus, des canaux et citernes creusés dans la roche formant un système.

La découverte d’un petit poids tétradécaèdre gravé suggère qu'un petit magasin était installé à l'extérieur du sanctuaire. Selon Sarah Mady, la plupart des céramiques datent de la période des mamelouks (XIIIe-XIVe siècles) avec seulement quelques-unes de l'époque fatimide (XIIe-XIIIe siècles). Par ailleurs, aucune des céramiques, os ou coquillages ne présentent de traces de brûlure remarquables, alors qu’ils ont été retrouvés dans une couche de cendres de 0,40 m de profondeur. « La cendre étant un déshydratant naturel et donc un répulsif contre l'humidité et les insectes, elle aurait fourni l’environnement idéal pour le stockage des aliments en plein air. »

Outre les dons de nourriture et de poterie, les visiteurs et les gardiens ont amené d'autres objets, dont un fragment de marbre provenant de la ville voisine de Tripoli. Mesurant 40 x 28 x 12 centimètres, il est décoré sur ses deux faces d'un motif végétal et de calligraphie arabe coufique. Ce fragment est semblable à beaucoup d’autres découverts à Tripoli et étudiés par l’archéologue Hassan Salamé-Sarkis. Ils étaient généralement utilisés comme pierres tombales et étaient gravées de versets coraniques. Sarah Mady suppose que le fragment découvert à Qalamoun a été emporté à l'abri Sainte-Marina après la destruction d’un mausolée qui se trouvait sur la colline du château de Tripoli, par les croisés de Raymond de Saint-Gilles entre 1102 et 1103. Son utilisation spécifique au sanctuaire est inconnue, mais a été très probablement utilisée comme spolia.

Par ailleurs, Mme Mady pense que « même si le sanctuaire de Sainte-Marina était une escale plutôt qu'une destination, il aurait dû présenter un espace où se reposer et passer la nuit ». Elle signale que la dernière mention enregistrée du monastère date du XVIIIe siècle. Joseph Moukarzel, professeur d’histoire à l’Université libanaise, théorise qu'il s'agissait d'un petit couvent, probablement construit par les croisades après la conquête de Tripoli en 1109. Les explorations menées dans la plaine du sud-ouest en contrebas de l'abri sous roche pour trouver les structures d’un tel couvent ont révélé des tuiles, des tesselles et des fragments de mosaïque, ainsi que certains objets lapidaires. Mais l’enquête n’est pas terminée.

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Sur huit mètres, des fresques en lambeaux

L’architecte Lina Fakhoury Soueid, restauratrice d'icônes dont celles de l’église Saint-Georges des grecs-orthodoxes au centre-ville de Beyrouth, présente la reconstruction et la description des peintures murales, ainsi que leur production et destruction. D’emblée, elle affirme que l’histoire proto-byzantine du site nous est inconnue, d’autant plus que les analyses effectuées sur des échantillons de la paroi rupestre n’ont décelé aucune marque de peinture antérieure aux couches de fresques médiévales, qui présentent des affinités avec la tradition byzantine et comportent des écrits en grec. Alors que d’autres renvoient à la communauté franque avec des inscriptions latines.

S’appuyant sur les lambeaux de peintures murales qui ornent encore les parois de la grotte et aussi et surtout sur les photographies des anciens explorateurs, dont la rigoureuse description publiée en 1926 par le peintre et graveur français Charles Léonce Brossé (1871–1945), Mme Soueid situe l’œuvre dans son contexte.

Le décor peint est d’environ huit mètres de long sur trois mètres de haut. Il est composé de cinq panneaux délimités par une bande rouge de près de cinq centimètres de large. Le panneau un représente sainte Marina d’Antioche assommant Belzébuth. Le deuxième, l’Annonciation. Et « en partant de la description de Charles Léonce Brossé, nous pouvons déduire pour le troisième panneau qu’il s’agit du IVe apologue de la légende de Barlaam et Josaphat », explique Lina Fakhoury Soueid.

De magnifiques peintures murales. Photo tirée de l'ouvrage

Quant aux panneaux 4 et 5, ils représentent respectivement La Deisis et la Vita de sainte Marina la déguisée. Ce dernier est décliné en douze vignettes, mais « aujourd’hui on n’en distingue que quatre », ajoute-t-elle, avant de préciser que « le panneau est partiellement recouvert d’une couche subséquente représentant le saint cavalier Démétrios ».

Mme Soueid indique également que les deux tiers de l’ensemble des fresques ont disparu, mais que les fragments encore visibles ont cependant permis d’analyser la technique et composition des enduits appliqués à différentes époques. Les dégâts subis sont nombreux et divers, les moisissures et la flore ont prospéré au cours des années, suivies de colonies d’arachnides et d’insectes. Le taux élevé d’oxalate de calcium reporté dans les analyses a été un contaminant nocif, sans oublier les dégradations ou pertes de matières relatives aux incompatibilités des pigments, tels les pigments de cuivre au contact du plomb relevés dans le panneau du quatrième apologue de la légende de Barlaam. Les dommages incluent également des graffitis. Ce sont des noms ou des initiales d'hommes et de femmes écrits en lettres latines, des noms peints à la bombe. D'autres formes de dommages sont naturelles, car les peintures sont exposées aux micro-organismes, à la pluie et aux rayons du soleil.

Ajoutons à cela l’altération des couches picturales due aux « ajouts postérieurs relatifs à la pose du second surpeint ». « La peinture originale est le travail d’un maître. Sa palette est riche, ses ocres sont pures et très finement broyées. Sa technique montre une connaissance accrue des pratiques artistiques en conformité avec le savoir byzantin. Cependant, des différences notables entre chaque panneau pourraient indiquer le travail de plusieurs mains. Dans le panneau un (sainte Marina d’Antioche assommant Belzébuth) en particulier, on ne perçoit pas l’assurance et l’adresse émanant des autres panneaux.»

Concernant les essais de reconstitution des dessins et composition des panneaux, prenons pour exemple le quatrième apologue de la légende de Barlaam. Cette fresque n’a préservé qu’une partie du branchage dans sa partie supérieure, et les zones attribuées à la couche originale sont rares. Mais Lina Soueid affirme que grâce à la description de Brossé et la photo prise par Raïf Nassif en 1972, « nous sommes en mesure de reconstituer une partie du dessin. Il a fallu néanmoins manipuler l’image par le biais d’outils informatiques pour faire ressortir la silhouette de l’homme juché sur l’arbre. Le personnage apparaît dans une position accroupie, ce qui fait penser à un prototype oriental (manuscrit syriaque ?) comme source d’inspiration de l’iconographe (…) L’homme porte un vêtement rouge sang, comme c’est souvent le cas dans les représentations du même type. Par les couleurs utilisées plus que par la forme, on pourrait signaler une parenté incertaine avec les motifs végétaux de la peinture murale d’Abou Gosh au XIIe siècle, Israël, qui représente les trois patriarches ».


Fragments de verre

Le site a également révélé une dizaine de fragments de vaisselle en verre, dont un présentant un fond concave, bombé vers l’intérieur de la vaisselle et formant un cône légèrement arrondi. Le verre est teinté de bleu turquoise et le centre de sa surface externe est griffé par une marque de pontil. Ces bases dites à « fond ombilical conique » sont attestées en Syrie, à Kalaat Semaan (VIIIe-XIIe siècles), en Séleucie (VIIIe siècle), en Égypte et en Palestine. L’étude du matériau de ce fragment a révélé une date située entre le XIIe et le XIIIe siècles. Le deuxième fragment appartient à un flacon dont il ne subsiste qu’un angle du fond très épais, de couleur bleu turquoise. De petits récipients du même type, datant entre le VIIIe et le XIIIe siècles, sont attestés sur les sites occidentaux et identifiés comme étant des importations orientales. Les exemples les plus anciens ont été trouvés en Palestine dans des contextes remontant aux milieux du VIIIe et XIe siècles. Le flacon de sainte Marina semble être une production tardive du XIIIe siècle.

Les peintures murales médiévales de Sainte-Marina de Qalamoun, une publication de l’Université de Balamand (français/anglais, sous la direction de Lina Fakhoury Soueid), donne la parole à sept spécialistes qui déroulent sur 200 pages l’histoire de la grotte Sainte-Marina de Qalamoun. Ce site archéologique, en attente de restauration, est suspendu à une falaise située à proximité...

commentaires (1)

Magnifique Où peut on se procurer cet ouvrage ? Merci d avance

fadi labaki

08 h 58, le 06 décembre 2023

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Commentaires (1)

  • Magnifique Où peut on se procurer cet ouvrage ? Merci d avance

    fadi labaki

    08 h 58, le 06 décembre 2023

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