L’avenir de la Banque du Liban est encore en suspens. À 24 heures d’un Conseil des ministres décisif mais controversé, qui devrait trancher la question de la succession du gouverneur de la banque centrale Riad Salamé, de nombreuses questions restent sans réponse. Même la tenue de la réunion ministérielle reste improbable. Car le président du Parlement Nabih Berry et le Premier ministre sortant Nagib Mikati, qui poussent pour une nomination, pourraient se heurter à un défaut de quorum provoqué par l’absence de plus d’un tiers des ministres (huit). Non seulement Nabih Berry n’a pas pu rallier le Hezbollah à sa cause, mais il n’a même pas pu compter sur son allié chrétien, les Marada de Sleiman Frangié, dans sa démarche.
Entre Berry et Nasrallah
En effet, le ministre sortant de l’Information Ziad Makari, proche du zaïm de Zghorta, a déclaré mercredi que lui et son collègue sortant des Télécommunications Johnny Corm ne participeront pas au Conseil des ministres. Les deux ministres sortants des Marada s’alignent donc sur la position du Hezbollah, qui juge anticonstitutionnelle la nomination d’un successeur à Riad Salamé en l’absence d’un président de la République. Outre la légalité de la démarche, la priorité pour le parti de Hassan Nasrallah est de rétablir ses relations avec son allié chrétien, le Courant patriotique libre, après des mois de brouille. Et puisque les aounistes, qui accusent Berry et Mikati de vouloir profiter du vide présidentiel pour gouverner sans un partenaire chrétien, considèrent la nomination d’un fonctionnaire de première catégorie comme une ligne rouge, le Hezbollah ne va sûrement pas la franchir. Les deux ministres sortants du parti Moustapha Bayram et Ali Hamiyé pourraient ainsi participer à la réunion ministérielle, qui, sur le papier, doit adresser les « défis économiques et monétaires », et se retirer une fois la question de la nomination mise sur la table. Contacté, le Hezbollah n’a pas donné suite.
Sleiman Frangié, de son côté, semble avoir fini par suivre les pas du parti de Dieu, au grand dam de Nabih Berry. Alors que le soutien de Gebran Bassil lui est essentiel s’il souhaite accéder à Baabda, Sleiman Frangié semble ainsi lui tendre la main. « La question n’est pas politique. Il s’agit simplement d’une position de principe », se contente de dire M. Makari dans une déclaration à L’Orient-Le Jour. Le ministre sortant des Déplacés Issam Charafeddine, proche du leader druze prosyrien Talal Arslane, lui aussi un allié du maître du perchoir, a également annoncé qu’il allait boycotter la réunion de jeudi. Naturellement, les cinq ministres sortants encore fidèles au camp aouniste (Abdallah Bou Habib, Walid Nassar, Maurice Slim, Hector Hajjar et Henry Khoury) ne devraient pas assister au Conseil des ministres non plus, tout comme le ministre sortant du Tourisme Walid Nassar, nommé par le CPL mais qui garde une certaine marge de manœuvre.
Quid de la menace de démission ?
Dès lors, la perspective de la nomination, jeudi, d’un nouveau numéro un de la banque centrale semble très improbable. De plus, selon nos informations, le duo Berry-Mikati s’oppose à la proposition des aounistes de nommer un « tuteur légal » ou un « directeur temporaire » pour gérer la BDL le temps qu’un président soit élu. La seule solution reste que les quatre vice-gouverneurs de la banque centrale assurent l’intérim après le 31 juillet. Ces derniers, probablement sous l’impulsion de Nabih Berry, ont toutefois brandi la menace d’une démission afin d’éviter ce scénario. Menacés de représailles judiciaires s’ils passaient à l’acte, ils ont dans un second temps proposé aux députés un « plan de redressement économique » et fait comprendre à demi-mot aux responsables qu’ils conditionnaient leur maintien au poste à une couverture législative pour le mettre en œuvre.
Mercredi, les quatre vice-gouverneurs se sont entretenus – pour la seconde fois en deux jours – avec Nagib Mikati et son vice-Premier ministre sortant Saadé Chami. « Nous avons discuté de la feuille de route présentée par les vice-gouverneurs, qui n’ont pas évoqué une quelconque démission collective », affirme à notre journal M. Chami. Selon nos informations, le Premier ministre sortant a promis aux hauts fonctionnaires de leur débloquer 200 millions de dollars par mois des réserves obligatoires en devises de la Banque du Liban pour financer des opérations de change. Depuis des mois, Riad Salamé alimente, en piochant dans les réserves, la plateforme Sayrafa qui permet aux Libanais d’acheter des dollars à un taux inférieur à celui du marché. Mais la promesse du chef du gouvernement sortant a d’ores et déjà été contrecarrée par une décision, tombée le même jour, du Conseil d’État, qui a refusé la demande du gouvernement sortant de débloquer des lignes de crédit de ces réserves sans une loi en ce sens. Un passage donc obligé par l’Assemblée, présidée par Nabih Berry, qui a rejeté la responsabilité de la non-tenue d’une telle séance sur les partis chrétiens qui refusent le principe de législation de nécessité. Contacté, un proche du groupe des vice-gouverneurs a toutefois affirmé à notre journal « que la démission collective n’est plus sur la table et que les quatre responsables sont prêts à assumer leurs responsabilités ».
commentaires (8)
Vos leurres ne nous atteignes plus, ayez un sursaut de patriotisme. Ne me laissez pas user de gros mots à votre égard. Vous êtes tous responsables. Vous paierez les pots casés.
Mohamed Melhem
09 h 50, le 27 juillet 2023