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Culture - 7e art

Le Festival du film libanais de France : santé mentale et espoir toxique

Entre le 23 et le 26 novembre, se tiendra à Paris la troisième édition du Festival du film libanais, au cinéma Lincoln. L’occasion de découvrir un corpus de films inédits qui font écho à la créativité prolifique et souvent torturée des cinéastes libanais contemporains.

Le Festival du film libanais de France : santé mentale et espoir toxique

L’affiche de la 3e édition du Festival du film libanais de France. Photo DR

Fondatrice et présidente du Festival du film libanais de France, Sarah Hajjar a été responsable du festival du film d’Amnesty International France, tout en œuvrant, au sein d’Ensemble contre la peine de mort (ECPM), pour une approche cinématographique de sensibilisation au sujet des droits de l’homme. « Je suis sur le point de rejoindre Europa Cinémas, réseau de salles de cinéma engagées en faveur du cinéma Européen  dans toute l'Europe. Étant originaire d’une famille d’artistes libanais, j’avais très envie d’encourager le cinéma libanais. En 2019, nous avons créé notre association pour un festival du film libanais, nous étions trois. Aujourd’hui, nous sommes une quinzaine de bénévoles », explique la jeune femme avec enthousiasme. Les éditions précédentes, en 2020 et 2021, ont été couronnées de succès, avec environ 800 spectateurs à chaque fois, ce qui était inespéré avec le contexte de révolte au Liban, l’explosion au port de Beyrouth puis le Covid. 

La fondatrice et présidente du Festival du film libanais de France, Sarah Hajjar et les programmateurs Emile Eid et Michel Tabbal. Photos DR

Michel Tabbal est juriste en droits humains et travaille dans la programmation du festival dont Serge Akl est le secrétaire général. « D’un point de vue historique, le cinéma libanais est riche et diversifié, avec des cinéastes très engagés. Il peine à s’imposer à cause de la crise financière et du désengagement des pouvoirs publics. Pourtant, chaque année, on reçoit des films de grande qualité, qui nous font découvrir de nouveaux talents. On tient à ne pas se limiter à des films d’auteur ou trop intellectuels, comme c’est le cas dans la plupart des festivals. On propose aussi des thrillers, des polars, des documentaires, de la science-fiction », annonce le spécialiste, qui animera l’échange avec Bahij Hojeij après la projection de son film, La Ceinture de feu (2014). En effet, chaque édition du festival propose une séance patrimoine, pour présenter un classique du cinéma libanais.

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« Notre objectif est de donner plus de visibilité au cinéma libanais émergent et d’actualité, avec la volonté de favoriser la diversité des œuvres : le festival est libre et indépendant. Il tend aussi à mettre en relation des cinéastes libanais et des distributeurs français, afin d’encourager la diffusion de leurs créations. On essaye également de créer des ponts avec d’autres festivals internationaux au Liban, en Australie et au Canada. Nous sommes partenaires du Fifog (Festival international du film oriental de Genève), du Festival du film arabe de Fameck, de celui de Noisy-le-Sec… » poursuit Sarah Hajjar, tandis que Michel Tabbal insiste sur la volonté de mettre en avant le travail des jeunes cinéastes libanais. « Cette année, nous avons démarché toutes les universités libanaises qui proposent une formation audiovisuelle, et sur les 28 courts-métrages en compétition, la moitié ont été réalisés par des étudiants.


Serge Akl, Secrétaire général du Festival du film libanais de France. Photo DR

Quatre prix seront remis lors de la soirée de clôture, le 26 novembre : le prix du meilleur film étudiant, celui du meilleur documentaire, de la meilleure fiction et enfin le coup de cœur du jury. C’est le court-métrage de Wissam Charaf Et si le soleil plongeait dans l’océan des nues qui sera projeté pour lancer la soirée, il est hors compétition », précise la fondatrice du festival. Le jury du court-métrage est présidé par Darina al-Joundi, marraine de l’événement, et il est composé de Jinane Choueib, Wissam Charaf, Stéphanie Atallah et Sam Lahoud.

Des affiches de films libanais au programme du Festival parisien. DR

« Ce que signifie être réalisateur au Liban »

La programmation du festival est multiple et il y en aura pour tous les goûts. La séance liminaire a lieu à l’IMA, jeudi soir, et elle projette Tnaash, de Boudy Sfeir, un remake de Douze hommes en colère. « En travaillant sur la programmation, on a constaté la récurrence d’une thématique, celle de la santé mentale, des effets de la guerre, de la crise et des enjeux sociétaux », constate Miche Tabbal, qui avait proposé en 2021 une conférence sur la place de Beyrouth dans le cinéma international.


« Le focus dans les films libanais est beaucoup mis sur les personnages, leurs émotions, la gestion des traumas, et ce sujet est particulièrement prégnant cette année, que ce soit dans les thrillers, les films de science-fiction ou d’animation. Samedi 25 novembre, il y aura une table ronde autour de la représentation de la santé mentale dans le cinéma libanais, modérée par la docteure en psychologie Mayssa el-Husseini », annonce Sarah Hajjar. Mounia Akl et Cyril Ariss participeront à cet échange. « Ils évoqueront leur documentaire Danser sur un volcan, qui raconte les coulisses du tournage du film Costa Brava Lebanon et la détresse psychologique de l’équipe pendant les explosions puis le Covid. Il s’agit de se demander ce que signifie être réalisateur au Liban dans un contexte de précarité. Stéphanie Atallah et Reine Issa participeront à ce débat autour du film Farah, qui traite de la dépression et des médicaments qui font basculer l’héroïne dans le fantasme », ajoute la présidente du festival. Salim Saab est également invité à cet échange ; son documentaire Toxic Hope sera proposé le samedi à 14 heures. « Ce travail résume très justement ce qui se passe au Liban, la situation de fragilité dans laquelle se trouvent les artistes : il y a souvent un sursaut d’espoir qui retombe, et le rapport à l’espoir est présenté comme toxique. Des témoignages d’artistes et de psychologues expliquent comment ils survivent dans un tel climat », précise la jeune femme, qui se réjouit du succès des réservations en ligne pour les projections de la semaine prochaine, notamment pour le film Hardabasht de Mohammad Dayekh. « C’est un thriller social tourné à Ouzaï, qui est très attendu. Il relate la lutte de survie d’une famille marginalisée, dans un contexte de drogue et de violence. Vendredi, le documentaire Vous (les adolescents), de Valérie Mréjen, sera diffusé devant un public scolaire. Il s’agit de jeunes Libanais qui évoquent leur perception de l’avenir et leurs ambitions. L’idée est de créer un débat sur la représentation du futur selon le contexte social, politique et familial de chacun, et d’élargir le questionnement avec les élèves français », prévoit Hajjar, qui insiste sur la générosité de la ville de Paris, qui soutient financièrement l’événement, de même que le centre commercial La Vallée Village, qui apprécie vraisemblablement la fidélité de sa clientèle libanaise…

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Le corpus cinématographique proposé fait écho à une situation très tendue au Liban. « Les films que l’on reçoit sont empreints de nostalgie, de tristesse, et c’est l’occasion de parler de la réalité vécue par les Libanais ces dernières années. On peut se demander comment les cinéastes arrivent encore à travailler, et pourtant, leur production est prolifique, avec beaucoup de coproductions françaises, et c’est important de les montrer en France, où on a le souci d’aider le cinéma libanais », conclut Sarah Hajjar avec ferveur.

Pour plus d’informations et pour réserver vos places, c’est ici.  

Fondatrice et présidente du Festival du film libanais de France, Sarah Hajjar a été responsable du festival du film d’Amnesty International France, tout en œuvrant, au sein d’Ensemble contre la peine de mort (ECPM), pour une approche cinématographique de sensibilisation au sujet des droits de l’homme. « Je suis sur le point de rejoindre Europa Cinémas, réseau de salles de cinéma...

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