
Plutôt que retenir un critère d’âge, l’idée de proposer un dépistage basé sur le risque individuel pourrait faire son chemin. Photo d’illustration Bigstock
Importée en France en 1994 des États-Unis, qui avaient lancé au milieu des années 1980 le « Mois de la sensibilisation au cancer du sein » (Breast Cancer Awareness Month), la campagne annuelle est surnommée en France « Octobre rose ». Elle vise à inciter à faire un don à la recherche et à se faire dépister, alors que l’incidence du cancer du sein augmente depuis plusieurs années dans le pays (plus de 60 000 cas estimés en 2023).
Dans le monde, en 2020, 2,3 millions de cas féminins ont été recensés et 685 000 décès, selon l’Organisation mondiale de la santé.
« À la fin de 2020, 7,8 millions de femmes en vie s’étaient vu diagnostiquer un cancer du sein au cours des cinq années précédentes, ce qui en fait le type de cancer le plus courant à l’échelle du globe », relevait en juillet l’OMS, en soulignant la nécessité d’un diagnostic précoce de la maladie.
Depuis la fin des années 1980, des programmes de dépistage organisé par mammographie ont été introduits dans un nombre croissant de pays européens.
Si des causes « évitables » sont mises en avant comme la sédentarité, l’obésité, le tabagisme ou encore la consommation d’alcool, le dépistage permet de détecter tôt une éventuelle anomalie ou un cancer avant l’apparition de symptômes. Et une détection précoce augmente largement les chances de guérison.
« Rayonnements »
Mais le risque n’est pas le même pour toutes, d’où des réflexions sur une stratégie plus personnalisée.
Et alors que le nombre de cancers du sein a tendance à augmenter chez les plus jeunes, d’aucuns s’interrogent sur la nécessité d’abaisser l’âge de ce dépistage.
L’an dernier, la Commission européenne a ainsi recommandé d’élargir le public concerné de l’UE en abaissant à 45 ans l’âge d’éligibilité à un dépistage organisé.
En mai, aux États-Unis, un organisme émettant des recommandations très suivies de santé publique a de son côté estimé que les femmes devaient commencer les mammographies dès l’âge de 40 ans et non plus 50, comme précédemment.
« 40 ans, c’est sans doute trop tôt pour un grand nombre de femmes ; le risque c’est l’irradiation excessive », estime Brigitte Séradour, radiologue, ancienne présidente de la société française de sénologie.
« Abaisser l’âge du dépistage peut sembler une bonne idée, puisqu’il y a davantage de cancers de femmes jeunes, mais plus vous descendez l’âge, plus vous exposez aux rayonnements », abonde Emmanuel Ricard, porte-parole de la Ligue contre le cancer.
Lorsque l’on fait une radiologie ou un scanner, on est exposé à des rayons X. Leur accumulation peut engendrer, à terme, un risque de cancer.
Autre risque mis en avant : celui de « surdiagnostic » d’une tumeur, détectée à la mammographie, qui n’évoluera en fait jamais en cancer du sein.
Risque individuel
« Si on décide de dépister à 40 ans, on ne résout pas le problème de toutes celles qui ne le font pas à 50 ans et on ne résout pas non plus celui des femmes qui découvrent qu’elles ont un cancer du sein triple négatif avant 40 ans », relève aussi Claude Coutier, présidente du collectif Triplettes roses. Ce cancer, particulièrement agressif, touche 9 000 femmes en France chaque année, dont 40 % ont moins de 40 ans.
Plutôt que retenir un critère d’âge, l’idée de proposer un dépistage basé sur le risque individuel pourrait faire son chemin.
Une étude clinique internationale baptisée MyPeBS (My Personal Breast Screening), financée par l’Union européenne, a déjà recruté plus de 53 000 femmes âgées de 40 à 70 ans dans six pays, avec l’objectif d’évaluer l’efficacité et la faisabilité d’un tel dépistage personnalisé.
L’étude doit notamment montrer s’il s’avère « plus efficace de proposer des mammographies plus fréquentes à des femmes à risque élevé de faire un cancer grave en fonction de leurs antécédents, densité mammaire ou profil génétique », décrypte Suzette Delaloge, directrice du programme de prévention personnalisée des cancers de l’Institut Gustave-Roussy à Paris et coordinatrice de l’étude.
À l’inverse, « certaines femmes ayant un profil de risque moindre pourraient nécessiter un suivi moins poussé » que ce qui est actuellement recommandé.
Isabelle TOURNÉ/AFP
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