Le 16 août courant, trente et un députés de l’opposition ont annoncé qu’ils rejetaient « tout dialogue qui n’inclut pas le désarmement » du Hezbollah, en réponse à la proposition de l’émissaire français Jean-Yves Le Drian d’organiser une rencontre entre les principaux acteurs libanais afin de débloquer la présidentielle. Cette demande est survenue au lendemain d’une série d’incidents sécuritaires impliquant le parti chiite, en particulier les affrontements qui ont opposé des membres de la milice aux habitants de Kahalé et qui ont fait deux morts.
« Nous ne sommes plus disposés à coexister avec les armes et les milices du Hezbollah», avait lancé en réaction le chef des Kataëb Samy Gemayel, souhaitant remettre le sujet de l’arsenal du parti sur la table. Mais du côté du Hezbollah, cette perspective est complètement écartée. « Je vous le dis tout de suite : nous n’accepterons jamais que l’on touche à nos armes. Nous ne voulons pas la légalisation des armes du Hezbollah. Même si on nous propose cela, nous le refuserons », a rappelé le secrétaire général du parti Hassan Nasrallah en juillet dernier. « Il est absolument hors de question de parler de désarmement, ni aujourd’hui ni demain », déclare à L’OLJ le porte-parole du parti chiite Mohammad Afif Naboulsi.
Comment réussir alors à entamer un dialogue avec un interlocuteur qui refuse de le faire ? « Nous sommes bien conscients du refus du Hezbollah de remettre ses armes qui sont une carte aux mains de l’Iran dans sa politique de confrontation avec Israël. Il n’empêche que cette question ne peut pas rester taboue », commente Charles Jabbour, porte-parole des FL. « On ne peut plus accepter que l’accord de Taëf et la Constitution soient bafoués de la sorte du fait du port des armes illégales, mais aussi par le biais de l’obstruction de l’élection du président », renchérit le député Ghassan Hasbani (FL), l’un des 31 signataires du communiqué de l’opposition.
Ayant précisé l’objectif, l’opposition n’a toutefois pas défini les moyens pour y parvenir. « Cela va plus loin que la présidence. C’est un agenda politique que nous voulons définir en amont pour la période à venir », dit pour sa part le député Mark Daou.
Sur le plan local, ce front est toutefois affaibli par l’absence de poids lourds sunnites et druzes en son sein et par l’ouverture d’un dialogue, en parallèle, entre le Courant patriotique libre et le Hezbollah. Les opposants au parti chiite misent toutefois sur le climat régional de détente après la normalisation saoudo-iranienne pour renégocier le rôle du Hezbollah au Liban. « Dans ce climat régional de détente, il y a désormais des garde-fous qui empêchent le “parti de Dieu” d’aller vers plus de confrontation », dit Mark Daou. Comprendre que le parti chiite serait prêt à lâcher du lest à moyen terme. « Il n’en est rien. D’ailleurs, l’entente entre Riyad et Téhéran ou entre Riyad et Damas ne pourra pas aller trop loin tant que les Américains sont à l’œuvre », répond M. Naboulsi.
Détente ou pas, le Hezbollah n’en démord pas. De son point de vue, rien ne justifie qu’il renonce à ses armes. Malgré l’accord sur la démarcation de la frontière maritime entre le Liban et Israël signé en octobre dernier, qui rend moins probable la possibilité d’une confrontation entre l’État hébreu et le Hezbollah, ce dernier estime que « la menace est permanente ».
Si la dernière confrontation entre Israël et le Hezbollah date de 2006, le parti pro-iranien considère que le calme qui règne depuis n’a été possible qu’à cause de « l’équilibre de la terreur » obtenu grâce à la force de dissuasion qu’il détient. Raison de plus, selon lui, de préserver ses armes. « En interne, le Hezb veut garantir son autonomie par rapport à l’État et détenir un moyen d’intimidation contre ses adversaires. Au plan régional, cet arsenal sert les fins de la politique iranienne et consolide la position de Téhéran dans la région », analyse Michael Young, rédacteur en chef de Diwan.
Un objectif irréaliste ?
Par le passé, plus d’une trentaine de séances de dialogue autour de la question des armes n’ont abouti à rien. Sauf peut-être à pérenniser le statu quo. Des premières séances de dialogue, initiées en 2006 par le chef du Parlement Nabih Berry sous le mandat d’Émile Lahoud, à ce jour, la question de la stratégie de défense n’aura aucune suite. Le sujet s’est imposé notamment après le coup de force du Hezbollah du 7 mai 2008 dans les régions sunnites et druzes.
L’initiative la plus aboutie a été menée par le président Michel Sleiman, qui arrive au pouvoir à la suite de l’accord de Doha en 2008. « Les différentes parties ont présenté leur rapport et leur vision de la stratégie de défense. Michel Sleiman a confié à Michel Aoun la tâche de présenter un dossier à ce sujet. C’est ce papier qui avait été pris en considération dans les recommandations finales, avec quelques amendements », se souvient Adib Abi Akl, conseiller de M. Sleiman à l’époque. Ce projet accordait un rôle avancé au Hezbollah, de sorte à faire bénéficier le Liban du savoir-faire de la « résistance », mais sous l’auspice du commandement de l’armée, une formule destinée à éviter au parti chiite une humiliation, tout en concluant sur la finalité du pouvoir régalien de l’État. Rien n’y fera.
Si le parti chiite ne ferme pas la porte à un dialogue sur la stratégie de défense – et non sur ses armes –, il en réduit considérablement la portée. « Nous voulons les convaincre de notre point de vue. Voilà à quoi vise le dialogue. S’ils ( les membres de l’opposition) ont une autre alternative, nous serons heureux de l’entendre », dit le porte-parole du Hezbollah sans trop de conviction.
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Hors de question de désarmer une milice qui est armée par un pays étranger pour détruire son pays? Sinon quoi? Si tous les libanais de toutes les confessions, inclus les chiites, les sunnites et les Druzes se mettent d’accord pour le réclamer sans trembler, le HB comprendrait enfin qu’il ne s’agit pas d’une suggestion ou d’une négociation mais d’un impératif dont ils devraient enfin faire y face et respecter. Sauf s’ils veulent aller jusqu’au bout de leur but de destruction en retournant ouvertement leurs armes contre leurs compatriotes et l’armée de leur pays. Nous serons enfin fixés sur leur résistance et leur patriotisme.
Sissi zayyat
22 h 44, le 24 août 2023