Épisode deux. Un peu plus d’un mois après sa visite inaugurale « d’exploration et d’écoute », Jean-Yves Le Drian, émissaire du président français Emmanuel Macron pour le Liban, atterrit mardi à Beyrouth pour une seconde tournée auprès des protagonistes locaux. Chargé de trouver une issue à l’impasse présidentielle, le diplomate sera donc de retour une semaine après la réunion à Doha du groupe des Cinq (la France, les États-Unis, l’Arabie saoudite, le Qatar et l’Égypte), lors de laquelle il avait arraché le soutien des quatre partenaires de Paris à sa médiation, sur la base, cette fois-ci, d’une coordination au sein du groupe. Toutefois, pour les acteurs locaux, l’heure n’est pas à l’optimisme.
« Lassitude générale »
« Ce second déplacement au Liban s’inscrit dans sa mission de facilitation et de bons offices, avec pour objectif que toutes les parties prenantes concernées créent les conditions favorables à l’émergence d’une solution consensuelle pour l’élection du président de la République, étape essentielle à la remise en marche des institutions politiques dont le Liban a urgemment besoin pour s’engager dans la voie du redressement », peut-on lire dans un communiqué du Quai d’Orsay. Le diplomate français doit, comme lors de son dernier déplacement, commencer sa tournée marathon de deux jours par le président de la Chambre Nabih Berry, avant d’aller à la rencontre du reste des principales figures politiques libanaises. M. Berry a accueilli lundi, à Aïn el-Tiné, l’ambassadrice française à Beyrouth Anne Grillo, en tournée avant la fin de sa mission au Liban.
« Malgré la lassitude générale au sein de la communauté internationale, la France continue de s’intéresser au Liban et souhaite qu’il reste une priorité », affirme une source diplomatique française à notre journal. « Dans ce sens, M. Le Drian va évoquer avec les acteurs libanais les résultats de la réunion de Doha et des contacts qu’il a menés, tout en menant un effort de médiation entre les deux camps », ajoute la source. « Le représentant personnel du président de la République pour le Liban s’est rendu en Arabie saoudite, du 10 au 12 juillet, puis au Qatar où il a participé le 17 juillet à une réunion sur le Liban avec l’Arabie saoudite, le Qatar, les États-Unis et l’Égypte, avant de se rendre de nouveau en Arabie saoudite le 18 juillet », rappelle le communiqué du Quai d’Orsay.
Alors que le tandem chiite Amal-Hezbollah s’attache à la candidature du leader de Zghorta Sleiman Frangié, la majorité des chrétiens ainsi que le reste de l’opposition appuient la candidature du haut cadre du Fonds monétaire international Jihad Azour. Paris a proposé dans un premier temps un troc entre la présidence de la République qui irait à Sleiman Frangié, et le poste de Premier ministre qui reviendrait au candidat du camp adverse, le juge et diplomate Nawaf Salam. Cette proposition s’est heurtée au refus d’une partie des acteurs locaux, mais aussi de ses partenaires internationaux.
« Nous sommes loin d’un déblocage »
Pour sortir de l’impasse, M. Le Drian a suggéré par la suite la tenue d’un dialogue national. Une idée qu’il avait évoquée lors de son premier séjour à Beyrouth. Mais lors de la réunion du groupe des Cinq, Riyad et Doha ont refusé de soutenir cette démarche, arguant que la priorité est à l’élection du président et craignant qu’un dialogue n’ouvre la porte à des amendements constitutionnels qui toucheraient la formule de gouvernance actuelle basée sur l’accord de Taëf. Sur la scène locale aussi, l’initiative de Le Drian ne fait pas l’unanimité. À Doha, le recours à l’arme des sanctions pour pousser les dirigeants libanais à fléchir leur position avait été évoqué, notamment par l’Arabie saoudite et les États-Unis. Selon nos informations, des lobbys libanais à Washington ainsi que plusieurs sénateurs militent pour que des sanctions soient imposées sur les principaux décideurs libanais. Mais malgré les menaces, les protagonistes campent sur leurs positions, sans percée en vue. Ainsi, dans les médias locaux, on qualifie la visite de l’émissaire français de « cosmétique » et de « protocolaire », excluant de voir M. Le Drian porter une nouvelle initiative. « Nous sommes loin d’un déblocage », analyse le politologue Karim Bitar. Et d’abonder : « Dans ce contexte, et malgré la visite du diplomate français, il est très improbable qu’on assiste à un progrès dans le dossier présidentiel avant l’automne. » Une nouvelle réunion du groupe des Cinq est prévue en septembre.
« On ne peut pas dire que cette visite n’est que “cosmétique”, proteste la source diplomatique précitée. M. Le Drian va présenter une feuille de route pour l’étape à venir, qui pourrait conduire éventuellement à une percée. Tout sera plus clair après les entretiens qu’il va mener. » Selon nos informations, M. Le Drian souhaite que les protagonistes libanais abordent la question présidentielle dans le cadre d’un « panier complet », qui comprendra également, aux côtés de l’élection d’une « figure de compromis », le nom du chef du gouvernement, la formation de son équipe ainsi que la nomination du gouverneur de la banque centrale et du commandant de l’armée libanaise. « Après avoir senti à quel point les désaccords sont profonds lors de sa première visite, l’émissaire français croit désormais que le consensus n’est pas indispensable, remarque un proche du Quai d’Orsay. Certes, il est souhaitable que le prochain chef de l’État fasse l’objet d’une entente élargie, mais le plus important, c’est de sortir du vide et de commencer les réformes. »
Au fait c'est un montage sur la photo J Y Le Drian et N. Berri habillés pareil ???
16 h 50, le 25 juillet 2023