Critiques littéraires

Béryte, « nourrice des cités »

À travers l’histoire de Nonnus d’Alexandrie, Georgine Mallat fait revivre la Béryte du Ve siècle, réputée pour son École de Droit et sa bibliothèque juridique.

Béryte, « nourrice des cités »

D.R.

Tout fut détruit par le tremblement de terre de juillet 551. Il subsiste toutefois un témoignage vivace du temps où Béryte était « la racine de la vie, la nourrice des cités, le domaine de la justice, le rempart des législateurs ».

Nonnus de Panopolis, dit Nonnus d’Alexandrie, y fut envoyé pour étudier le droit car ses professeurs surpassaient ceux de Constantinople. De plus, la bibliothèque de son École de Droit était « unique pour les œuvres juridiques car elle était la première du genre, fondée dans le monde romain, avant toutes les autres. »

Poète, Nonnus a composé un long poème intitulé Les Dionysiaques pour chanter « les gloires de Béryte ».

Autour de ces faits incontestables, Georgine Mallat a brodé un roman. Il suffisait d’imaginer que des archéologues exhument un manuscrit perdu des ruines de Beyrouth : le journal de bord tenu par Nonnus durant ses quatre années d’études.

Il y relate ses rencontres, ses cours, la vie quotidienne au Ve siècle. Il y mentionne surtout une femme dont il est épris : Calpurnia est libre, fière, instruite et elle est chrétienne comme lui.

Parce que ce roman s’appuie sur une abondante bibliographie historique, il offre des descriptions fiables et détaillées de Béryte, d’un « monde disparu ».

Assez vite, un sujet prend le pas sur tous les autres… En effet, à Béryte comme ailleurs dans l’Empire romain, le Ve siècle est celui de la propagation du christianisme. Si les églises étaient encore des lieux où les symboles chrétiens et païens se côtoyaient, et où Dieu et Baal étaient, parfois, confondus, le christianisme se détachait de plus en plus du paganisme. Ses adeptes « devenaient très remuants à l’École de Béryte exerçant un endoctrinement parmi les étudiants ». Nonnus mentionne la « turbulente ambiance » qui y régnait  ; « plusieurs incidents avaient produit de l’agitation entre les étudiants chrétiens et ceux qu’on soupçonnait de pratiques païennes ».

L’auteur décrit la cruauté des « jeux » romains avant de préciser que Constantin prescrivit de commuer en travaux forcés les condamnations aux bêtes et de faire tarir les ressources pour le recrutement de la gladiature. « La chrétienté romaine effaça le crime de lèse-humanité qui avait souillé les amphithéâtres (…) aussi se manifestaient les sentiments de fraternité, de sobriété et de discipline ».

Juriste et diplomate, Georgine Mallat a déjà publié L’Émeraude était bleue et Cristal de roche. Si l’on a le courage de couvrir d’un même regard ces deux réalités que sont Béryte et Beyrouth, son dernier ouvrage ne peut que nous rappeler La Nuit des temps de Barjavel (récit dans lequel le témoignage d’un passé oublié apporte la paix à un présent belliqueux)  ; et, projetant « la grandeur du passé », nourrir en chacun d’entre nous l’espoir d’un avenir meilleur.

Lamia al-Saad

Le Manuscrit perdu de Béryte de Georgine Mallat, L’Orient des Livres, 2023, 140 p.

Georgine Mallat au festival :

Le Manuscrit perdu de Béryte, rencontre avec Georgine Mallat, Ray Moawad et Alexandre Najjar (modérateur), mercredi 4 octobre à 16h, Fondation Charles Corm.

Tout fut détruit par le tremblement de terre de juillet 551. Il subsiste toutefois un témoignage vivace du temps où Béryte était « la racine de la vie, la nourrice des cités, le domaine de la justice, le rempart des législateurs ».Nonnus de Panopolis, dit Nonnus d’Alexandrie, y fut envoyé pour étudier le droit car ses professeurs surpassaient ceux de Constantinople. De plus, la...
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