Rechercher
Rechercher

Culture - Festival de Byblos

Guy Manoukian, l’antidéprime idéal des Libanais

Dans un mouvement d’évasion, loin des tumultes politiques, Guy Manoukian adresse un message direct aux dirigeants libanais, estimant qu’il est temps de prendre des « mesures concrètes pour le bien du pays ». « Une politique souveraine et équilibrée » est la clé, lance l’artiste. 

Guy Manoukian, l’antidéprime idéal des Libanais

Guy Manoukian sur scène au Festival international de Byblos, le dimanche 6 août 2023. Photo Mario Doueiry

Gracieusement assis au piano, accompagné d’un ensemble de musiciens talentueux – percussionnistes, violoncellistes, guitaristes et choristes –, avec un grand écran en fond de scène qui retransmet le concert en direct et en gros plan. C’est ainsi que Guy Manoukian, musicien et compositeur libanais de renom, a fait trembler les pierres chargées d’histoire de l’ancienne cathédrale de la ville côtière, dimanche soir dans le cadre du Festival de Byblos.

Flash-back. À mesure que l’après-midi avance, la cité bourdonne déjà d’une foule fébrile. Qu’il s’agisse de se déplacer à pied, à bord de charmants tuk-tuks ou même de petites voitures de golf, les fans venus des quatre coins du pays convergent vers une destination commune : le vieux port pittoresque de la ville millénaire.

Des milliers de spectateurs ont assisté au concert de Guy Manoukian au Festival de Byblos, le 6 août 2023. Photo Press Agency

Un spectacle à guichets fermés

Ces milliers de « chanceux » ayant réussi à mettre la main sur des billets pour le concert à guichets fermés se tenaient en file, attendant patiemment le passage au contrôle de sécurité, tandis que des discussions animées fusent ici et là. « Je suis tellement impatiente ! Je ne rate aucun de ses concerts, peu importe où il se produit ! » s’exclame une femme avec enthousiasme, engagée dans la file d’attente. « Quant à moi, j’ai fait le déplacement depuis New York pour être ici et profiter du spectacle. J’ai même entendu dire qu’il a prévu de se produire bientôt aux États-Unis », affirme une autre.

Dans une entrevue à L’Orient-Le Jour, le musicien estime qu’il a eu, cette année, « l’immense honneur de participer à plusieurs festivals », parmi lesquels Beiteddine, Byblos, le Casino du Liban et, très bientôt, un festival à Qobeïate, en plus de plusieurs concerts dans diverses régions libanaises. « Au début de l’année, mes proches avaient quelques doutes quant à la capacité de mes concerts à attirer autant de spectateurs, au vu de ce grand nombre de représentations. Cependant, comme en témoigne le spectacle d’aujourd’hui, les billets se sont vite écoulés. Même en prolongeant les représentations à Byblos de deux ou trois soirées supplémentaires, la salle aurait été comble à chaque fois. Ce soir, la demande pour plus de 2 000 billets supplémentaires a dépassé nos attentes », ajoute Manoukian, saisissant l’occasion pour exprimer sa profonde gratitude envers son public fidèle.

Guy Manoukian sur son piano, lors du Festival international de Byblos, le 6 août 2023. Photo Mario Doueiry

Des aménagements inclusifs

Une fois le contrôle des billets franchi, le théâtre majestueux à ciel ouvert, qui surplombe la splendide baie de Byblos, se dévoile.

Chose assez rare pour être signalée : les organisateurs ont pris des dispositions spéciales pour accueillir les personnes à mobilité réduite. « La Croix-Rouge, présente en nombre sur les lieux, assure un appui considérable. Nous avons aménagé des rampes spéciales pour les personnes à mobilité réduite, afin qu’elles puissent se déplacer en chaise roulante avec facilité. Elles ont la possibilité de prendre place dans la zone B, soit dans des espaces aménagés spécifiquement pour elles, soit en retirant les chaises en plastique pour y installer leur fauteuil roulant. Si la montée de la rampe leur est difficile, les volontaires de la Croix-Rouge se tiennent prêts à les aider, voire les transporter », explique Mirella Kordahi, une des hôtesses de l’événement.

Un spectacle d’exception

Sous les feux de la scène, le musicien lance à son public d’une voix empreinte d’émotion : « Vous êtes le plus grand public que Byblos ait jamais vu. Vos épaules se frôlent, vous êtes unis comme une troupe de dabké ! Je suis comblé de me trouver avec vous à Byblos ce soir. »

Sur cette scène, Guy Manoukian, assis devant son piano, est accompagné par une équipe de quatre musiciens aux percussions, deux derbakés, quatre violoncellistes, un guitariste et une chorale de dix voix. L’énergie dans l’air est palpable : à chaque début de chanson, l’effervescence du public se fait entendre, les paroles jaillissant spontanément, même avant le premier accord. Les gradins se mettent en mouvement, portés par le rythme vibrant des spectateurs.

« Une légende ! Vous êtes une vraie légende ! » s’exclame l’un des admirateurs, traduisant le sentiment collectif de respect et d’admiration. 

« Le Liban puise sa force de sa diaspora. Nombre d’entre vous font partie de cette toile. En ces temps incertains, ne cessez pas de croire en la grandeur du Liban. Ce pays mérite votre engagement, votre soutien indéfectible », lance le chanteur, avant de poursuivre le spectacle avec la chanson Bhebbak Ya Loubnan (« Je t’aime ô Liban »).

Lire aussi

Une explosion de saveurs à la Hiba Tawaji

Un concert à la résonance politique

Pour l’artiste, le message de son spectacle est on ne peut plus clair : « Le Liban ne peut être laissé à l’abandon. Son destin ne repose pas uniquement sur la présence ou l’absence d’un président ou d’un gouvernement. La vraie force du Liban réside dans les initiatives privées et dans la foi inébranlable de ses habitants en ce pays. Comme en témoigne notre rassemblement aujourd’hui, la présence du ministre du Tourisme Walid Nassar ne se réduit pas à sa fonction officielle. En tant que natif de Byblos, il a personnellement et financièrement soutenu ce concert. »

Dans une interview à L’OLJ suite au concert, M. Nassar explique : « Notre engagement absolu à redonner au Festival international de Byblos son éclat d’antan demeure inébranlable. L’édition de cette année, comme vous l’avez observé, a amorcé son déroulement avec une dynamique prometteuse. Nous souhaitons exprimer notre sincère reconnaissance envers le secteur privé et la diaspora libanaise, dont la réponse enthousiaste à notre appel se traduit par leur retour au Liban. » « Plus de 1 200 000 membres de la diaspora ont convergé cette année au Liban. Cette participation significative témoigne de leur lien profond avec leur pays d’origine », ajoute le ministre, rappelant que les festivals au Liban se poursuivront jusqu’à la mi-septembre.

Pour Guy Manoukian, ces festivals se déroulent dans une optique de politique de décentralisation et d’accroissement financier. « Chaque région s’efforce actuellement de se rendre autosuffisante, en attirant les événements et les ressources sur son territoire. Si le secteur touristique joue un rôle crucial, il ne saurait à lui seul remettre le pays sur pied. Actuellement, près de 85 % des flux financiers entrants proviennent de la diaspora et du secteur touristique, une situation qui n’est pas soutenable à long terme. Je lance alors un appel aux politiciens libanais pour qu’ils mobilisent toutes leurs compétences et leurs ressources pour sauver le Liban. Je suis certain qu’ils ne sont pas tous corrompus. »

« Le pays a besoin d’un traitement de fond, similaire à une chimiothérapie pour lutter contre un cancer, plutôt que de simples solutions temporaires. Pour ce faire, il est impératif de cultiver des relations solides avec nos frères des pays arabes. Nous assistons aujourd’hui à des développements diplomatiques préoccupants avec d’autres nations. Le Liban ne peut se permettre d’agir comme une île isolée. Il doit au contraire adopter une position équilibrée vis-à-vis de tous, en suivant une politique souveraine et indépendante », explique l’artiste.

Le week-end dernier, les annonces auxquelles fait référence Guy Manoukian sont tombées l’une après l’autre. Emboîtant le pas à l’Arabie saoudite, le Koweït, Bahreïn, les Émirats arabes unis, Qatar et Oman ont publié des communiqués décourageant leurs ressortissants de se rendre au Liban, en pleine saison touristique. Ces avis sont intervenus à la suite de sanglants affrontements interpalestiniens dans le camp de Aïn el-Héloué, au Liban-Sud. Mais alors qu’un calme prudent s’y est installé depuis quelques jours, la décision des chancelleries arabes pourrait être aussi en rapport avec des considérations politiques.

Lire aussi

Pourquoi les pays du Golfe resserrent-ils l'étau autour du Liban ?

À ce sujet, le ministre Nassar réplique : « Tout ce que vous entendez de la part des ambassades relève d’analyses personnelles et non d’informations sécuritaires. Certaines régions, comme Saïda et Ain el-Heloué, ont effectivement des problèmes. Cependant, il est important de souligner que le pays est sécurisé et sous contrôle, notamment grâce à l’effort conjoint de l’armée libanaise et des Forces de sécurité intérieure (FSI). Ces forces sont déployées en masse sur le territoire pour garantir la sécurité. Le même niveau de déploiement est observé dans tous les festivals, afin de prévenir tout incident. »

Parmi les spectateurs, on pouvait également remarquer la présence du ministre sortant des Télécommunications, Johnny Corm, et de son épouse. « C’est un réel plaisir d’être ici », a déclaré le ministre à L’OLJ. « Ce genre de spectacle est source d’encouragement et nous permet de mettre de côté, ne serait-ce que pour une soirée, les défis auxquels notre pays fait face. Cela nous offre un aperçu authentique du Liban », a-t-il ajouté.

Dans un élan d’évasion loin des tumultes du pays, le spectacle s’est conclu dans la liesse. Certains se sont levés, d’autres ont bondi au rythme effréné de la musique et de la danse traditionnelle de la dabké. Les officiels se sont fondus dans la foule. Sous les projecteurs, Guy Manoukian a transcendé les divisions du quotidien, créant un espace pour l’espoir et la positivité. Par sa musique, il a insufflé une bouffée d’air frais, rappelant que, malgré les soubresauts politiques, l’art peut nous unir et nous enraciner dans le moment présent.

Gracieusement assis au piano, accompagné d’un ensemble de musiciens talentueux – percussionnistes, violoncellistes, guitaristes et choristes –, avec un grand écran en fond de scène qui retransmet le concert en direct et en gros plan. C’est ainsi que Guy Manoukian, musicien et compositeur libanais de renom, a fait trembler les pierres chargées d’histoire de l’ancienne cathédrale...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut