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Culture - CENSURE

« Affaire Barbie » : les réactions des artistes, entre réserve et dénonciation

Alors que de nombreux artistes contactés préfèrent ne pas s'exprimer sur le sujet, d'autres dénoncent l'approche totalitaire, l’obscurantisme galopant ou demandent même si ce n'est pas carrément « une blague ».  

« Affaire Barbie » : les réactions des artistes, entre réserve et dénonciation

Le film « Barbie » accusé d'« atteinte à la morale publique ». Photo DR

Barbie, le film américain réalisé par Greta Gerwig, dont la célèbre poupée Mattel est la vedette, devait être projeté dans les salles beyrouthines à partir du 31 août mais coup d’éclat, ou pitoyable « coup de comm », le ministre sortant de la Culture Mohammad Mortada a demandé à la Sûreté générale d'interdire sa sortie, parce qu’il « contredit les valeurs morales, religieuses et familiales qui protègent la société libanaise et nos enfants », a-t-il déclaré, en substance, dans un communiqué publié mercredi 9 août.

Le film « promeut l'homosexualité et la transsexualité... soutient le rejet de la tutelle du père, sape et ridiculise le rôle de la mère, et remet en question la nécessité du mariage et de la famille », selon le ministre.

Qu’en pensent nos artistes ? Nous avons tenté de joindre nombre d’entre eux, notamment ceux dont les démêlés avec Dame Anastasie sont notoires. Malheureusement, la majorité de ceux que nous avons sollicités ont affiché un étonnant silence radio. Sans vouloir justifier leur mutisme, quelques-uns ont avoué ne pas vouloir mettre à mal leur relation avec le ministère qui délivre de nombreuses autorisations de travail dont ils ont besoin.  Seuls quelques « téméraires » nous ont livré leurs commentaires. Que voici.

Lucien Bourjeily : « Une approche totalitaire »

Pour ce réalisateur, metteur en scène et activiste, qui a subi à plus d’une reprise les foudres de la censure (notamment en 2013 pour les pièces Btekta’ ma btekta’ et en 2015 pour Beirut Syndrom), cette affaire Barbie « est une blague ». « Dans ce pays embourbé dans des incidents sécuritaires quotidiens et où l’État est en complète déliquescence, tout ce que trouve à faire la classe dirigeante c’est interdire la sortie d’un film en salle ! Quel que soit le contenu de Barbie (que je n'ai pas encore vu), si le ministère de la Culture estime qu'il contient quelque chose qui ne convient pas aux enfants, il peut tout simplement demander qu'il soit classé en tant que film pour adultes (réservé aux plus de 18 ans).

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« Cette interdiction de projection n'est, en fait, qu'un rappel de plus du manque total de respect des dirigeants envers les citoyens de ce pays et leur liberté d'expression. C’est même l’affirmation qu’ils souhaitent exercer un contrôle absolu sur ce que les Libanais peuvent ou ne peuvent pas regarder et sur ce que les artistes peuvent ou ne peuvent pas créer. Une approche des arts similaire à celle qui s’applique dans les États totalitaires. Il est d’ailleurs tout à fait clair que de tels sujets controversés sont lancés périodiquement dans la sphère publique pour détourner l'attention des problèmes beaucoup plus urgents. Comme de l'inaptitude désastreuse de ceux qui sont au pouvoir à résoudre les crises institutionnelles, judiciaires, monétaires, économiques et bancaires, mais encore de l’éducation et de la santé sous lesquelles croule ce pays, dont les institutions publiques et de sécurité se diluent totalement dans l’anarchie dominante. »

Chrystèle Khoder : « Ce pays plonge dans l’obscurantisme »

« Je suis très en colère ! Je n’entends parler de ce ministre de la Culture que pour des affaires de censure », fulmine cette actrice, autrice et metteuse en scène dont le travail émane de l’urgence de reconstituer la mémoire collective. « En s’attaquant à ce film, Monsieur Mortada lui a fait, en réalité, une publicité incroyable. Car, suite à son interdiction, tout le monde va se ruer pour le visionner sur les plateformes de diffusion de films piratés. Je ne sais pas qui est en train de le conseiller, ou peut-être estime-t-il qu’il n’a pas besoin d’être conseillé, ce ministre magistrat, qui semble juger les affaires de la culture à l’emporte-pièce.

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« C’est inadmissible que le seul rôle du ministre de la Culture – dont le salaire provient directement de nos impôts et de nos taxes – se résume aujourd’hui à la censure et à la soi-disant protection des valeurs libanaises. Mais de quelles valeurs il parle dans ce pays qui sombre, de jour en jour, dans l’impunité et la corruption ?

« Alors que le secteur des arts et de la culture au Liban a atteint les bas-fonds, c’est bien sûr beaucoup plus important de censurer un film américain grand public ! C’est bien sûr plus important d’interdire Barbie que de chercher à voir dans quel état se trouvent, aujourd’hui, les professionnels du théâtre, qui doivent débourser d’énormes frais de générateurs pour pouvoir répéter, ou les musiciens de l’Orchestre national aux salaires de misère, ou les réalisateurs et producteurs de cinéma qui n’ont plus les moyens de financer leurs tournages.

« Bien sûr, c’est beaucoup plus important que de réfléchir à la manière dont ce gouvernement peut exporter nos produits culturels. Malheureusement, il n’y a plus d’espace pour la réflexion au Liban. Il n’y en a plus que pour l’obscurantisme et le consumérisme de bas étage. »

Alexandre Paulikevitch : « Il est temps d’arrêter la bêtise ! »

« L’Arabie saoudite et les Émirats passent Barbie dans leurs salles et nous non. Quelle honte ! » s’exclame le danseur et chorégraphe qui a eu, à plus d’une reprise, maille à partir avec la censure pour ses performances de danse baladi. « À mon avis, cette affaire est juste de la poudre aux yeux, qu’on balance au peuple pour lui offrir un bouc émissaire à la crise qu’il vit. C’est le cas des homosexuels qu’on harcèle, alors qu’il y a des faits divers plus glaçants les uns que les autres qui passent sous silence : des histoires d’incestes récurrentes, d’enfants battus, violés et incités à la prostitution dans les orphelinats religieux du pays. Je crois que notre hiérarchie des valeurs est très gravement atteinte. L’hypocrisie est désormais maîtresse du pays. Les armes et la crise s’étendent partout, mais c’est un film très léger, dont certains personnages évoquent peut-être par moments la fluidité des genres, que nos dirigeants semblent considérer comme la plus grande menace.

« Il est temps de regarder les choses telles qu’elles sont et d’arrêter de cibler les maillons faibles dans notre société. Je crois que la chose la plus grave, la plus dévastatrice pour notre pays, c’est la fuite des cerveaux et l’exil de la jeunesse. Il est temps d’arrêter la bêtise et la médiocrité qui sévit partout. C’est pourquoi, il ne faut rien lâcher, rester ici et se battre pour ne pas laisser le Liban aux mains d’un régime rétrograde. C’est une bataille de liberté et d’identité qu’il nous faut livrer. »




Le Koweït censure « Barbie »
Jeudi 10 août, le Koweït a annoncé l'interdiction de Barbie afin de protéger « l'éthique publique et les traditions sociales », selon Lafi Subaïei, président du comité de la censure cinématographique, cité par l'agence de presse officielle KUNA. Cet organisme lié au ministère des Médias tient à « interdire tout ce qui porte atteinte à la morale publique, à l'ordre public et aux traditions, par l'introduction d'idées étrangères au sein de la société », a-t-il ajouté.
Selon l’AFP, avant de prendre leur décision, les autorités avaient demandé la « suppression de certaines scènes obscènes encourageant des comportements inacceptables », sans donner de précisions sur les passages en question.
Alors que Barbie a dépassé le milliard de dollars au box-office mondial, la censure koweïtienne s'appliquera à « tout film qui contrevient aux valeurs et traditions de notre société », a indiqué le responsable.
Ailleurs dans le Golfe, Barbie est actuellement à l'affiche en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. Ces deux pays avaient pourtant eux aussi interdit des films contenant des références aux LGBT+. En juin, le film d'animation Spider-Man y avait été interdit, à cause d'une scène où figurait selon eux un drapeau transgenre.
Barbie n'est toujours pas diffusé au Qatar, qui n'a toutefois pas fait d'annonce officielle à ce sujet.



Barbie, le film américain réalisé par Greta Gerwig, dont la célèbre poupée Mattel est la vedette, devait être projeté dans les salles beyrouthines à partir du 31 août mais coup d’éclat, ou pitoyable « coup de comm », le ministre sortant de la Culture Mohammad Mortada a demandé à la Sûreté générale d'interdire sa sortie, parce qu’il « contredit les valeurs...

commentaires (7)

Et qu’en est-il de nos fausses Barbies au lèvres et joues super botoxées et au seins et fesses ultra gonflés qui se pavanent en « miaulant » des paroles de chansons d’une nullité absolue ??? Tristes temps où les « vraies » valeurs « culturelles » se perdent dans les abysses de l’inculture….

Lara Nader

11 h 32, le 13 août 2023

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • Et qu’en est-il de nos fausses Barbies au lèvres et joues super botoxées et au seins et fesses ultra gonflés qui se pavanent en « miaulant » des paroles de chansons d’une nullité absolue ??? Tristes temps où les « vraies » valeurs « culturelles » se perdent dans les abysses de l’inculture….

    Lara Nader

    11 h 32, le 13 août 2023

  • Et qu’en est-il de nos fausses Barbies au lèvres et joues super botoxées et au seins et fesses ultra gonflés qui se pavanent en « miaulant » des paroles de chansons d’une nullité absolue ??? Tristes temps où les « vraies » valeurs « culturels » se perd dans les abysses de l’inculture….

    Lara Nader

    11 h 04, le 13 août 2023

  • On se contrefiche de Barbie et des soit-disant polémiques qu'elle suscite

    IBN KHALDOUN

    22 h 07, le 12 août 2023

  • Ministre de l'inculture,,, oui

    Souheil Mansour

    17 h 26, le 12 août 2023

  • L'obscurantisme de ces gens maintient une chappe de plomb sur le Liban. Que ce gouvernement relance l'économie et trouve les coupables de l'explosion, on s'occupera des films que l'on veut aller voir !!!

    Pandora

    17 h 13, le 12 août 2023

  • Ça commence vraiment à devenir lassant tout ce matraquage sur une poupée. Censuré ou non le film se retrouvera piraté très rapidement, comme toujours au Liban.

    Charbel Moussalem

    12 h 21, le 12 août 2023

  • Très bonne article

    Saliba Patricia

    00 h 40, le 12 août 2023

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