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Moyen-Orient - DROITS DE l’homme

Une grève de la faim massive jette la lumière sur un système carcéral impitoyable à Bahreïn

Les prisonniers, majoritairement politiques, dénoncent des conditions de détention misérables dans un pays au taux d’incarcération parmi les plus élevés de la région.

Une grève de la faim massive jette la lumière sur un système carcéral impitoyable à Bahreïn

Des manifestants bahreïnis tenant des affiches de l’activiste détenu Abdelhadi al-Khawaja au cours d’une manifestation appelant à sa libération dans le village de Jidhafs à l’ouest de Manama, le 6 avril 2012. Photo AFP

Dans le centre pénitentiaire de Jau, un des plus grands de Bahreïn, plus de la moitié des prisonniers refusent désormais de s’alimenter. Selon les données recueillies par l’Institut bahreïni pour les droits et la démocratie (BIRD), au moins 743 personnes détenues dans cette prison connue pour enfermer de nombreux opposants politiques entament leur troisième semaine de grève de la faim. Un mouvement entamé pour protester contre des condamnations arbitraires et des conditions de détention misérables, déclenchant hors les murs des dizaines de manifestations à travers le royaume ainsi que des rassemblements de solidarité à l’étranger.

Les grévistes réclament entre autres la fin de l’isolement forcé pour 17 prisonniers détenus depuis un an dans le bâtiment 3 de l’établissement, une aile placée sous haute surveillance. Autorisés à quitter leurs cellules seulement une heure par jour, les prisonniers demandent en outre une augmentation du temps de sortie et des visites familiales ainsi qu’un accès à la mosquée et la librairie de la prison, réservées à une poignée d’entre eux. Par ailleurs, ils demandent l’accès à des soins médicaux appropriés : un droit fondamental délibérément renié, selon les organisations de défense des droits de l’homme, comme en témoigne le cas très médiatisé de Abdelhadi al-Khawaja. Cet éminent défenseur des droits humains, incarcéré depuis 2011 à Jau, avait déjà entamé une grève de la faim par le passé pour exiger un traitement médical adéquat afin de soigner sa maladie cardiaque. Il s’était vu refuser un rendez-vous avec un cardiologue à 11 reprises. Aujourd’hui très affaibli, selon les dires de sa fille, l’activiste Maryam al-Khawaja, il refuse une nouvelle fois de s’alimenter depuis le 7 août.

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Selon BIRD, les prisonniers grévistes ont fait l’objet de représailles, notamment Ahmad Jaafar, un activiste politique détenu à Jau et aspergé de gaz poivre après avoir débuté sa grève de la faim dans la cour de la prison, puis enchaîné et placé à l’isolement, où il se trouve depuis hier. « Alors que les prisonniers entrent dans leur troisième semaine, certains ont commencé à s’effondrer et d’autres ont été hospitalisés. Les détenus ne comptent que sur l’eau pour survivre et refusent même les perfusions », s’alarme Sayed Alwadaei, directeur du plaidoyer de l’association bahreïnie qui voit dans le mouvement actuel « la plus grande grève de la faim dans une prison du pays depuis les manifestations prodémocratie de 2011 ».

Tensions communautaires

Dans la foulée des printemps arabes, ce minuscule archipel du Golfe, dirigé par la dynastie sunnite des Khalifa, a été secoué par un soulèvement populaire durant lequel la population à majorité chiite réclamait des réformes et une meilleure prise en compte de ses intérêt. Écrasée par une féroce répression, la révolte s’est soldée par la dissolution du principal parti d’opposition chiite al-Wefaq ainsi que des arrestations massives de militants politiques. Bahreïn compte aujourd’hui l’un des taux d’incarcération par habitant les plus élevés du Moyen-Orient, avec environ 3 800 prisonniers pour 1,5 million d’habitants.


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Et ce n’est pas la première fois que la prison de Jau, située dans le sud du royaume, attire l’attention des défenseurs des droits de l’homme. En 2015, une mutinerie y avait éclaté pour protester contre les conditions de détention. Des actes de maltraitance avaient été documentés par l’organisation Human Rights Watch, dénonçant à l’époque des « tirs de gaz lacrymogènes dans les bâtiments de la prison » par les forces de l’ordre qui battaient « systématiquement les détenus alors qu’ils vidaient les cellules ». Des appels à lancer une enquête indépendante avaient été lancés, dans l’indifférence générale des autorités. Partie prenante à la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Bahreïn a maintes fois montré sa réticence à se plier aux règles internationales en la matière. En avril 2013, les autorités avaient par exemple annulé la visite du rapporteur spécial des Nations unies sur la torture. Le 22 mai dernier, le cheikh chiite Mohammad Sanqour, religieux de haut rang, a été convoqué par la police après avoir appelé à la libération des prisonniers de Jau à l’occasion d’un prêche. Une arrestation interprétée comme une escalade contre la communauté chiite, menaçant d’attiser les tensions confessionnelles dans le pays.

Cette fois-ci, le ministère de l’Intérieur s’est fendu d’un communiqué dans lequel il assure que des agents se sont entretenus avec certains prisonniers et « qu’aucun d’entre eux n’a mentionné avoir été soumis à des mauvais traitements ». Il affirme par ailleurs que personne n’est « soumis à aucune forme d’isolement ». Des déclarations qui n’ont pas suffi à réfréner la contestation. Vendredi dernier, de grandes manifestations ont eu lieu à Bahreïn, menées par les familles de prisonniers. Des colonnes de femmes ont notamment traversé une partie de la ville pour appeler à la libération de leurs proches.

Des gestes de solidarité imités par des ressortissants bahreïnis devant leur ambassade à Londres. Alliés de longue date, les États-Unis se sont quant à eux déclarés « conscients et préoccupés » par les informations émanant de la prison. Contacté, le ministère de l’Intérieur n’avait pas donné suite à nos sollicitations à l’heure de mettre sous presse.

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