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Non, non, quatre fois non !


Pas de dialogue possible avec les assassins, confrontation tous azimuts avec le Hezbollah : on peut, bien sûr, endosser en bloc, ou non, les graves implications du virulent discours prononcé dimanche dernier par le chef des Forces libanaises Samir Geagea. On pourrait tout aussi bien mettre en garde contre les risques d’isolement inhérents à la politique de la chaise vide. En revanche, le simple bon sens, conforté il est vrai par les expériences concluantes du passé, commande les plus fortes réserves, voire la plus vive méfiance, face à la sortie de crise avancée par le président de l’Assemblée. Visiblement piégée, criblée de trous est en effet la fruste corbeille. En voici les plus béants, cette liste se prêtant volontiers, bien sûr, à plus d’une rallonge.

• En homme d’affaires extrêmement avisé, le chef du législatif croit pouvoir payer sa lourde dette en puisant effrontément dans la poche du créancier, en l’occurrence la démocratie. Il fait miroiter, telle une insigne faveur, une élection présidentielle non-stop, ne souffrant aucune interruption jusqu’à l’émergence de l’heureux élu. Or un tel processus n’est en aucun cas tributaire du bon vouloir de Nabih Berry. Pour éviter toute vacance présidentielle, la Constitution a fait du Parlement un collège strictement électoral appelé à se réunir d’office, sans nul besoin de cartons d’invitation, et tenu d’enfiler les tours de scrutin jusqu’à la salutaire apparition de la fumée blanche.


• D’autant plus claire est la supercherie que le marathon électoral promis doit nécessairement être précédé d’un dialogue entre chefs des divers blocs parlementaires, dialogue que se fait fort de réglementer, de présider (on a du mal à dire modérer !) l’homme qui se prend pour le propriétaire des lieux, qui ne démord pas de son candidat à la présidence et qui prétend se faire tout à la fois juge et partie. Et quelle partie ! Avec le Hezbollah et le Courant patriotique libre, le supposé gardien des rigueurs parlementaires a activement œuvré au sabotage systématique de l’élection présidentielle en associant ses troupes à des ruptures de quorum aussi illégitimes que répétées. C’est dire qu’en dépit des assurances prodiguées, la continuité de l’élection elle-même n’est guère à l’abri de l’un ou l’autre de ces tours de passe- passe qu’affectionne l’illusionniste de la place de l’Étoile.


• Suprême illusion, d’ailleurs, que les motivations proprement angéliques invoquées pour ce séminaire susceptible de s’étaler sur une semaine, à savoir la recherche d’un consensus sur la personne et le programme du futur chef de l’État. La réalité tiendrait plutôt de ce blanchiment qui, en matière d’argent, fait une sulfureuse réputation à notre pays. Perçu comme un des responsables de l’impasse présidentielle, menacé même de sanctions américaines, Berry n’a d’autre souci en réalité que de se dédouaner en offrant au monde l’image d’un responsable se démenant comme un beau diable pour favoriser une solution. À ceux qui lui reprocheraient de couper ainsi l’herbe sous le pied à l’émissaire spécial français Jean-Yves Le Drian, œuvrant lui aussi pour un dialogue interlibanais, Berry pourra toujours répondre qu’il ne fait au contraire que lui préparer le terrain. Que lui mâcher le travail. Que se dévouer pour dresser la table du dialogue, pour y mettre les couverts.

• Pour finir, un coup d’œil s’impose sur le menu spécial proposé par le maître de cérémonie. Par-delà les grands principes et les grandiloquentes tirades servies en guise d’indigeste garniture, la désespérante médiocrité et la corruption de l’establishment politique libanais ont régulièrement réduit les grands débats nationaux à un bazar où l’on marchande âprement les acquis et concessions réciproques. C’est d’ailleurs en pesant de tout son poids sur la répartition des lots que le Hezbollah a fini par retenir en otage le Liban. Se posant une fois de plus en incontournable faiseur de roi, c’est le palais présidentiel de Baabda qu’il entend, une fois pour toutes, grever de son hypothèque.


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Pas de dialogue possible avec les assassins, confrontation tous azimuts avec le Hezbollah : on peut, bien sûr, endosser en bloc, ou non, les graves implications du virulent discours prononcé dimanche dernier par le chef des Forces libanaises Samir Geagea. On pourrait tout aussi bien mettre en garde contre les risques d’isolement inhérents à la politique de la chaise vide. En revanche,...