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Lifestyle - COMMÉMORATION

Les crimes impunis contre les journalistes : une journée, une résolution et si peu d’actions

Fauchant aveuglement et par milliers des vies innocentes, la guerre menée contre Gaza, dans toute son horreur, n’a pas épargné les journalistes. Lesquels n’ont pour « protection » que cette journée du 2 novembre, désignée par les Nations unies afin que leurs agresseurs ne restent pas impunis.

Les crimes impunis contre les journalistes : une journée, une résolution et si peu d’actions

Un journaliste derrière sa caméra sur un site surplombant la bande de Gaza. Photo Jack Guez/AFP

Il y a dix ans, plus précisément le 17 septembre 2013, lors de sa 68e session, l’Assemblée générale des Nations unies adoptait la résolution « immatriculée » A/RES/68/163 proclamant le 2 novembre « Journée internationale mettant fin à l'impunité pour les crimes contre les journalistes ». Ce texte exhorte les États membres à mettre en œuvre des mesures précises pour lutter contre la culture actuelle de l’impunité à l'encontre des agresseurs des médias. La date a été choisie en commémoration de l'assassinat de deux journalistes français de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, tués au Mali le 2 novembre 2013.

Selon l’Observatoire des journalistes assassinés de l’Unesco, entre 2006 et 2023, plus de 1 600 journalistes ont été tués dans le monde, et près de 9 cas sur 10 de ces assassinats restent sans réponse judiciaire. Aujourd’hui, les choses empirent, car, dans cette guerre qui vise la bande de Gaza, on assiste en direct, et devant le silence de la communauté internationale, à des représailles de sang-froid visant la presse. Pour preuve le récent décès de Issam Abdallah, le cameraman libanais de Reuters tué par une frappe israélienne, le 13 octobre dernier, dans la localité de Alma el-Chaab au Liban-Sud.

Impunité internationale

Dix jours plus tard, le 25 octobre, la violence a atteint un nouveau paroxysme lorsque les bombardements israéliens sur Gaza ont ciblé l’habitation de la famille de Waël al-Dahdouh, le correspondant palestinien historique de la chaîne de télévision al-Jazeera, tuant son épouse, deux de ses enfants et un petit-fils nouveau-né, alors que lui-même se trouvait en reportage. Les attaques contre les journalistes perdurent donc envers et contre les protestations qui se font à multiples niveaux. Il y a un an, Shireen Abou Akleh, reporter palestino-américaine star de la chaîne de télévision al-Jazeera, était abattue par un tir de l’armée israélienne lors d'un raid dans la ville de Jénine.

Le correspondant d'al-Jazeera Waël al-Dahdouh, qui a perdu de nombreux membres de sa famille, n'a pas cessé de témoigner de l'horreur de cette guerre. Photo Mohamed ABED/ AFP

Dans ce contexte, quid de l’édition 2023 de la Journée du 2 novembre plaidant justice pour le monde des médias de plus en plus victimes directes des conflits guerriers ? Dans la Charte de la résolution des Nations unies qui l’encadre, il est prévu que cette journée soit organisée tous les deux ans pour servir de campagne de sensibilisation et de commémoration des journalistes disparus sans que leur cas ait été tranché par la justice. Elle va de pair avec les conclusions du rapport de Audrey Azoulay, directrice générale de l'Unesco, au sujet de l'état actuel de cette impunité mondiale et régionale. Cette année, le principal événement de cette commémoration se déroulera les 2 et 3 novembre 2023 au siège de l'Organisation des États américains (OEA) à Washington D.C. Un choix grandement contesté par de nombreuses personnes critiquant la politique américaine et sa position inflexible dans le conflit israélo-palestinien. « Organisé par l'Unesco, en partenariat avec le secrétaire général de l'Organisation des États américains (OEA), la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) et son Bureau du rapporteur spécial pour la liberté d'expression (RELE), l'événement portera sur la violence exercée contre les journalistes, l’intégrité des processus électoraux et le rôle du leadership public », annoncent les organisateurs.

Aucune référence à la tragédie de Gaza

La commémoration sera présentée et discutée à travers de nombreux panels et discussions réunissant des interlocuteurs de tous horizons, incluant d'anciens rapporteurs spéciaux, des chercheurs universitaires, des organisations de la société civile, des différents États, des agences des Nations unies et d’autres acteurs engagés en faveur de la sécurité des journalistes à travers le monde. Il est précisé que jusqu’à présent, dans de nombreux cas, les menaces de violence et les attaques contre les journalistes ne font pas l'objet d'enquêtes appropriées. Cette impunité conforte les auteurs des crimes et a en même temps un effet négatif sur la société, y compris sur les journalistes eux-mêmes. L'Unesco est préoccupée par le fait que l'impunité nuit à des sociétés entières en couvrant de graves violations des droits humains, la corruption et la criminalité. 

Des propositions et un plan d’action préventive seront rédigés. Mais aucune réelle résolution… Jusqu’à présent, il n’existe dans le programme aucun référence à la tragédie en cours à Gaza. Néanmoins, l’ONU publie dans ses rapports les bilans suivants : « La directrice générale de l’Unesco a condamné 1 167 meurtres de journalistes entre 2006 et fin 2019. Dans 801 cas, les États ont informé l’Unesco que des investigations avaient été lancées sur ces meurtres, étaient en cours, ou qu’un verdict avait été rendu. Dans les 366 affaires restantes, les États n’ont pas fourni d’informations à l’Unesco. Tandis que l’impunité prévaut toujours dans les crimes contre les journalistes, en 2020, une tendance qui a été observée lors des années précédentes semble se poursuivre, à savoir la légère baisse du taux d’impunité. Selon les informations fournies par les États membres, le pourcentage des affaires résolues dans le monde entier a été évalué à 13 % en 2020, contre 12 % en 2019 et 11 % en 2018. Comme les années précédentes, la région des États arabes affiche le taux d’impunité le plus élevé, avec 99 % d’affaires non résolues. »

Depuis le 7 octobre, date de l’attaque du Hamas contre Israël, et à l’instant où ces chiffres sont rédigés, « au moins 31 journalistes ont été tués, parmi lesquels 26 Palestiniens, quatre Israéliens et un Libanais », rapporte le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé aux États-Unis. Le CPJ, qui comptabilise les victimes en Israël, dans la bande de Gaza et à la frontière libanaise, a également dénombré huit blessés et neuf journalistes disparus ou détenus, dans un communiqué diffusé aux médias. Ce bilan est d'ores et déjà « le plus meurtrier pour des journalistes couvrant ce conflit depuis la création du CPJ en 1992 », toujours selon cet organisme.

Il y a dix ans, plus précisément le 17 septembre 2013, lors de sa 68e session, l’Assemblée générale des Nations unies adoptait la résolution « immatriculée » A/RES/68/163 proclamant le 2 novembre « Journée internationale mettant fin à l'impunité pour les crimes contre les journalistes ». Ce texte exhorte les États membres à mettre en œuvre des...

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