
Wassim Manssouri, vice-gouverneur de la banque centrale durant la conférence de presse tenue au siège social de la BDL, le 31 juillet dernier. Joseph Eid/AFP via Getty Images
Le gouverneur de la banque centrale par intérim Wassim Manssouri passe à l’offensive. Il a multiplié ces derniers jours les rencontres médiatisées pour faire passer de nombreux messages à la fois aux citoyens, mais aussi aux responsables. Selon lui, la solution existe, mais il s’agit d’une responsabilité collective, et on ne peut pas en faire assumer le poids aux seuls déposants. Il lance même un appel aux médias pour demander leur aide dans la restauration de la confiance des Libanais dans la BDL.
Devant les membres du conseil de l’ordre des rédacteurs mené par Joseph Kossaïfi, Manssouri affirme qu’il n’est pas question pour lui de modifier sa position sur le refus de créditer en dollars ou en livres libanaises l’État libanais. « Je ne toucherai pas aux 8,5 milliards de dollars de réserves, ni à l’or qui vaut près de 18 milliards de dollars, quoi qu’il arrive, dit-il, ajoutant que « si l’État veut dépenser, il doit trouver d’autres moyens de financement ». C’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer aujourd’hui avec les secteurs publics qui proviennent des recettes de l’État. Manssouri ajoute que « les pressions sur lui ne serviront pas » et en réponse à une question sur son appartenance politique, il affirme n’avoir « d’autre référence politique que le Liban », refusant d’entrer dans les dédales de la politique interne.
Selon Manssouri, la banque centrale a un rôle limité et il faut respecter ces limites. « La banque centrale ne peut pas prendre la place du gouvernement, ni celle du Parlement. » Même – et surtout – si la crise que traverse actuellement le Liban est la pire au monde depuis 150 ans, selon la Banque mondiale.
Pour Manssouri, les solutions ne sont pas impossibles, mais il faudrait pour y arriver que chacun remplisse son rôle. Selon lui, l’économie du Liban n’est pas grande. Par conséquent, le déficit actuel peut être réglé rapidement si un plan clair prévoyant l’assainissement de l’économie est adopté et appliqué. Par exemple, selon lui, l’économie du pays ne peut pas être relancée sans le secteur bancaire qui est actuellement en crise. Or, cette crise ne peut pas être réglée sans le rétablissement de la confiance entre les banques et les déposants. Selon lui, cela passe par l’adoption de lois claires, notamment celle de la restructuration du secteur bancaire. Il ne s’agit pas là, de sa part, d’une acceptation des conditions du Fonds monétaire international, mais d’une démarche logique et rationnelle pour sortir de la crise. Selon lui, le déficit ne peut pas être assumé par les déposants seulement. De même, les réserves de la BDL ne peuvent pas suffire à régler tout le problème des déposants. C’est pourquoi il faut aussi que l’État assume sa part, et le temps fera le reste. « Les réserves de la BDL, si on leur ajoute celles des banques dans le cadre de la restructuration prévue, pourraient servir de base à la solution, dans le cadre d’une feuille de route précise. Cela devrait inspirer confiance aux Libanais et pourrait avoir un effet contagieux. »
« Je suis le seul fonctionnaire qui ne peut pas démissionner »
Manssouri reconnaît que la banque centrale n’a pas de réponse seule, ni de solution à cette crise sans précédent. Celles-ci doivent être adoptées dans le cadre de lois. Il y a donc une sorte de trépied indispensable pour un accord : le gouvernement, le Parlement et la BDL. Si un tel accord est impossible, il existe d’autres voies, selon lui, qui passent par un équilibre entre les déposants et la restructuration des banques. Mais de toute façon, selon Manssouri, le cadre juridique reste indispensable. Il critique ainsi les circulaires émis par l’ancien gouverneur de la banque centrale Riad Salamé, assurant que ce procédé peut apporter des améliorations provisoires, mais il ne peut pas régler une crise aussi profonde. Lorsqu’on lui demande pourquoi il n’avait pas protesté alors qu’il était l’un des vice-gouverneurs de la banque centrale, Manssouri rappelle qu’en août 2020, la décision de cesser de créditer l’État avait été prise, mais elle n’a pas été appliquée. Selon lui, l’ancien gouverneur considérait que si l’État le demande, il doit exécuter et il faut préciser, dit-il, que les responsables l’encourageaient dans ce sens. Lui-même y était certes opposé, ainsi que les autres vice-gouverneurs. Mais que pouvaient-ils faire ? C’est le gouverneur en fonction qui détient la signature. À la question de savoir pourquoi il a fini par accepter de remplir cette fonction, alors qu’on avait parlé de réticences de sa part pendant les mois qui ont précédé cette échéance, Manssouri rappelle qu’avec les autres vice-gouverneurs, il avait lancé un appel aux responsables pour désigner un nouveau gouverneur à la fin du mandat de Riad Salamé et sortir ainsi ce dossier des tiraillements politiques. Mais comme les responsables n’ont pas répondu à cet appel, il n’y avait plus qu’une seule possibilité, celle qu’il prenne cette fonction, tout en posant des conditions qu’il a énumérées dans sa conférence de presse du 31 juillet. Pour lui, ce n’était donc pas un choix, mais une obligation. Manssouri précise aussi : « Je suis le seul fonctionnaire de l’État qui ne peut pas démissionner. » Lorsque ayant à peine pris ses nouvelles fonctions, il s’est rendu aux États-Unis, était-ce pour prendre en quelque sorte la bénédiction des responsables américains ? Manssouri s’étonne de cette question. Il considère que la visite aux États-Unis est tout à fait normale lorsqu’on occupe une telle fonction. Il ne s’agit nullement d’obtenir des bénédictions, mais de faire fonctionner le travail. Selon lui, ce n’est pas ainsi que les États traitent avec le Liban. « Le Liban est grand à leurs yeux. Il n’y a que les Libanais qui ne voient pas ainsi leur pays. »
Interrogé sur les véritables conditions du FMI, Manssouri précise qu’il s’agit en gros d’alléger l’administration, d’augmenter la TVA, de modifier le système de retraites etc., autant de mesures impopulaires, ce qui fait hésiter les responsables. Mais de toute façon, la décision n’appartient pas à la BDL. Évoquant le contenu du rapport d’Alvarez et Marsal, Manssouri confie qu’il a levé le secret bancaire sur de nombreuses personnalités, mais il préfère agir dans la plus grande discrétion.
commentaires (7)
Notre flouss d’abord après on discute…!
PROFIL BAS
16 h 22, le 01 octobre 2023