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Moyen-Orient - Réchauffement climatique

Face aux canicules, les leçons bioclimatiques d'une ville antique d'Iran


Cette photo prise le 3 juillet 2023 montre une vue d'un couloir à l'époque safavide (1501-1736) Bagh Gandom Ab-Anbar (citerne) dans la ville centrale de Yazd en Iran. Photo Atta Kenare/AFP

En plein coeur de l'Iran, le thermomètre dépasse souvent les 40 degrés. Mais ces températures extrêmes restent supportables grâce aux tours à vent, les ancêtres écologiques de la climatisation, qui intéressent de nouveau les architectes.

Située non loin de la Route de la soie, Yazd est l'une des villes les plus chaudes au monde. Entourée de deux déserts, ses étés sont brûlants et les pluies extrêmement rares. Ses habitants ont appris à s'y adapter. Avec des méthodes inventées il y a plus de 2.500 ans, au temps où l'empire perse dominait le Moyen-Orient.

Yazd est "le témoignage vivant de l'utilisation intelligente des ressources disponibles limitées nécessaires à la survie dans le désert", résume l'Unesco, qui l'a inscrite dès 2017 sur la liste du Patrimoine mondial. Cette cité de 530.000 habitants est "une source d'inspiration pour la nouvelle architecture confrontée aux défis de la durabilité", ajoute cette organisation de l'ONU. Yazd est notamment réputée pour ses quelque 700 badguirs ("attrape-vent" en persan), des tours traditionnelles et élégantes qui surmontent les toits plats du centre historique.


Cette photo prise le 3 juillet 2023 montre une vue d'attrape-vent ("badir" en persan) dans la ville centrale de Yazd, en Iran. Photo ATTA KENARE / AFP

"Les badguirs ont joué un rôle capital dans la prospérité de la ville. Durant des siècles, avant l'invention de l'électricité, elles ont permis de rafraîchir les logements. Grâce à elles, les gens vivaient à l'aise", explique Abdolmajid Shakeri, responsable du ministère du Patrimoine pour la province de Yazd. Similaires à des cheminées droites à quatre côtés, les badguirs sont dotées de grandes fentes verticales et de plusieurs conduits à l'intérieur. Elles laissent entrer le moindre souffle d'air frais dans le logement tandis que, sous la pression, l'air chaud est poussé à en sortir.

Cette méthode de réfrigération est "totalement propre car elle n'utilise ni électricité ni matériaux polluants", souligne Majid Oloumi, directeur du jardin de Dowlat-Abad, où se situe une badguir de 33 mètres, la plus haute au monde.

"Simplicité"

Cet exemple d'architecture bioclimatique inspire un nombre croissant d'architectes dans le monde, comme le Franco-Iranien Roland Dehghan Kamaraji, basé à Paris, qui a longuement étudié le fonctionnement des badguirs.

Elles "démontrent que la simplicité peut être un attribut essentiel de la durabilité, démentant l'idée répandue que les solutions durables doivent nécessairement être complexes ou high-tech", défend-il. Parmi les projets les plus représentatifs, il cite celui de la Masdar City, aux Emirats arabes unis, dont "les bâtiments sont conçus pour tirer parti de la ventilation naturelle pour le refroidissement, à l'instar des badguirs."

A Melbourne, en Australie, le Council House 2 est aussi un immeuble au système de refroidissement passif, comme le Eastgate Centre à Harare (Zimbabwe), qui "s'inspire des termitières, une démarche similaire à celle des badguirs".

A Yazd, les tours et les maisons traditionnelles sont construites en pisé, fait d'argile et de terre crue, d'efficaces isolants thermiques.

Bien préservée, la Vieille ville est en outre organisée autour d'étroites ruelles et "sabats", ces passages en partie couverts qui protègent du soleil. Le contraste est saisissant avec les avenues de la ville moderne, larges et rectilignes.   "Malheureusement, l'héritage transmis par nos ancêtres a été oublié", surtout depuis l'apparition des climatiseurs, regrette Majid Oloumi. "Aujourd'hui, l'architecture des maisons, venue d'autres pays, et les méthodes de construction, à base de ciment, ne correspondent pas au climat de Yazd."

A l'international, M. Dehghan Kamaraji constate que nombre de projets d'architecture bioclimatique restent entravés "par les exigences économiques et les normes établies par l'industrie", qui privilégie encore majoritairement l'utilisation de matériaux gourmands en énergies fossiles.

Assèchement

Les spécialistes s'intéressent aussi à une autre spécialité de Yazd: les "qanats", ces étroites galeries souterraines qui acheminent l'eau des montagnes ou des nappes souterraines vers les lieux de vie.  Construits il y a plus de 2.000 ans pour certains, "ces aqueducs souterrains constituent une source d'approvisionnement en eau et permettent de rafraîchir les habitations et de conserver la nourriture à une température idéale", explique Zohreh Montazer, spécialiste des qanats de Yazd.


Les gens visitent le Qanat (aqueduc souterrain) de Zarch suspendu sur le site de la ville centrale iranienne de Yazd le 3 juillet 2023. Une caractéristique architecturale durable de l'ancienne ville iranienne de Yazd est son système d'aqueducs souterrains appelés qanats, qui transportent l'eau du sous-sol les puits, les aquifères ou les montagnes. Photo ATTA KENARE / AFP

Le nombre de qanats en Iran est estimé à 33.000, contre 50.000 au milieu du XXe siècle, une baisse liée en partie à l'assèchement des nappes phréatiques en raison de la surconsommation d'eau, selon l'Unesco. Soucieux de préserver cet héritage, l'Etat iranien a réhabilité le plus long et ancien qanat du pays, celui de Zarch, qui s'étend sur plus de 70 km dans la province de Yazd. Cet étroit boyau est partiellement ouvert à la visite, une façon de sensibiliser les habitants aux défis à venir. "Le jour où les énergies fossiles s'épuiseront, nous devrons retourner vers les méthodes" qui ont déjà fait leurs preuves à Yazd, avertit Mme Montazer.


En plein coeur de l'Iran, le thermomètre dépasse souvent les 40 degrés. Mais ces températures extrêmes restent supportables grâce aux tours à vent, les ancêtres écologiques de la climatisation, qui intéressent de nouveau les architectes.

Située non loin de la Route de la soie, Yazd est l'une des villes les plus chaudes au monde. Entourée de...

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