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Campus - INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Les universités face au fléau de ChatGPT

Faut-il limiter la dépendance des étudiants face à cet outil de l’intelligence artificielle, ou au contraire en faire un allié pour gagner du temps et mieux avancer ? Les universités ont tranché.

Les universités face au fléau de ChatGPT

Il est important de prendre le temps nécessaire pour intégrer de manière réfléchie l’intelligence artificielle générative dans les pratiques pédagogiques. Photo extraite de Pixabay

« Cet outil existe, va durer, devenir de plus en plus performant et ne va certainement pas disparaître », s’accordent à dire de façon unanime les universités libanaises qui ont compris qu’aller en guerre contre ChatGPT et en interdire l’utilisation serait priver les étudiants d’une arme qu’ils seront appelés à utiliser de plus en plus dans le monde du travail. Plutôt que d’en limiter l’accès, les universités ont décidé d’éveiller les étudiants sur les risques, les limites et les pièges que peut cacher cet outil. L’objectif est de développer chez eux une autonomie professionnelle et une capacité à évaluer de manière critique les informations. Surtout, les universités visent à informer les étudiants sur les inconvénients de ces outils, qui, malgré leur capacité à générer rapidement des contenus pertinents, présentent souvent des informations erronées et biaisées, et ne peuvent en aucun cas remplacer la qualité de travail d’un être humain. L’Université Saint-Joseph (USJ) a ainsi décidé de « le réguler de manière à former les étudiants à en faire un usage éclairé qui favorise le développement de leur esprit critique et de leur créativité. » « Nous avons créé une commission de stratégie numérique avec des principes directeurs envoyés aux responsables, enseignants et étudiants, pour un usage responsable, efficace et éthique de l’utilisation de ces outils de l’intelligence artificielle (IA) », explique Wadad Wazen Gergy, directrice de l’Unité des nouvelles technologies éducatives de l’USJ. « Chaque faculté a une cellule de veille qui revisite les formations, les programmes et les méthodes d’enseignement et d’évaluation, à la lumière de l’avancée de ces technologies ». L’USEK, qui considère également « ne pas voir dans cet outil une menace, mais plutôt une opportunité qui permet un usage efficace dans l’enseignement, l’apprentissage et l’évaluation », a pris le parti de sensibiliser les étudiants sur les avantages et les inconvénients de cet outil, à travers le processus de « Teaching, Learning, Assesment ». Ce groupe vise à « développer chez les étudiants la capacité d’évaluer de manière critique les informations fournies, afin d’utiliser cet outil de manière judicieuse, éthique et responsable ». Idem pour l’Université américaine de technologie (AUT) qui perçoit ChatGPT comme « une valeur ajoutée de plus en plus utilisée dans le monde du travail et de la recherche scientifique et qui permet de surcroît de gagner du temps ». « Interdire ChatGPT aux étudiants serait un crime », estime le professeur Pierre el-Khoury, doyen de la faculté de gestion de l’AUT. « Au contraire, nous voulons leur permettre de l’utiliser à bon escient, qu’ils le considèrent comme un « assistant de recherche performant », plutôt que d’en devenir dépendants. Cela implique de compléter les informations fournies par cet outil avec leurs propres connaissances et de vérifier attentivement les résultats obtenus », précise-t-il encore. Un constat qui trouve également écho à la LAU, où l’on a compris « que les étudiants auront toujours les moyens d’accéder à d’autres plateformes payantes et plus performantes, sans que l’université en soit consciente », comme le relève le Dr Jad Abdallah, doyen des étudiants de la LAU, campus de Jbeil. Finalement, « l’idée n’est pas de rejeter complètement cet outil moderne et potentiellement innovant, mais plutôt de se donner le temps de l’apprivoiser, de l’utiliser à bon escient dans la sphère académique, et surtout ne pas l’intégrer sans recul ni maîtrise aux pratiques pédagogiques », affirme, quant à lui, Grégoire Catry, directeur délégué au développement à l’École supérieure des affaires (ESA).

Dompter l’outil plutôt que de le diaboliser

Comment empêcher alors les étudiants de devenir dépendants à l’excès de ces outils ? Là aussi, les universités sont toutes unanimes en estimant qu’elles doivent revisiter leurs méthodes d’évaluation et instaurer des sanctions contre les abus de cet outil. Ainsi, l’USEK a configuré la plateforme Moodle en intégrant des logiciels traditionnels de détection de plagiats tels que Turnitin, permettant ainsi de vérifier le pourcentage de réponses provenant de l’IA dans les travaux soumis par les étudiants. « Non pas pour les punir, mais pour leur permettre de prendre conscience de leur démarche, de corriger les fautes émises par ChatGPT, et de les pousser à réfléchir d’eux-mêmes », explique un responsable à l’USEK. Et de préciser : « Certains départements exigent souvent de leurs étudiants de travailler sur des textes produits par l’IA en leur demandant d’apporter un regard critique afin d’en améliorer le contenu. » À la LAU, c’est à travers le code de conduite de l’étudiant (Student code of conduct), qui réglemente le comportement académique et comportemental des étudiants, que des sanctions sont prises. « Des sanctions sévères seront appliquées à ceux qui ne respectent pas la propriété intellectuelle des données, omettent de mentionner les références et sources de leurs informations citées, ou s’approprient un texte qu’ils n’ont pas rédigé, des pratiques strictement interdites », affirme le Dr Jad Abdallah. L’étudiant s’expose à trois niveaux de sanctions : un zéro éliminatoire sur son projet, un avertissement, ou encore une interdiction d’accès aux cours durant un semestre. À l’AUT, où l’on admet « qu’il est de plus en plus difficile pour les universités de détecter le contenu généré par ChatGPT en utilisant des logiciels traditionnels de détection de plagiats comme Turnitin », on s’en remet aux compétences et à la vigilance des enseignants, pour déceler l’utilisation excessive de cet outil. « Le professeur peut exiger de l’étudiant de compléter les informations présentées en argumentant les résultats obtenus », indique le doyen de la faculté de gestion de l’AUT. « Dans le cas où l’étudiant remettrait sa copie avec des réponses entièrement fournies par ChatGPT, il risque une sanction sévère, pouvant aller jusqu’à l’échec », souligne-t-il encore fermement. D’autres universités, comme l’USJ, ont décidé de « favoriser les examens et les tests en présentiel, ou encore de compléter chaque projet par un test à l’oral face à un jury qui poserait des questions sur le contenu que les étudiants ont présenté, les poussant ainsi à confirmer la véracité ou la pertinence de ce qu’ils sont en train de présenter, et surtout à vérifier les sources d’informations souvent inventées par cet outil », précise Wadad Wazen Gergy. Même appréhension à l’ESA qui fustige « l’effet de mode de ChatGPT et de tout ce qui concerne l’intelligence artificielle générative », précisant que « tout le monde ou presque a le sentiment de maîtriser cet outil et de pouvoir l’utiliser facilement, alors que ce n’est pas le cas », relève Grégoire Catry. « Il convient donc de prendre le temps nécessaire pour apprivoiser cet outil et mettre une veille active, pour l’intégrer à bon escient à la sphère académique et aux pratiques pédagogiques, tout en gardant à l’esprit que le cœur est et doit rester les professeurs et professionnels », conclut-il fermement.

« Cet outil existe, va durer, devenir de plus en plus performant et ne va certainement pas disparaître », s’accordent à dire de façon unanime les universités libanaises qui ont compris qu’aller en guerre contre ChatGPT et en interdire l’utilisation serait priver les étudiants d’une arme qu’ils seront appelés à utiliser de plus en plus dans le monde du...

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