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Les lubies du jackpot


Capricieuse est par définition la mythique déesse de la Fortune qui, depuis l’Antiquité, décerne aux humains les hauts et les bas en se fiant au hasard, si ce n’est à son humeur du moment. Par-delà les inévitables aléas de l’existence, il en va autrement toutefois en matière de politique ou encore d’affaires, ces deux champs d’activité n’étant d’ailleurs nullement incompatibles, bien au contraire, dans notre pays. Sans exclure tout à fait le facteur chance, c’est là en effet qu’il est tentant (et parfois payant) de saisir au bond la bonne occasion, dans l’espoir de pousser à la hausse la Bourse des valeurs. En voici deux exemples, en tout point dissemblables.

Plus de trois ans ont passé depuis, mais nul n’a encore oublié la scène télévisée du président de l’époque appuyant solennellement du doigt sur le gros bouton rouge, geste censé claironner l’entrée du Liban dans le club très fermé des pays gaziers et pétroliers. C’est quasiment au même rituel que sacrifiaient volontiers hier, bras dessus, bras dessous, le président de l’Assemblée et le chef du gouvernement sortant, quand ils gagnaient hardiment, par hélicoptère, la plateforme de forage appelée à passer au crible les gisements offshore au large du littoral sud. Le premier ne s’est pas privé de revendiquer le mérite de l’accord-cadre qui a permis la délimitation de la frontière maritime avec Israël. Tous deux ont cependant rivalisé d’éloquence pour saluer la promesse d’un début de redressement financier du Liban.

Nabih Berry et Nagib Mikati se sont évidemment bien gardés de rappeler ce que tout le monde ne sait que trop bien : les forages qui débuteront demain sont strictement exploratoires, rien à ce stade ne garantissant encore la rentabilité de l’exploitation. En tout état de cause, il faudra attendre près d’une décennie pour commercialiser l’éventuel pactole dormant sous les eaux. Trois quarts de siècle durant, le communisme a cru pouvoir bercer les peuples d’illusions en leur serinant la rengaine des lendemains qui chantent. Non moins sidérant est toutefois le spectacle des deux hommes publics les plus immensément fortunés du Liban qui, à l’unisson, nous promettent la lune. Mais ils ne pipent mot de l’énorme chantier de réformes qui s’impose en amont des forages afin que puisse être assurée en toute intégrité et transparence la gestion du trésor sous-marin. De la tonitruante fantasia d’hier, voilà tout ce que le citoyen ordinaire aura retenu.

Exemple 2. Le sanglant incident de Kahalé du 9 août, s’accordait-on aussitôt à estimer, est un test décisif pour le commandant de l’armée qui figure en effet parmi les candidats à la présidence de la République. Quoi ! un camion du Hezbollah surchargé de matériel de guerre accidentellement renversé sur le côté et la marchandise étalée à terre, une fusillade entre convoyeurs et habitants ; et pour finir, la colère de la population lorsque l’institution militaire s’est bornée à protéger, puis à évacuer, la sulfureuse cargaison ! Or les ardeurs se sont calmées depuis et le général Joseph Aoun recevait lundi un groupe de députés de l’opposition venus lui exprimer leur soutien à la sagesse dont fait preuve l’armée dans son traitement des questions sécuritaires. C’est du même message qu’était porteuse une autre délégation représentant les habitants de la localité éprouvée.

Comme quoi – et même pour cette bonne à tout faire que l’on a fait de l’armée libanaise – il peut arriver aussi que la fortune, encore elle, vienne à qui sait attendre. Reste tout de même à savoir si le fameux test est définitivement passé pour autant…


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Capricieuse est par définition la mythique déesse de la Fortune qui, depuis l’Antiquité, décerne aux humains les hauts et les bas en se fiant au hasard, si ce n’est à son humeur du moment. Par-delà les inévitables aléas de l’existence, il en va autrement toutefois en matière de politique ou encore d’affaires, ces deux champs d’activité n’étant d’ailleurs nullement...