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Lifestyle - Beyrouth Insight

La chaise (presque) musicale de Zalpha et Shaha Raphaël

L’une dessine des meubles, l’autre tricote des sacs à main et autres plaids et ponchos à sa manière, très colorée. Ensemble, elles ont créé une chaise surprenante baptisée « A knitted chair » fruit d’une grande complicité et d’une belle complémentarité.

La chaise (presque) musicale de Zalpha et Shaha Raphaël

Shaha et Zalpha Raphaël entourant leur « knitted chair ». Photo C.H.

La première, la mère, toujours trop discrète, s’est fait connaître (à son corps défendant) sous le nom de Zaz Knits, lorsqu’un jour, après de nombreux essais et des tentatives suffisamment réussies pour son exigence, elle a accepté de partager, puis de produire, des sacs qu’elle tricotait seule, avec sa détermination et la force de ses poignets. « Les enfants étaient partis, Shaha venait de quitter, je devais m’occuper. J’ai pensé que la maison allait complètement se vider et que je devais me trouver une thérapie », a souvent confié Zalpha Raphaël. Même si cette thérapie, au bout de quelques années d’un label devenu « une mode », un must-have, a fini par l’épuiser, bras et poignets inclus… Son premier sac sort en 2012 et depuis, elle n’a pas arrêté de décliner cette matière dans une créativité débordante. La production elle, est plus lente, à son grand regret. « Je n’ai pas réussi à trouver des artisans capables de suivre ma manière de travailler. J’avais formé une femme, Ukrainienne, vraiment parfaite, à qui je pouvais déléguer une grande partie de ma production, mais elle a fini par quitter le Liban… » Alors elle continue, à sa manière, un peu en solitaire et assure la demande de ses clientes fidèles.

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Zaz cousue de fils de couleur

L’autre, sa fille, a fait des études d’architecture à l’AUB, et s’est découvert une passion pour les matières, les textures. Un peu comme une évidence qui a donné du sens à ses envies et son travail. « Petite déjà, elle faisait des collages et collectionnait des centaines de petits objets », raconte sa mère. Shaha Raphaël, 27 ans aujourd’hui, a choisi de rentrer au Liban après un parcours qui l’a embarqué de Londres à Paris puis Bahreïn. Un itinéraire où elle a semé ses cailloux comme un Petit Poucet ravi de se laisser emporter par son inspiration, en toute liberté.

Des arrêts marquants

À Londres, Shaha Raphaël passe des années formatrices à la Architectural Association school of Architecture, totalement en cohérence avec sa vision du métier. « Dans notre parcours, se souvient-elle, nous avons tout fait sauf de l’architecture. Nous avons lu, expérimenté des choses, des matières ; le bois, le plâtre, le métal ; nous avons écrit, fait du théâtre, de la danse. Nous avons surtout appris l’utilisation de la matière et la création de concepts. À la fin, on apprend à se connaître beaucoup mieux, et c’est très important. » À Paris où elle s’installe ponctuellement, Shaha poursuit son expérimentation des choses et épanouit son amour pour le design de meubles en collaborant dans le studio Cigüe architectes. « J’ai toujours voulu, depuis toute petite, faire des formes avec ce qui était devant moi. Je retrouve ça chez ma mère. Nos mains sont toujours occupées, nous avons cette manie en commun ! »

Avant de revenir au Liban créer toutes ces choses dont elle rêve, objets, meubles, bijoux, la jeune femme s’est arrêtée deux ans durant à Bahrein et au Studio Anne Holtrop, « un homme ! » précise-t-elle. « Ce bureau d’architecture est très concentré sur la matière, le mobilier. » Deux ans plus tard, il y a juste quelques mois, elle rentre au pays explorer ses capacités et les possibilités du pays, avant que ne s'acharne cette tempête de feu. « La collaboration était très intéressante mais je ne me suis pas retrouvée culturellement et artistiquement à Bahrein… Au Liban, il y a une âme (rouh). Je sens que j’ai beaucoup de choses à faire dans le domaine du design. Je voudrais me donner une chance. »

« A knitted chair », fruit d'une belle collaboration mère-fille. Photo DR

De fil en aiguille

Dans le salon de l’appartement familial, plongé dans une belle lumière, une chaise – rebelle – capte l’attention des visiteurs habitués au décor plutôt sage, bien ordonné, des lieux. Une bobine attachée au pied, elle fait sourire le fer rouillé de sa structure, et le regard de celui qui la découvre. À elle seule, elle illustre une parfaite complémentarité entre les deux femmes qui, du coup, n’ont plus eu besoin de mots pour communiquer. Au bout du fil de Zalfa, la vision de Shaha et surtout l’envie de faire un projet commun. « Cette matière a toujours été autour de moi, confie cette dernière. J’ai toujours été impressionnée quand je voyais ma mère la travailler. C’était une évidence de l’embarquer ailleurs. On se retrouve à une autre échelle… » L’idée est « née à Paris, poursuit-elle. J’avais une bobine de laine de ma mère et j’étais en train de cogiter sur l’assise d’une chaise. Cette matière est idéale pour s’asseoir dessus… J’y ai associé le fer, j’avais besoin de quelque chose pour mettre en valeur la matière de ma mère. Le bois, c’est frileux alors que le fer rouillé prend de la couleur sans le peindre ». En même temps, l’association LIFE commissionne un catalogue et une exposition à « Almaz Collectible Design » (Zeina Raphaël) en collaboration avec la plate-forme « The Ready Hand » (Pascale Habis et Zeina Raphaël). « L’idée était d’associer la créativité des designers libanais – dont le talent a largement dépassé nos frontières  – au savoir-faire remarquable des artisans au Liban, dans la ligne directrice de The Ready Hand, de mettre en avant les artisans, leur savoir-faire et la créativité des designers libanais dans une pièce faite à la main et 100 % made in Lebanon », précise Zeina Raphaël.

La chaise de Shaha et Zalfa Raphaël, est ainsi décrite par The Ready Hand : « Cette pièce est dédiée à l'artisan, et donc la mère de la créatrice. Shaha Raphaël a grandi en regardant sa mère crocheter et tricoter des matériaux inhabituels pour créer des sacs étonnants. Pour ce projet, mère et fille, artisane et architecte ont collaboré pour mettre au point un tissu tricoté à la main en forme de chevrons qui sera utilisé pour la base de la chaise fixé à un cadre en acier, choisi pour contraster l'assise fibreuse avec une texture solide et naturelle, colorée par la rouille. » Au final, le projet intitulé « Creative Liaisons » rassemble 62 pièces exceptionnelles – souvent des pièces uniques – des meubles, des objets, des céramiques… créées par des designers libanais en collaboration avec des artisans locaux. Un catalogue est déjà accessible avec une vente aux enchères en ligne – qui a déjà commencé sur Givergy – et qui se conclura le 10 novembre 2023 lors de la soirée de gala de LIFE à Londres.

Dialogue entre les matières. Photo DR

 « J’ai travaillé comme une folle durant 15 jours, matin et soir, dira Zalfa, pour la présenter à temps. J’ai travaillé dur, très dur », avoue-t-elle. « Elle était devant, dessus, dessous… », ajoute Shaha. La chaise, dont la structure a été produite par ACID, est faite pour être assemblée et démontée.  Le résultat est surprenant de cohérence. Même en fer rouillé, elle est féminine et dégage à la fois une présence et une douceur. Next ? « J’ai déjà une commande de huit chaises, répond la designer. Et le projet d’une grande pièce, un divan-lit… » « Reste à trouver une équipe », concluent-elles en chœur.

La première, la mère, toujours trop discrète, s’est fait connaître (à son corps défendant) sous le nom de Zaz Knits, lorsqu’un jour, après de nombreux essais et des tentatives suffisamment réussies pour son exigence, elle a accepté de partager, puis de produire, des sacs qu’elle tricotait seule, avec sa détermination et la force de ses poignets. « Les enfants étaient...
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