Un nombre croissant de soldats israéliens filment et publient leurs propres faits de violations des droits à l’encontre de Palestiniens, a rapporté jeudi le quotidien israélien Haaretz. Souvent sur des groupes Telegram avec des milliers d’abonnés, ou encore à travers des influenceurs sur Instagram ou YouTube. Des actes d’humiliation, de violence, répréhensibles, et parfois punis par l’armée, qui rappellent les exactions filmées avec fierté par des soldats américains suite à l’invasion de l’Irak. Si le phénomène n’est pas nouveau, il s’est accentué depuis le début de la guerre à Gaza, déclenchée à la suite de la triple incursion du Hamas en Israël, le 7 octobre. Une attaque sanglante qui a réveillé le courroux vengeur des Israéliens, dont les frappes ont déjà fait plus de 11 000 morts, selon le ministère palestinien de la Santé affilié au Hamas. Le journal israélien de gauche a ainsi recensé 15 vidéos de tels abus postées en ligne en un mois de conflit, la plupart en Cisjordanie occupée semble-t-il, où la répression et les raids meurtriers contre les Palestiniens se sont également multipliés. Cinq enregistrements ont été filmés durant cette période, a confirmé l’armée israélienne, ajoutant que les autres étaient encore en examen.
Humiliations gratuites
Dans la majorité des cas, les Palestiniens qui apparaissent dans les vidéos sont menottés et ont les yeux bandés. Certains sont dénudés, d’autres partiellement vêtus. L’un d’eux, apparemment blessé, est assis parmi six autres détenus par terre, son pantalon baissé, près de Yatta, dans le sud de Hébron, en Cisjordanie. Dans quelques séquences, des soldats israéliens sont vus en train d’insulter et de battre ces détenus, dans d’autres, ils les forcent à dire ou faire des choses humiliantes. Près d’un chien errant, un homme assis par terre dans la rue, les jambes tendues, garde la tête baissée sur fond de musique guillerette, les yeux couverts d’un foulard, avec un drapeau israélien sur les genoux.
Mohammad, 55 ans, a raconté au Haaretz comment des soldats sont arrivés pour l’arrêter lui et son fils au beau milieu de la nuit : « Ils nous ont mis au sol et nous ont attaché les mains et les pieds. Ils nous ont battus et insultés. Ils m’ont frappé avec quelque chose d’électrique, je crois. Ils m’ont ensuite frappé des deux côtés de la tête et j’ai commencé à saigner. » Relâché peu après comme certains autres Palestiniens violentés, parfois sans même qu’une enquête soit menée, le père de famille s’est reconnu sur une vidéo mise en ligne par les mêmes soldats qui étaient venus l’arrêter avec son fils, lequel est toujours en détention.
Une vidéo en particulier fait l’objet d’un débat, rapporte le Haaretz. Au moins trois hommes sont entièrement nus, immobilisés à terre. D’autres, menottés et yeux bandés, sont portés comme des marchandises pour être déplacés. Au sein de ce groupe, un soldat israélien écrase avec sa botte la tête d’un détenu torse nu, qui gardait les mains sur son visage, couvert de ce qui semble être son tee-shirt. Étonnamment, la polémique tourne surtout autour du lieu où ont été filmées ces images, faisant écho à la guerre médiatique qui se joue en parallèle du conflit. En Cisjordanie, comme le disent des Palestiniens sur les réseaux sociaux, ou des « terroristes » en bordure de la bande de Gaza, qui ont participé au massacre du 7 octobre, comme l’affirme l’armée israélienne ? Selon le porte-parole de cette dernière, le fait que ces actes soient inadmissibles n’est pour autant pas contesté : « La conduite de soldats vus dans la vidéo est sérieuse et n’est pas conforme aux ordres de l’armée. Les circonstances de ce cas font l’objet d’une enquête. » Par le passé, de nombreuses violations aux droits des Palestiniens sont néanmoins restées impunies, malgré les plaintes déposées auprès des autorités israéliennes.
Sanctions adaptables
Un enregistrement publié en ligne a certes conduit à la détention provisoire d’un soldat, indique le Haaretz. Insulté, un homme agenouillé près d’une voiture, les mains attachées dans le dos, les yeux recouverts d’un bandeau doublé d’un épais scotch noir, se prend des coups de pied dans la poitrine. Le soldat crache ensuite sur le détenu plié en deux, gémissant de douleur. D’après le porte-parole de l’armée cité par le quotidien israélien, celui qui s’est avéré être un réserviste a été envoyé en prison pour 10 jours et renvoyé de l’armée. Dans un autre cas où un groupe de soldats force un détenu palestinien à chanter Am Yisrael Chai, un hymne de solidarité juive, le commandement de la compagnie a été licencié suite à « plusieurs incidents similaires », précise le journal. Des sanctions qui semblent néanmoins ajustables au cas par cas. Alors que l’arrestation filmée d’un Palestinien au check-point d’al-Awja, qui s’est fait insulter parce qu’il paraissait suspect, a été jugée comme « non conforme aux valeurs » de l’armée israélienne, selon le porte-parole précité, « les procédures concernant l’arrestation et la détention de suspects ont été renforcées pour tous les soldats de ce bataillon ». Quid du reste ?
Le quotidien israélien relate en outre le témoignage de Palestiniens qui dénoncent des exactions commises également de la part des forces de la police des frontières, chargée officiellement de lutter contre le terrorisme et de maintenir l’ordre public. Un homme raconte ainsi avoir été agressé avec son cousin au barrage entre Bethléem et Ma’ale Adumim, près de Jérusalem, par des policiers, qui ont filmé l’un d’entre eux alors qu’il était forcé d’insulter les Palestiniens. En fouillant leur véhicule, un membre des forces de l’ordre les a interrogés, tout en les insultant, avant de faire sortir l’homme pour le frapper dans le cou. Amené dans une salle où ils ont été rejoints par d’autres officiers, le détenu, mains sur le mur, jambes écartées, a été battu sur les épaules, le cou et les mains, a-t-il rapporté au Haaretz. Dans le même temps, son cousin, resté en voiture, a été pris à partie par un policier qui a exigé de voir son téléphone pour en fouiller le contenu. Catalogué comme pro-Hamas, l’homme a été conduit dans une autre salle où il a également été frappé, tout comme le chauffeur de taxi qui les accompagnait, revenu du poste avec une bouche en sang et des côtes cassées, affirme le témoin au quotidien israélien. « Les incidents décrits nous sont inconnus. Toute allégation sur la conduite des forces de sécurité devra faire l’objet d’une enquête par les autorités adéquates », a assuré au quotidien israélien la police des frontières.
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D,AUTRES AVANT EUX L,ONT FAIT A ABU GHRAIEB. ILS VENDENT LES VIDEOS A DES AGENTS DE PRESSE. IL Y A QUELQUES JOURS J,AVAIS DECRIT LES HORREURS D,UNE TELLE VIDEO QUE L,OLJ AVAIT PUBLIEE.
LA LIBRE EXPRESSION
12 h 41, le 11 novembre 2023