
A Jabaliya, lourdement bombardée par l’armée israélienne, le 11 octobre 2023. REUTERS/Anas al-Shareef
Plus d'un million de Palestiniens ont fui le nord de la bande de Gaza depuis l'ordre lancé, vendredi dernier, par l'armée israélienne d'évacuer la zone. Pendant ce temps, Israël continue de masser ses troupes le long du territoire palestinien en vue d'une offensive terrestre imminente contre le Hamas. Et ce alors que, depuis la semaine dernière, l'enclave palestinienne est déjà soumise à des bombardements incessants qui ont fait plus de 2700 morts et près de 10 000 blessés, couplés à un siège complet de la part d'Israël.
Dans ce contexte, plusieurs voix s'élèvent pour dénoncer la situation humanitaire catastrophique que vivent les plus de 2 millions d'habitants de la bande de Gaza; l'ordre israélien qui engendre un déplacement de population massif ;et les risques colossaux pour les civils palestiniens de l'offensive israélienne en préparation.
Parmi ces voix, celle du commissaire général de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), Philippe Lazzarini, qui, depuis les bureaux de l'agence à Jérusalem-Est, a lancé, dimanche, un véritable cri d'alarme, au neuvième jour de la guerre entre le Hamas et Israël. Une déclaration sans détour, dans laquelle le responsable avertit qu'une "catastrophe humanitaire sans précédent" est en cours dans la bande de Gaza, et que nous reproduisons, ci-dessous, dans son intégralité,
"J'ai convoqué cette conférence de presse pour tirer la sonnette d'alarme : à partir d'aujourd'hui, mes collègues de l'Unrwa à Gaza ne sont plus en mesure de fournir une aide humanitaire.
Au moment où je vous parle, Gaza manque d'eau et d'électricité. En fait, Gaza est étranglée et il semble que le monde ait perdu son humanité.
Si l'on considère la question de l'eau - nous savons tous que l'eau, c'est la vie - Gaza manque d'eau et Gaza manque de vie. Bientôt, je pense, il n'y aura plus ni nourriture ni médicaments. Il n'y a pas une goutte d'eau, pas un grain de blé, pas un litre de carburant qui ait été autorisé à entrer dans la bande de Gaza au cours des huit derniers jours.
Une catastrophe humanitaire sans précédent se déroule sous nos yeux.
Le nombre de personnes cherchant refuge dans nos écoles et autres installations de l'Unrwa dans le sud est absolument écrasant, et nous n'avons plus la capacité d'y faire face Mon équipe, qui s'est déplacée à Rafah pour poursuivre ses opérations à la suite de l'ultimatum israélien, travaille dans le même bâtiment que des milliers de personnes déplacées désespérées qui rationnent également leur nourriture et leur eau.
En fait, une catastrophe humanitaire sans précédent se déroule sous nos yeux.
Avant la guerre - nous devons toujours nous en rappeler - Gaza était déjà sous blocus depuis 16 ans, et plus de 60 % de la population dépendait déjà de l'aide alimentaire internationale. Avant la guerre, Gaza était déjà une société d'assistance humanitaire. Chaque heure, nous recevons de plus en plus d'appels à l'aide désespérés de la part des habitants de la bande de Gaza.
L'Unrwa a déjà perdu 14 membres de son personnel. Il s'agissait d'enseignants, d'ingénieurs, de gardiens et de psychologues, d'un ingénieur et d'un gynécologue. La plupart des 13 000 membres du personnel de l'Unrwa dans la bande de Gaza sont maintenant déplacés ou ont quitté leur domicile. Mon collègue Kamal a perdu sa cousine et toute sa famille. Ma collègue Helen et ses enfants ont été sortis des décombres. J'ai été soulagé d'apprendre qu'ils étaient encore en vie. Ma collègue Inas craint que Gaza n'existe plus.
Toutes les histoires provenant de Gaza parlent de survie, de désespoir et de perte.
Des milliers de personnes ont été tuées, y compris des enfants et des femmes. Gaza est même à court de housses mortuaires. Des familles entières sont déchirées. Au moins un million de personnes ont été forcées de fuir leurs maisons en une seule semaine. Un fleuve de personnes continue de couler vers le sud.
Aucun endroit n'est sûr à Gaza.
Au moins 400 000 personnes déplacées se trouvent actuellement dans des écoles et des bâtiments de l'UNRWA, et la plupart d'entre eux ne sont pas équipés pour servir d'abris d'urgence. Les conditions sanitaires sont tout simplement épouvantables, et nous avons des rapports dans notre base logistique, par exemple, où des centaines de personnes partagent les mêmes toilettes. Les personnes âgées, les enfants, les femmes enceintes, les personnes handicapées sont tout simplement privés de leur dignité humaine fondamentale, et c'est une véritable honte !
Si nous n'acheminons pas maintenant des fournitures à Gaza, l'Unrwa et les travailleurs humanitaires ne seront pas en mesure de poursuivre leurs opérations humanitaires. Les opérations de l'Unrwa constituent la plus grande empreinte des Nations unies dans la bande de Gaza, et nous sommes au bord de l'effondrement. C'est absolument sans précédent.
Nous ne cessons de rappeler que le droit international humanitaire doit désormais être au centre de nos préoccupations. Les guerres, toutes les guerres, même celle-ci, ont des lois. Le droit international humanitaire est le droit de tout conflit armé. Il fixe explicitement les normes minimales qui doivent prévaloir à tout moment. La protection des blessés et des civils, y compris des travailleurs humanitaires, n'est pas négociable en vertu du droit humanitaire.
L'attaque de la semaine dernière contre Israël a été horrible. L'attaque et la prise d'otages constituent une violation flagrante du droit humanitaire international. Mais la réponse à la mort de civils ne peut être de tuer encore plus de civils.
L'attaque de la semaine dernière contre Israël a été horrible - des images et des témoignages dévastateurs continuent d'être diffusés. L'attaque et la prise d'otages constituent une violation flagrante du droit humanitaire international. Mais la réponse à la mort de civils ne peut être de tuer encore plus de civils.
Imposer un siège et bombarder des infrastructures civiles dans une zone densément peuplée n'apportera pas la paix et la sécurité dans la région. Le siège de Gaza, tel qu'il est imposé, n'est rien d'autre qu'une punition collective.
C'est pourquoi, avant qu'il ne soit trop tard, le siège doit être levé et les agences d'aide doivent pouvoir acheminer en toute sécurité des fournitures essentielles telles que du carburant, de l'eau, de la nourriture et des médicaments. Et nous en avons besoin MAINTENANT.
Ces derniers jours, nous avons plaidé pour l'acheminement de carburant, car nous en avons besoin pour la station d'eau et l'usine de dessalement dans le sud de la bande de Gaza. Malheureusement, nous n'avons toujours pas de carburant. Toutes les parties doivent faciliter la mise en place d'un corridor humanitaire afin que nous puissions atteindre tous ceux qui ont besoin d'aide.
L'Unrwa et les agences d'aide doivent pouvoir faire leur travail et sauver des vies. Et nous devons le faire en toute sécurité, sans risquer nos propres vies.
Enfin, nous appelons également à une suspension des hostilités pour des raisons humanitaires, et cela doit se faire sans délai si nous voulons éviter de nouvelles pertes de vies."
commentaires (6)
"Le monde a perdu son humanité" ...et les arabes son courage ! personne parle haut et forte!! ..mais quel humanite?
Z KD
00 h 02, le 17 octobre 2023