L’affaire de Mseilha (Batroun), un barrage qui depuis plusieurs années fait couler beaucoup d’encre en raison de son incapacité, selon certains experts, à stocker l’eau malgré le coût faramineux qui lui a été consacré, vient de faire l’objet d’un jugement qui, une fois n’est pas coutume, semble avoir été rendu à l’écart de toute considération politicienne.
Le juge des référés auprès du Conseil d’État, Carl Irani, a ainsi condamné mercredi le ministère de l’Energie à payer une astreinte de 3 millions de livres par jour de retard à partir de la date de sa décision, tant que le ministre n’aura pas communiqué les documents relatifs au barrage de Mseilha à l’avocat et activiste Ali Abbas, ainsi qu’au journaliste Edmond Sassine.
Suite à une requête présentée en mars dernier par Ali Abbas et Edmond Sassine, le juge Irani avait exigé la fourniture des documents dans un jugement rendu le 4 avril, en se fondant sur la loi du droit d’accès à l’information (2017). Le ministre sortant de l’Energie Walid Fayad s’étant abstenu d’obtempérer, les requérants ont recouru une nouvelle fois à la justice des référés, le 21 juillet, ce qui a conduit le juge, cinq jours plus tard, à imposer l’astreinte en question.
Une passoire
Plusieurs documents avaient été requis dans la décision du 4 avril, notamment un rapport sur les études géologiques concernant la nature du sol au niveau du barrage, le nom de l’entrepreneur en charge des travaux, le prix du projet ainsi que le coût des expropriations à la charge de l’État.
Censé contenir six millions de mètres cubes d’eau pour desservir une trentaine de villages du littoral de Batroun, selon des informations qui avaient été publiées en 2019 sur le site internet du ministère de l’Énergie, le fonctionnement du barrage de Mseilha a souvent été problématique. « Il s’agit d’une passoire », affirme Ali Abbas, en référence aux importantes fuites d’eau à cause desquelles le barrage se retrouve parfois vide.
Le jugement de mercredi qui condamne le ministère à une astreinte est « exécutoire » d’office, affirme Ali Abbas à L’Orient-Le Jour, soulignant qu’il n’est pas nécessaire d’en notifier la partie adverse. Pour plus d’efficacité, M. Abbas l’a pourtant déjà notifié au ministère de l’Énergie, en vue d’obtenir une copie exécutoire de la part de la justice.
Qu’en serait-il si le ministre continue de ne pas obtempérer ? Réponse de l’activiste : « Nous porterons plainte devant la Cour des comptes, sur base de l’article 93 de l’Organisation du Conseil d’État, selon lequel tout fonctionnaire du service public qui use de son pouvoir ou de son influence pour entraver ou retarder l’exécution d’un jugement est passible d’une ponction de trois à six mois de son salaire. »
Interrogé par L’OLJ pour savoir s’il compte exécuter la décision du juge Irani, le ministre Fayad affirme qu’il va « assurément » fournir les documents. « Mon retard dans la communication des pièces est dû au fait que le ministère manque de fonctionnaires », avance-t-il, affirmant que « certains d’entre eux ne viennent pas tous les jours à leur bureau et travaillent à peine ».
Ali Abbas affirme pourtant que les demandes présentées au ministère de l’Énergie par Edmond Sassine et lui-même datent de février et juin 2022. Une source judiciaire informée affirme à cet égard que l’argument avancé par le ministre Fayad « ne convainc pas ». Une grève des fonctionnaires ne justifie pas l’atermoiement qui dure depuis dix-huit mois, juge cette source, estimant que « les documents réclamés ne représentent que quelques pages que le ministre peut photocopier lui-même ».
Le ministre Fayad indique, au contraire, que les documents seraient contenus dans "deux grands placards". "J'ai demandé aux employés du ministère de se mobiliser pour me montrer tout ce que ces placards renferment, pour qu'à mon tour je le partage", affirme-t-il.
Cet article a été corrigé le 28 juillet 2023 à 9h27 afin de préciser que c’est le ministère de l’Energie et non le ministre sortant de l’Energie qui a été condamné à payer une astreinte.
commentaires (10)
C'est encore un projet d'un bécile(s).
Anthony Kallassy
23 h 02, le 29 juillet 2023